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Présidentielle 2022 : comment la primaire écologiste a-t-elle réussi à rassembler plus de 122 000 inscrits ?

Le nombre de personnes inscrites à ce scrutin est sans précédent dans l'histoire du parti Europe Ecologie-Les Verts, plutôt habitué à quelques milliers de votants. Les participants sont appelés aux urnes dès jeudi.

Article rédigé par franceinfo, Solène Leroux
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les candidats à la primaire écologiste pour la présidentielle 2022, Eric Piolle, Delphine Batho, Yannick Jadot, Sandrine Rousseau et Jean-Marc Governatori, à Poitiers (Vienne) le 20 août 2021. (HARSIN ISABELLE  / NOSSANT / SIPA)

Les chiffres définitifs sont tombés lundi 13 septembre : 122 670 personnes se sont inscrites pour participer à la primaire des écologistes, a appris le service politique de franceinfo auprès d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Autant de personnes pour départager les cinq candidats à ce scrutin : Delphine Batho, Jean-Marc Governatori, Yannick Jadot, Eric Piolle et Sandrine Rousseau.

En 2016, lors de la dernière primaire, remportée par Yannick Jadot, 17 000 personnes s'étaient inscrites. Cinq ans plus tôt, 32 000 personnes avaient désigné Eva Joly comme candidate à la présidentielle. "On n'avait pas fixé d'objectif chiffré, mais on est très heureux d'atteindre ce niveau", a réagi la secrétaire nationale adjointe d'EELV, Sandra Regol, ajoutant que "les inscriptions sont exceptionnellement transparentes".

Comment expliquer un tel écart en si peu d'années ? Le parti écologiste est tout d'abord dynamisé par la réalité du changement climatique, dont les effets sont de plus en plus visibles en France et dans les pays voisins, à l'image des inondations en Allemagne en juillet, ou des épisodes de chaleur précoce fin mars en France.

Daniel Boy, politologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po, contacté par franceinfo, avance trois raisons principales à cette forte participation, qui "a été une vraie surprise", lui qui s'attendait à voir "5 000 ou 6 000 personnes supplémentaires" par rapport à la dernière primaire.

Parce que les candidats à la primaire représentent plusieurs courants

Les cinq candidats écologistes proposent un éventail idéologique varié dans cette bataille pour la présidentielle. "Ils représentent de nombreux courants et permettent une vraie diversité dans cette primaire, explique Daniel Boy. Leurs qualités sont très différentes, chaque électeur peut réellement choisir selon ses idées." 

Là où Delphine Batho prône la décroissance, Jean-Marc Governatori a une vision plus centriste de l'écologie. Yannick Jadot, le candidat le plus connu de cette primaire, souhaite investir 20 milliards pour la "reconstruction verte de l'économie", alors que le "challenger" Eric Piolle, maire de Grenoble, veut une "transition écologique génératrice d'emplois et de justice sociale". Enfin, Sandrine Rousseau représente le mouvement écoféministe.

"Ils ont tous une spécificité, ils n'ont pas tous la même posture : c'est ce qui permet d'attirer un large public", détaille le politologue, qui rappelle au passage que cet engouement pour la primaire permet à Europe Ecologie-Les Verts de récupérer une somme non négligeable. Chaque participant à la primaire a déboursé 2 euros, soit un peu plus de 245 000 euros pour la future campagne présidentielle du gagnant ou de la gagnante de la primaire.

Parce que la gauche avance en ordre dispersé pour la présidentielle

Principale raison de ce succès pour le politologue : la dispersion de la gauche pour la présidentielle 2022. "A chaque élection, des votants de gauche oscillent entre les socialistes et les Verts." Pourtant, "historiquement, les électeurs votent pour la gauche traditionnelle aux élections nationales", insiste Daniel Boy. Une situation qui change depuis quelques scrutins, plus particulièrement aux européennes de 2019 et aux municipales de 2020, où les Verts ont obtenu des scores historiques. Toujours selon le politologue, "les hésitations de la gauche et la multiplication des candidatures pousseraient les électeurs de gauche vers les écologistes".

Une raison également avancée par le secrétaire national d'EELV, Julien Bayou, lundi 13 septembre, auprès de franceinfo. Il affirme ainsi que "91% des inscrits ne sont pas issus des six partis organisateurs". Il invite d'ailleurs les candidats de gauche "qui écologisent leur discours" à aller "au bout de la logique et à soutenir la candidature écologiste qui sera issue de [la] primaire".

Parce que les écologistes se mettent dans une position de potentiels vainqueurs

Lors du premier débat de la primaire écologiste dimanche 5 septembre, diffusée sur France Inter et franceinfo, le maire de Grenoble, Eric Piolle, a estimé que "pour la première fois, la question se pose d'avoir une présidence écologique en France".

Pour Daniel Boy, c'est précisément ce qui a poussé les votants à s'inscrire à la primaire écologiste : les Verts représentent une réelle alternative. "Ces différentes victoires [lors des précédents scrutins] ont dopé les écologistes. Pour la première fois, ils se mettent dans une position où ils peuvent passer au second tour de la présidentielle", constate le politologue.

"Les écologistes adoptent désormais une posture gagnante, et pour les électeurs, il est toujours plus utile de voter pour quelqu'un qui y croit."

Daniel Boy, politologue

à franceinfo

Un tel succès peut-il toutefois être l'objet de manipulations ? Le député Rassemblement national du Nord Sébastien Chenu a affirmé, dimanche 12 septembre sur franceinfo, qu'il comptait voter, "pour Sandrine Rousseau, bien sûr", "par solidarité nordiste". Pas de quoi inquiéter Sandra Regol, contactée par le service politique de franceinfo, qui estime faible le risque que cette primaire soit infiltrée par des militants politiques extérieurs.

Les 122 670 votants à ce scrutin sont appelés aux urnes numériques du jeudi 16 au dimanche 19 septembre pour le premier tour. Le nom du ou de la gagnante sera connu le mardi 28 septembre, à l'issue du second tour qui débutera le samedi 25.

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