Plaintes contre Gérald Darmanin : pourquoi la position du ministre devient de plus en plus difficile
Le ministre de l'Action et des Comptes publics, déjà visé par une enquête pour viol, fait désormais l'objet d'une enquête pour abus de faiblesse.
Gérald Darmanin peut-il rester au gouvernement ? Le ministre de l'Action et des Comptes publics, déjà visé par une enquête pour viol, fait l'objet d'une enquête pour abus de faiblesse après la plainte déposée par une femme mardi à Paris, a appris Le Point de source judiciaire.
Selon une source proche de l'enquête, la plaignante est une habitante de Tourcoing (Nord), ville dont Gérald Darmanin a été le maire de 2014 à 2017. "Elle a demandé à être relogée et c'est à ce moment-là que Gérald Darmanin lui aurait fait des avances" à caractère sexuel au cours des années 2015 et 2016, selon les informations du journal. Jeudi, le ministre a qualifié cette plainte de "calomnie" et a martelé : "Je suis concentré sur mon travail de ministre et rien ne me fera dévier." Pourtant, certains éléments montrent que sa position devient de plus en plus intenable.
Devant les médias, le gouvernement maintient son soutien
Mardi, Emmanuel Macron avait mis en garde contre une "forme de République du soupçon" à propos des accusations d'agressions sexuelles portées contre ses ministres, avant que la seconde procédure visant Gérald Darmanin ne soit révélée. Depuis, c'est silence radio à l'Elysée. Et c'est Matignon qui s'exprime.
Peu après l'annonce de cette nouvelle plainte, Edouard Philippe a appelé mercredi à respecter "la parole du plaignant comme la présomption d'innocence", réaffirmant "la même" position selon laquelle un ministre peut rester au gouvernement tant qu'il n'est pas mis en examen. Lors de la révélation de la première plainte visant Gérald Darmanin, fin janvier, le Premier ministre et Emmanuel Macron avaient affiché leur soutien au jeune ministre. Matignon avait fait savoir que Gérald Darmanin avait "toute la confiance" du Premier ministre.
Pour Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, "il faut évidemment respecter la parole des plaignantes, et des douleurs qui peuvent être révélées dans le cadre de ces mises en cause, mais elles ne valent pas mise en examen". "Donc la règle est simple : c'est le droit, rien que le droit", a-t-il assuré sur Sud Radio pour justifier le maintien du ministre de l'Action et des Comptes publics au gouvernement. "S'il est mis en examen, la règle sera appliquée, comme elle l'a toujours été", a-t-il ajouté.
Interrogé sur franceinfo, le député LREM Gabriel Attal a refusé de voir une évolution dans la position de l'exécutif : "Je pense que si le Premier ministre ne faisait plus confiance à Gérald Darmanin, Gérald Darmanin ne serait plus ministre ce matin", a-t-il dit.
Darmanin visé par une deuxième plainte : "Si le Premier ministre ne faisait plus confiance en Gérald Darmanin, il ne serait plus ministre ce matin (...) Est-ce que ça vient perturber le débat public ? Evidemment oui", déclare Gabriel Attal, porte-parole de LREM #8h30politique pic.twitter.com/V2RBJ4ex08
— franceinfo (@franceinfo) 15 février 2018
"Est-ce que ça vient perturber le débat public ? Évidemment oui", a reconnu le député des Hauts-de-Seine. Mais selon lui, "la question c'est : 'est-ce que les ministres peuvent agir ?', la réponse est oui, ils agissent, ils sont au travail".
En off, des langues se délient
Certains proches de l'exécutif se montrent toutefois sceptiques sur la position du gouvernement. Cette nouvelle procédure contre Gérald Darmanin a été rendue publique moins d'une semaine après l'offensive de Nicolas Hulot pour se défendre contre des accusations de viol et de harcèlement sexuel. Là encore, l'exécutif avait écarté toute démission du ministre de la Transition écologique, en l'absence de mise en examen.
"Cela va devenir politiquement compliqué", lâche un élu proche du président. "Il y a un côté série, ce n'est pas bon du tout", estime un autre au Parisien. "Le gouvernement en a trop fait au départ en affichant un soutien sans faille", reprend un troisième dans le quotidien.
La majorité mal à l'aise
Au sein de la majorité, certains fuient les micros, comme Gilles Le Gendre. "Je ne dis rien sur ce genre d'affaire, cela ne nous regarde pas", lance le député LREM de la 2e circonscription de Paris. D'autres suggèrent que le ministre devrait s'expliquer. "Le précédent Cahuzac nous démontre que nous ne pouvons pas garder des secrets enfouis, cachés, et qu'il vaut mieux les libérer immédiatement", confie François-Michel Lambert, député LREM, au micro de franceinfo.
Gérald, c'est lui, en son âme et conscience, qui sait s'il est victime d'une cabale et nous serons tous à ses côtés, ou s'il y a peut-être autre chose...
François-Michel Lambert, député LREM des Bouches-du-Rhôneà franceinfo
"Pour très bien connaître Gérald, je peux vous dire que ce n'est pas du tout ce genre de personnage", affirme Vincent Ledoux, député LR et ami de longue date du ministre.
Interrogée sur France 2, la porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée, Aurore Bergé, a éludé : "Je ne m'exprime pas sur des affaires en cours."
L'opposition se montre sévère
De son côté, le parti Les Républicains a réitéré mercredi son appel à la démission du ministre, "considérant que son maintien au gouvernement dans le contexte non plus d'une, mais de deux affaires qui le concernent apporte du discrédit et de la gêne dans son action ministérielle".
"Quand on est un gouvernement qui se veut exemplaire, et qu'on l'a été sur la question de François Bayrou, Richard Ferrand, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, il faut que dans le cas des plaintes pour abus sexuel il ait la même attitude", a considéré le patron des députés Nouvelle Gauche Olivier Faure. Rappelant qu'on est sur des faits présumés "extrêmement graves", l'ancien ministre socialiste Stéphane Le Foll a jugé que "c'est un problème politique à partir du moment où on passe du soupçon ou de la plainte, de la dénonciation, à quelque chose d'avéré".
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