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Historial du Hartmannswillerkopf : "On a massacré" entre 20 000 et 30 000 hommes "sans aucune vision stratégique"

L'historien Jean-Yves Le Naour a décrit pour franceinfo la bataille du Hartmannswillerkopf, de janvier 1915 à janvier 1916, alors qu'Emmanuel Macron inaugurait avec son homologue allemand un historial sur le site, vendredi. 

Article rédigé par franceinfo
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Le cimetière du Hartmannswillerkopf, dans le Bas-Rhin, le 10 novembre 2017. (PATRICK SEEGER / EPA)

Le président de la République Emmanuel Macron et son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier se sont recueillis vendredi 10 novembre au Hartmannswillerkopf, lieu d'une bataille sanglante pendant la Première Guerre Mondiale.

Entre 20 000 et 30 000 soldats français et allemands sont morts de janvier 1915 à janvier 1916. Le chef de l'État a inauguré un historial qui relate les événements de cette bataille. "On a massacré autant d'hommes sans aucune vision stratégique", explique l'historien Jean-Yves Le Naour, invité de franceinfo.

franceinfo : est-ce une bataille du même type que celle de Verdun, avec des tranchées ?

Jean-Yves Le Naour : Oui, mais toute proportion gardée, parce qu'on a un niveau de victimes très inférieur. Il y a eu entre 20 000 et 30 000 morts. Sinon, oui, on est dans le cadre de la guerre des tranchées. On est dans un cadre de montagne. L'Hartmannswillerkopf est une moyenne montagne qui fait à peine 1 000 mètres, il fait 956 mètres. Les Français sont sur un versant, les Allemands sur l'autre. Et personne ne parvient à s'emparer du sommet. Dès que quelqu'un s'en empare, il est aussitôt délogé par le feu de l'artillerie adverse. Le sommet reste vide et les tranchées françaises et allemandes sont séparées de seulement 20, 30 mètres. Ils sont les uns à côté des autres.

C'est une bataille très symbolique. L'Hartmannswillerkopf est en Alsace, dans le Haut-Rhin. À l'époque, l'Alsace appartient aux Allemands et on se bat pour la récupérer...

C'est l'une des seules batailles qui se déroule sur le territoire allemand. C'est une bataille acharnée. Les Français ont à coeur de récupérer les provinces perdues. Et les Allemands défendent leur territoire. Il y a quelque chose de terrible, c'est qu'il n'y a pas d'enjeu stratégique. On n'a jamais mis les moyens pour faire une percée qui aurait un sens. On a massacré autant d'hommes sans avoir aucune vision stratégique. Cette bataille n'a aucun sens. Ce sont des combats acharnés pour rien.

On a l'impression, à travers le temps, que la France et l'Allemagne sont dans une souffrance commune, comme s'il n'y avait plus d'ennemi...

Une souffrance commune et une gravité dans les discours. On a vu aux dernières élections en Allemagne la percée de l'extrême droite. On pensait l'Allemagne immunisée mais elle ne l'est pas. On s'aperçoit qu'il y a une convergence dans les discours et dans la gravité. Nous pouvons nous détruire, nous pouvons détruire nos libertés, détruire l'Europe. C'est assez récent. Il y a une dimension un peu terrifiante. On l'a vu sous François Hollande, le discours de Verdun où il parlait du nationalisme qui pouvait détruire l'Europe. Et on l'a vu en avril dernier, au Chemin des Dames, où François Hollande a appelé à 'ne pas faire de l'Europe le bouc-émissaire de nos renoncements'.

L'Hartmannswillerkopf, "une bataille acharnée" Jean-Yves Le Naour, historien, à franceinfo.

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