Cet article date de plus de cinq ans.

On vous explique la polémique autour des passeports diplomatiques d'Alexandre Benalla

D'après Mediapart, l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron, limogé en juillet, utiliserait encore l'un de ces documents lors de ses déplacements à l'étranger.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Alexandre Benalla, le 19 septembre 2018, au Sénat.  (ALAIN JOCARD / AFP)

C'est une nouvelle révélation qui pourrait relancer la désormais célèbre affaire Benalla. D'après les révélations de Mediapart (article payant), jeudi 27 décembre, l'ancien collaborateur disposerait encore d'un passeport diplomatique malgré son limogeage de l'Elysée, au mois de juillet, après qu'il a été identifié sur des vidéos montrant sa participation à une interpellation musclée le 1er mai 2018.

Depuis, Alexandre Benalla a été mis en examen pour "violences volontaires" et pour "immixtion dans l'exercice d'une fonction publique". Pourtant, il ferait toujours usage de ce document d'identité qui facilite les conditions de déplacement et permet d'éviter les contrôles aux frontières. Comment peut-il encore disposer d'un tel document après son licenciement de la présidence ? Qu'ont fait les autorités pour récupérer ce passeport ? Franceinfo fait le point sur ce dossier brûlant.

Comment sont attribués ces passeports ? 

Les passeports diplomatiques sont délivrés par le ministère des Affaires étrangères, qui fixe par arrêté la liste des bénéficiaires d'un tel document. Ils sont attribués aux diplomates de carrière (les ambassadeurs, les employés des consulats...), mais aussi à certains membres de cabinets ministériels dont les fonctions ont une dimension diplomatique, mais toujours dans le cadre d'une mission précise et officielle. 

Il ne peut être utilisé qu'aux fins pour lesquelles il est délivré.

L'Agence nationale des titres sécurisés

sur son site internet

Ce document permet à celui qui en dispose de se déplacer plus facilement en évitant les contrôles aux frontières. Son détenteur peut aussi "bénéficier des protections prévues par la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques", précise Mediapart. Mais, rappelle le Quai d'Orsay, "il ne confère à son titulaire aucune immunité"

Pourquoi lui a-t-on délivré de tels documents ?

L'attribution d'un passeport diplomatique à Alexandre Benalla a suscité la polémique. C'est l'hebdomadaire Valeurs actuelles qui avait révélé cette information au mois d'août, soulignant que son poste au sein du cabinet d'Emmanuel Macron ne justifiait pas un tel privilège. 

Alexandre Benalla s'est justifié lors de son audition au Sénat en septembre : "Les passeports diplomatiques sont délivrés et renouvelés de manière automatique à l'ensemble des personnels qui peuvent être appelés à se déplacer à l'étranger, pour accompagner le président de la République."

Ces titres ne sont pas des passe-droits et n'offrent aucune immunité.

Alexandre Benalla

lors de son audition au Sénat

Mais c'est un autre élément qui met le feu aux poudres. L'un des passeports diplomatiques d'Alexandre Benalla a été délivré le 24 mai, soit trois semaines après sa mise à pied de quinze jours pour les violences du 1er-Mai, notait Le Parisien au moment de l'affaire. Une information confirmée ce jeudi par le Quai d'Orsay. 

Lors de son audition au Sénat, Alexandre Benalla a fait valoir que "le renouvellement de passeport du 24 mai 2018 est une procédure administrative classique". Cela veut-il dire que l'homme de 27 ans bénéficiait déjà d'un tel passeport avant cette date ? Sollicité par franceinfo, l'Elysée n'a pas répondu. De son côté, le Quai d'Orsay indique jeudi soir qu'il possédait bien deux passeports diplomatiques, "émis respectivement le 20 septembre 2017 et le 24 mai 2018"

Pourquoi ne les a-t-il pas restitués ? 

C'est la question centrale dans cette nouvelle affaire. Le titre doit être "restitué au ministère des Affaires étrangères à l'expiration de sa validité ou dès lors que son utilisation n'est plus justifiée", indique le décret d'application relatif aux passeports diplomatiques. Toujours devant les sénateurs, en septembre, Alexandre Benalla avait certifié que ses passeports diplomatiques – il en parlait toujours au pluriel –  était "restés dans le bureau qu'[il occupait] à l'Elysée".

Les services de l'Elysée étaient-ils au courant qu'il disposait encore de ces passeports ? Pourquoi Alexandre Benalla n'a pas été contraint de rendre ces documents ? Le Quai d'Orsay a révélé à franceinfo avoir demandé à Alexandre Benalla, dès le 23 mai, par lettre, la restitution de ses deux passeports diplomatiques. Une demande renouvelée, avec accusé de réception, le 26 juillet dernier. Pourtant, alors que le Quai d'Orsay a reçu, dès le 5 août, l'accusé de réception, aucun passeport n'a pour le moment été retourné. 

Le ministère des Affaires étrangères ajoute qu'Alexandre Benalla "s'était engagé par écrit le 23 mai 2018 à restituer ces documents à la fin des fonctions qui en justifiaient l'attribution."

A quoi lui servent-ils aujourd'hui ? 

D'après Mediapart, son passeport diplomatique lui a permis de se rendre en Israël et dans de nombreux pays africains ces dernières semaines. Depuis son licenciement en juillet, Alexandre Benalla semble s'être reconverti dans la diplomatie privée avec une proximité certaine avec le milieu des marchands d'armes.

>> Qu'a fait Alexandre Benalla depuis son éviction de l'Elysée ?

Selon les informations du Monde, Aleandre Benalla s'est par exemple rendu au Tchad début décembre pour y rencontrer le président Idriss Déby. Dans un autre article, le journal précise qu'il était accompagné de Philippe Hababou Solomon, un homme d'affaires franco-israélien connu pour ses activités en Afrique pour le compte de gouvernements. L'objectif de ce séjour ? "Négocier la vente d'uniformes pour les forces de sécurité camerounaises et tchadiennes" pour le compte de sociétés soudanaise, turque et qatarie.

Le Quai d'Orsay précise jeudi que "toute utilisation (depuis mai) aurait été faite en dépit des engagements pris par l'intéressé" et qu'il "examine les suites à donner, y compris judiciaires" à cette affaire, parce que "la question d'une usurpation de fonction se pose." Sollicité par Mediapart, Alexandre Benalla n'a pas répondu.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.