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Pressions, délation... A Hayange, des habitants et élus témoignent des pratiques douteuses du maire FN

Cinq mois après son élection à la mairie de cette commune de Moselle, le jeune frontiste Fabien Engelmann fait l'objet de vives critiques, y compris dans son propre camp.

Article rédigé par Bastien Hugues - Envoyé spécial à Hayange,
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le maire FN de Hayange (Moselle), Fabien Engelmann, lors d'un conseil municipal, le 3 septembre 2014. (MAXPPP)

Il demande à ne pas être jugé après cinq mois à la tête de la ville. Il n'empêche. Elu en mars à la mairie de Hayange (Moselle), ancien bastion sidérurgiste comptant aujourd'hui un peu plus de 15 000 habitants, le jeune frontiste Fabien Engelmann connaît des débuts agités. Accusé par ses opposants de "prendre des décisions à la légère", de diriger la municipalité "avec brutalité" ou encore de faire preuve d'un "patriotisme poussé au ridicule", l'élu de 34 ans est aujourd'hui taxé, par l'une de ses anciennes fidèles, d'irrégularités dans la gestion de son compte de campagne.

"Cinq mois après son élection, son bilan est nul", tempête la fidèle en question, Marie Da Silva, première adjointe tombée en disgrâce durant l'été, au point d'être déchue de ses délégations lors du dernier conseil municipal, mercredi 3 septembre. "Hayange est isolée, pétrifiée", tance l'ancien maire PS Philippe David, déplorant que son tombeur "ne propose aucun projet structurant pour la ville". Citant des améliorations sur la propreté, ou encore des renforts pour la police municipale, désormais équipée de bâtons téléscopiques et de bombes lacrymogènes, Fabien Engelmann et son entourage réfutent les procès en immobilisme.

Train bleu-blanc-rouge, rue Bardot et Fête du cochon

D'autres mesures, plus controversées, ont fait davantage de bruit. Début juillet, le maire a fait repeindre en bleu une sculpture qu'il jugeait "sinistre", et ce sans prévenir l'artiste. Face à la colère de ce dernier, Fabien Engelmann a finalement décidé de faire enlever la peinture... et de déplacer l'œuvre loin du centre-ville. Dans le même temps, l'édile a ordonné au personnel municipal de repeindre en bleu-blanc-rouge trois wagonnets autrefois utilisés au fond des mines de charbon, et aujourd'hui exposés sur un rond-point de la ville. Suscitant cette fois la colère des familles de mineurs.

A Hayange (Moselle), la mairie FN a fait repeindre des wagonnets de mineurs en bleu-blanc-rouge.  (BASTIEN HUGUES / FRANCETV INFO)

A l'hôtel de ville, le drapeau européen a été retiré, laissant place à plusieurs drapeaux français. Décidé à sabrer coûte que coûte dans les dépenses, Fabien Engelmann a malgré tout rétabli le feu d'artifice du 14-Juillet. Brigitte Bardot, qui a de nouveau déclaré sa flamme à Marine Le Pen cet été, voyant en elle une "Jeanne d'Arc du XXIe siècle", aura bientôt une rue à son nom.

La danse orientale, "incompatible avec le FN"

Mais le patriotisme zélé de Fabien Engelmann va plus loin. A son initiative, une Fête du cochon verra le jour à Hayange à la mi-septembre, avec le soutien, sur internet, de groupuscules d'extrême droite, trop contents de cette manifestation à laquelle les musulmans ne risqueront pas de participer. "Il faut répondre aux imbéciles et à leurs provocations par le silence", répond avec philosophie Noureddine Belkacem, un boucher halal, à qui la municipalité frontiste a, selon ses dires, demandé de fermer son magasin le dimanche. Une demande sans fondement légal. Selon plusieurs témoins, un autre boucher hayangeois, situé place du marché, aurait été prié de proposer "de la viande traditionnelle", en plus de la viande halal.

Professeure de danse dans une association, Julie Milosevic, elle, souhaitait animer un atelier de danse orientale pour adultes et pour enfants. Pas franchement du goût du maire, qui a rejeté la proposition, arguant, selon la professeure, que "la danse orientale était incompatible avec le Front national". Une version confirmée par l'adjoint aux sports, Patrice Hainy, qui était, lui, favorable à la mise en place de cet atelier.

Toujours selon nos informations, Fabien Engelmann aurait également demandé à son adjointe au commerce et à l'artisanat, Emmanuelle Springmann, de "déplacer les marchands maghrébins de la zone principale du marché bi-hebdomadaire, pour les installer plus loin". Ce que l'adjointe assure avoir refusé de faire. "Quand les responsables du Front national disent qu'ils ne sont pas racistes, je ne sais pas comment ils appellent ça !", peste-t-elle, précisant ne pas être encartée au FN. Contacté par francetv info pour réagir à ces accusations, Fabien Engelmann n'a pas répondu à nos sollicitations.

"On se croirait revenu au temps de Vichy"

La liste des reproches ne s'arrête pas là. A Hayange, de nombreux habitants rencontrés regrettent un climat "tendu", "malsain", depuis l'élection de Fabien Engelmann. Insultes contre provocations, huées contre applaudissements : le dernier conseil municipal, pour le moins houleux, peut être perçu comme une illustration de cette étrange ambiance.

"De peur de perdre un logement, une aide ou un emploi, les Hayangeois versent dans la délation", déplore un élu de l'opposition, qui explique par le menu comment certains sont prêts à donner des noms de personnes hostiles au Front national, afin d'être bien vus de l'équipe municipale. "On se croirait revenu au temps de Vichy", abonde un autre élu. Délégué CGT du personnel territorial, Hugues Miller évoque "des intimidations", "des pressions", accusant notamment le maire d'aller surveiller les comptes Facebook des employés municipaux pour "chercher la faute""Tout le monde se méfie de tout le monde, de peur de faire un pas de travers et d'être dénoncé au maire", assure-t-il. Dans Le Républicain lorrain (article payant), et sous couvert d'anonymat, un employé communal ne dit pas autre chose : "Le climat entre les agents est délétère. On a peur pour nos familles et pour nos postes."

Des habitants quittent l'hôtel de ville de Hayange (Moselle), à l'issue du conseil municipal, le 3 septembre 2014. (MAXPPP)

Pour beaucoup, le départ de la directrice générale des services (DGS) de la ville, Elisabeth Calou-Lalesart, est l'une des conséquences de ce climat. Par ailleurs élue FN dans le Var, cette dernière a mis un terme à son contrat il y a quelques jours, préférant ne pas aller au-delà de sa période d'essai"Il s'est passé des choses graves", explique-t-elle, sans plus de détails, à francetv info. Mais dans Libération, l'ancienne DGS, qui était pourtant proche de Fabien Engelmann au point de sous-louer son appartement, va plus loin. "Il m'a augmenté mon salaire pour que je puisse lui verser un loyer. Il voulait du cash. J'ai refusé, alors il a de nouveau baissé mon salaire."

"Une véritable chasse aux sorcières"

Inquiète des conditions de son départ, Elisabeth Calou-Lalesart sollicite l'aide d'un syndicaliste CGT. Pour assister à l'entretien de rupture, celui-ci demande une décharge à son supérieur. Mais lorsqu'il se présente à la mairie, il se fait renvoyer par Fabien Engelmann. Motif : ne pas avoir respecté le délai légal de 48 heures entre la décharge syndicale et l'entretien en question. Résultat, le jeune syndicaliste est convoqué le 8 septembre pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire pour "abandon de poste". 

C'est ce climat qui aurait poussé la première adjointe, Marie Da Silva, à dénoncer, il y a quelques jours, les irrégularités présumées du compte de campagne de Fabien Engelmann, dont elle était pourtant encore le bras droit il y a quelques semaines. Syndicaliste depuis dix-huit ans, ancienne cégétiste passée à FO, Marie Da Silva assure que "sa façon d'agir avec le personnel" l'a fait "exploser". "Il y a une véritable chasse aux sorcières. Je ne pouvais plus cautionner ses manières de faire", ajoute-t-elle, se disant "déçue du vrai visage" de Fabien Engelmann, "un autocrate totalitaire" qu'elle "regrette d'avoir fait élire", et qu'elle est aujourd'hui "décidée à faire tomber".

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