Comment Edouard Philippe a-t-il voté sur les principaux textes du quinquennat Hollande ?
Le député-maire du Havre a été nommé Premier ministre lundi. Un homme de droite, comme figure de la "recomposition politique" voulue par Emmanuel Macron. Mais l'élu des Républicains a-t-il toujours été fidèle à sa famille politique ? Franceinfo s'est penché sur la question.
"Je suis un homme de droite", a-t-il revendiqué lors de la passation de pouvoirs à Matignon, lundi 15 mai. Edouard Philippe, député-maire Les Républicains du Havre, succède donc au socialiste Bernard Cazeneuve au poste de Premier ministre, après sa nomination par Emmanuel Macron.
Ephémère militant rocardien dans sa jeunesse, avant de se rapprocher d'Alain Juppé – et de participer avec lui à la fondation de l'UMP, dont il sera le premier directeur général –, il est considéré comme une figure de la droite "modérée", compatible avec le programme d'Emmanuel Macron.
Mais quel est le positionnement politique du nouveau locataire de Matignon ? Franceinfo s'est penché sur ses votes, en tant que parlementaire, lors du quinquennat de François Hollande. Sur neuf textes phares, voici comment il s'est positionné.
Mariage pour tous : il s'est abstenu
En avril 2013, l'Assemblée nationale se prononce sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, une des promesses phares du candidat François Hollande. Lors du vote final, la droite s'oppose massivement au texte qui ouvre le mariage mais aussi l'adoption aux couples homosexuels. Sur 194 députés UMP, 183 votent contre. Mais Edouard Philippe, lui, choisit de s'abstenir.
Dès février 2013, le député de Seine-Maritime cosignait une tribune avec Nathalie Kosciusko-Morizet, publiée par le Huffington Post. "Ce mariage civil nous semble pouvoir être ouvert aux personnes de même sexe sans que la cellule familiale ou l'institution du mariage, à laquelle nous sommes attachés ne soient remises en cause", écrivent-ils, contredisant la Manif pour tous. Leur abstention, précisent-ils, est un moyen de s'opposer à "la suite" : la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels féminins et la gestation pour autrui.
Rythmes scolaires : il a voté contre
La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a été portée Vincent Peillon, alors ministre de l'Education nationale. Sa principale disposition – qui a fait polémique – est la réforme des rythmes scolaires. Au lieu d'avoir école uniquement le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi, les écoliers du primaire se voient ajouter une demi-journée de cours supplémentaire, le mercredi ou le samedi matin. La réforme introduit aussi trois heures d'ateliers périscolaires, pour faire découvrir aux enfants d'autres activités.
Lors du vote à l'Assemblée, la totalité des députés UMP présents se prononcent contre. Alors que son parti continue d'entretenir la contestation contre ce texte, Edouard Philippe l'accepte. Au Havre, 103 écoles sont concernées : la mairie prend sur elle et propose trois solutions aux familles concernant l'accueil du soir : un temps de loisir, une étude surveillée ou un atelier d'éveil. Cité par le site Actu.fr, Edouard Philippe explique : "Nous voulons proposer des ateliers de qualité. Le personnel recruté suivra un plan de formation et de professionnalisation. Nous sommes également à la recherche d'interventions extérieures de qualité." Beau joueur.
Redécoupage des régions : il a voté pour
Autre chantier d'importance du quinquennat Hollande : le projet de loi relatif à la nouvelle délimitation des régions. Avec cette réforme territoriale, la France est passée de vingt-deux régions à treize. A l'époque, ce qui est encore l'UMP se prononce, par la voix de son président Jean-François Copé, pour la conservation des 22 régions.
Le 9 décembre 2014, 192 députés UMP votent contre, mais pas Edouard Philippe. Il s'en explique dans une interview à L'Opinion : "J'ai toujours été très attaché à l'idée d'une réunification des Normandies, et je m'étais engagé, dès lors qu'une loi passerait et prévoirait ça, à la voter, et je le fais parce que je préfère être cohérent avec moi-même, ça permet de se regarder en face quand on se rase le matin."
Lois Macron et El Khomri : il a voté les motions de censure
Le choix d'Emmanuel Macron de prendre Edouard Philippe comme Premier ministre peut surprendre lorsqu'on sait que ce dernier a voté les motions de censure contre... la loi Macron. Le texte pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qualifié de "fourre-tout", prévoyait entre autres la libéralisation des lignes de car, l'assouplissement du travail le dimanche ou encore la modification des règles du licenciement collectif.
Cette loi est très impopulaire à l'Assemblée, notamment dans les rangs de la majorité socialiste. Manuel Valls, alors Premier ministre, décide de faire passer le texte en force. Le chef du gouvernement utilise en février 2015 l'article 49.3 de la Constitution. Celui-ci permet de faire passer un texte sans vote, mais en engageant la responsabilité du gouvernement.
La droite dépose alors une motion de censure, qui, même si elle n'a aucune chance d'être adoptée, a pour but de renverser le gouvernement : Edouard Philippe y joint sa voix. Il en fera de même pour la loi Travail, dite loi El Khomri, où Manuel Valls impose là encore le 49.3, dès la première lecture du texte, en mai 2016. Si Edouard Philippe reconnaît qu'il y a dans ce texte "un certain nombre de dispositions qui vont dans le bon sens", il juge que les Français ont été "privés de débat", un reproche qu'il adresse à Manuel Valls lors des questions au gouvernement, le 26 mai 2016.
Déchéance de nationalité : il a voté contre
Le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, François Hollande propose une révision de la Constitution. Il souhaite notamment étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés français. Le 10 février 2016, alors qu'une majorité de députés de droite vote pour, Edouard Philippe, lui, vote contre. Le député-maire du Havre juge le texte "inutile" et estime qu'il "ne fait qu'envoyer un mauvais symbole". Cette mesure de déchéance de nationalité est pourtant préconisée par son mentor, Alain Juppé. "En le rejoignant, je n'ai pas abdiqué ma liberté intellectuelle", se défend l'élu sur Europe 1 le 10 février.
Loi sur l'égalité réelle entre hommes et femmes : il s'est abstenu
Ce texte, adopté définitivement le 23 juillet 2014, tenait particulièrement à cœur à Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes. Il prévoit entre autres l'interdiction des concours de mini-miss, une réforme visant à mieux répartir le congé parental, et surtout la suppression – très symbolique – de la nécessité d'une "situation de détresse" pour recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG).
C'est principalement sur ce dernier point que les membres de l'aile droite de l'Assemblée nationale ont tiqué. Soixante d'entre eux avaient même saisi le Conseil constitutionnel, qui a fini par approuver la loi dans son intégralité. Ne voulant pas passer pour un mouvement hostile à toute réforme sociale, après l'épisode du mariage pour tous, une grande majorité de députés UMP se sont abstenus lors du vote : c'est le cas d'Edouard Philippe.
Loi pour la transition énergétique : il a voté contre
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été adoptée définitivement le 17 août 2015, et ce n'est pas grâce à la droite. Parmi ses 66 articles, on retrouve la réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, la réduction de 50% de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité d'ici à 2025 et une augmentation de la taxe carbone.
Les députés de droite, farouchement opposés au texte, avaient déposé 5 000 amendements sur le seul article 1 de cette loi. Ils sont 195 à avoir voté contre, pour une abstention. Edouard Philippe faisait partie des opposants au texte. Sa nomination est d'ailleurs décriée par des organisations de défense de l'environnement. D'autant plus que le nouveau Premier ministre a travaillé pour Areva, en tant que directeur des affaires publiques.
Loi sur la transparence de la vie publique : il a voté contre
Alors qu'Emmanuel Macron a promis une grande loi sur la moralisation de la vie publique, son Premier ministre a voté contre la transparence. En septembre 2013, la loi sur la transparence de la vie publique est définitivement adoptée à l'Assemblée nationale. Concernant les parlementaires, le texte leur impose de soumettre leur déclaration d'intérêts et de patrimoine à la toute nouvelle Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il prévoit également de contrôler plus étroitement ce que font les députés de l'enveloppe qui leur est allouée au titre de la réserve parlementaire.
Edouard Philippe fait partie des 180 députés de droite qui ont voté contre. S'il a rempli sa déclaration d'intérêts et d'activité de 2014, il s'est permis deux commentaires, que l'on sent agacés. Dans la case où il devait indiquer sa rémunération en tant que maire, il écrit : "Je ne suis pas certain de comprendre la question. Vous voulez connaître mon taux horaire le jour de l'élection ? Ma rémunération mensuelle moyenne ? Annuelle ?" Résultat, il n'en fournit aucune et précise à la fin du document avoir cessé son activité d'avocat au 1er août 2012, "ce que la loi n'impose pas, afin de ne donner prise à aucune polémique sur d'éventuels conflits d'intérêts".
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