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Pourquoi le FN n'est plus vraiment un parti anti-système

Francetv info revient sur les indices qui prouvent que le Front national n'est plus vraiment ce qu'il prétendait être.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Marine Le Pen, le 21 avril 2015 à New York(Etats-Unis).  (SIPANY/SIPA / SIPA USA)

En 2012, Marine Le Pen se voulait "la candidate anti-système", et promettait d'offrir une alternative à "l'UMPS". Mais ça, c'était avant. Entre son récent voyage à New York pour un dîner de gala avec le gotha planétaire, la guerre de succession avec son père, les affaires qui minent son parti, et la confrontation à l'exercice du pouvoir, la donne a changé. Francetv info revient sur les indices qui prouvent que le Front national n'est plus vraiment ce qu'il prétendait être : un parti anti-système.

Parce que le FN accepte les honneurs

Marine Le Pen en robe de soirée bleu nuit sur un tapis rouge à New York, pour assister à la soirée de gala organisée par le magazine américain Time, qui l'a consacrée parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde ? L'image a détonné, mardi 21 avril, mais correspond finalement à la stratégie de la présidente du FN.

Ce ne sont pas encore les honneurs réservés aux chefs d'Etat, mais c'est un premier pas. "Elle doit garder cet équilibre entre la figure anti-système qu'elle veut incarner, mais aussi être prise au sérieux pour crédibiliser l'hypothèse qu'un jour, elle sera capable de gouverner", analyse pour francetv info l'universitaire Arnaud Mercier, professeur en communication politique à l'université de Lorraine. 

"Je pense que nous allons arriver au pouvoir, et que par conséquent, il faut obligatoirement croiser, rencontrer, discuter avec des gens puissants dans leur pays respectif", a-t-elle d'ailleurs elle-même justifiée, mardi 21 avril, en se rendant à New York.

Parce que le FN condamne Jean-Marie Le Pen

D'habitude, ce sont ses adversaires, de gauche ou de droite, qui dénoncent ses propos. Cette fois-ci, la condamnation est venue des propres troupes. Les dernières sorties polémiques de Jean-Marie Le Pen, dans l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol notamment, ont poussé sa propre fille et une partie des ténors frontistes, à prendre leurs distances. Une première, là encore, dans l'histoire du FN.

Pire, Marine Le Pen a même demandé à son père "d'arrêter ses responsabilités politiques". Une "manœuvre", a dénoncé Jean-Marie Le Pen, qui estime justement que sa fille est manipulée par le "système", avec lequel elle chercherait à nouer "certaines indulgences et sympathies".

Assiste-t-on à une véritable "normalisation" du Front national ? Sur ce plan, elle ne serait plutôt qu'apparente, selon le politologue Alexandre Dézé, dans son livre, Le "nouveau" Front national en question. "Comme toute entreprise politique, le FN se doit de présenter une façade politique respectable pour élargir sa base électorale", écrit-il. Mais "il suffit de pénétrer l’arène interne du FN (les meetings, les sections, les réseaux sociaux) pour prendre la mesure de l’attachement des militants et des sympathisants à l’idéologie manifeste du parti".

Parce que le FN accepte les règles du jeu politique

La parti, qui s'était fait une spécialité de critiquer et de dénoncer, se retrouve désormais confronté, comme les autres, à l'exercice du pouvoir. Election après élection, le Front national a en effet confirmé son implantation locale, en prenant notamment la tête de onze mairies. Il accepte maintenant les règles du jeu politique, même si elles lui sont défavorables. Ainsi, malgré l'absence de scrutin proportionnel aux législatives"le parti est en phase d'ascension et dans une dynamique inédite", note l'historienne et spécialiste de l'extrême droite Valérie Igounet, interrogée par francetv info.

Des villes qui sont examinées à la loupe par les journalistes, et où aucun dérapage n'est toléré. Le FN a retenu la leçon des mauvaises expériences de Vitrolles, Marignane, Orange et Toulon, qui avaient durablement mis en doute la capacité du Front national à gouverner. Et ce même si plusieurs décisions controversées ont déjà attiré l'attention. "Cette fois, la gestion frontiste est beaucoup plus lisse, plus progressive et mieux maîtrisée, note l'universitaire Valérie Igounet. La direction du parti est très attentive à ce qui se passe dans ces communes pour éviter les scandales. L'objectif est de monter que le FN est capable de bien gérer, dans la perspective des présidentielles de 2017 et 2022."

Parce que le FN a aussi ses affaires

D'habitude, les affaires politico-judiciaires profitent au FN. Pas celles-là. Si à l'UMP est embourbée dans l'affaire Bygmalion, le FN est inquiété par l'affaire Riwal, du nom d'une société détenue par Frédéric Chatillon, ami de Marine Le Pen. Une information judiciaire a été ouverte sur le financement des campagnes électorales du FN pour les cantonales de 2011 et les législatives de 2012. Quatre proches de Marine Le Pen ont déjà été mis en examen pour escroquerie et complicité d'escroquerie. La présidente du FN serait même susceptible être entendue par les juges, selon Le Monde. Le quotidien qui ajoute qu'elle pourrait également être menacée par l'extension de l'enquête à des faits de "financement illégal de partis politiques par une personne morale".

Et le parti frontiste doit faire face à un deuxième front. Une enquête a en effet été diligentée par le Parlement européen sur des soupçons de fraude. Le parti de Marine Le Pen ferait travailler 20 assistants parlementaires aux frais de l'Europe.

"Le thème de l'honnêteté est récurrent dans le discours du FN. On se souvient notamment du slogan 'tête haute, mains propres' des années 90. Ces soupçons sont très durs à assumer et sont un vrai handicap", analyse Valérie Igounet.

Parce que le FN est omniprésent dans les médias

A force de dérapages, Jean-Marie Le Pen n'est plus la seule figure du parti. L'espace médiatique est désormais occupé par Marine Le Pen et son entourage. En octobre 2014, Le Lab avait ainsi calculé que la présidente du FN et son vice-président Florian Philippot étaient "les plus gros squatteurs de matinales", avec respectivement 56 et 51 apparitions entre septembre 2013 et septembre 2014.

"Le parti a désormais des énarques dans ses rangs, comme Florian Philippot. Ils ont le même profil que les figures d'autres partis. Ils sont plus policés, plus présentables et incarnent une autre culture politique que celle de Jean-Marie Le Pen", note Arnaud Mercier. Mais ils sont encore trop peu nombreux pour rivaliser avec l'UMP ou le PS, puisque si l'on regarde le classement du Lab, parti par parti cette fois, le Front national n'arrive qu'en 4e position, derrière EELV.

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