Agrandissement du siège d'Actes Sud par François Nyssen : "Ces affaires sont le poison lent de la vie politique française"
"Il fallait se dégager de l'horizon Benalla, mais l'horizon s'obscurcit à nouveau", pour le politologue Bruno Cautrès.
"On a une ministre qui est clairement fragilisée", a déclaré jeudi 23 août sur franceinfo Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), alors que le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire concernant l'agrandissement des locaux parisiens de la maison d'édition Actes Sud. À l'époque de ces travaux, l'entreprise était dirigée par l'actuelle ministre de la Culture, Françoise Nyssen. "L'effet de contraste des comportements qui ne sont pas pleinement en accord avec le principe d'exemplarité est d'autant plus important que cette question est au coeur de la démarche d'Emmanuel Macron", estime Bruno Cautrès.
franceinfo : La ministre de la Culture était-elle déjà fragilisée dans ce gouvernement ?
Bruno Cautrès : Oui, décidément, les questions de travaux ne réussissent pas à Françoise Nyssen. C'est la deuxième fois qu'on parle des travaux d'Actes Sud avec elle. Par ailleurs, c'est une ministre qui, pour le moment, a un peu de difficultés à trouver pleinement son rôle, sa fonction de ministre de la Culture. C'est un ministère qui est souvent difficile : il y a beaucoup d'attentes et une politique culturelle qui en France est une des grandes traditions de la Ve République. On a une ministre qui est clairement fragilisée.
Est-ce encore plus difficile de se retrouver dans ce type de situation quand on vient de la société civile ?
Oui, c'est plus difficile pour des ministres issus de la société civile parce qu'ils n'ont pas toute l'expérience. Ils n'ont pas déjà essuyé de très nombreuses polémiques et ils n'ont souvent pas la carapace tout à fait assez solide. Ces ministres ont aussi un peu de mal à communiquer en configuration de crise, qui est un exercice extrêmement compliqué mais qui est tout à fait important parce que l'exigence d'exemplarité, de transparence est considérablement plus importante qu'il y a vingt ans. Nos ministres doivent donc être peut-être davantage expérimentés sur les comportements qu'il faut savoir éviter ou auxquels il faut mettre fin avant de rentrer au gouvernement. (...) En mettant la question de l'exemplarité au coeur de son logiciel de renouvellement de la vie politique, Emmanuel Macron a lui même placé la barre très haut donc c'est sans doute aussi ce qui explique l'effet caisse de résonance. L'effet de contraste des comportements qui ne sont pas pleinement en accord avec le principe d'exemplarité est d'autant plus important que cette question est au cœur de la démarche d'Emmanuel Macron.
L'affaire Benalla ne rend-elle pas encore plus compliquée la gestion de l'affaire Nyssen ?
Bien évidemment. Ces différentes petites affaires sont des cas qui ne sont pas de même nature mais c'est ce qu'on appelle le poison lent dans la vie politique française, c'est-à-dire que tous ces petits cailloux peuvent, à un moment donné, faire boule de neige. (...) Pour Emmanuel Macron, il y a là un horizon qui devait être dégagé pour la rentrée politique. On a vu le Conseil des ministres, la réunion à l'Élysée annonçant toutes les nouvelles lois à mettre en oeuvre, il fallait se dégager de l'horizon Benalla. Là, ça revient en force. L'horizon s'obscurcit à nouveau. C'est une démonstration, encore une fois, que le temps politique est compliqué. Au fur et à mesure de l'exercice du pouvoir, le temps fait son travail de sape. Les erreurs, les faux-pas des uns et des autres peuvent se révéler, s'accumuler, et il devient plus difficile de se séparer de ministre avec le temps qui passe. On a donc une sorte de spirale de l'exercice du pouvoir, qui amène forcément, à un moment donné, à ce que des erreurs soient révélées ou commises.
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