Quand Jean-Louis Debré fait la leçon à Nicolas Sarkozy
Le président du Conseil constitutionnel n'a pas apprécié les déclarations de l'ancien chef d'Etat sur l'institution judiciaire et le travail des magistrats.
Jean-Louis Debré est en colère. Le président du Conseil constitutionnel conteste vivement, vendredi 4 juillet, la façon dont Nicolas Sarkozy a décrit l'action de l'institution en ce qui concerne ses comptes de campagne, lors de son interview sur TF1. Les inimitiés entre les deux hommes sont connues : des figures de l'UMP n'avaient d'ailleurs pas hésité à voir dans l'invalidation de ces comptes de campagne en 2013, une décision politique. Sur Europe 1, dans l'émission "Mediapolis", qui doit être diffusée samedi, et dont Le Lab d'Europe 1 publie des extraits vendredi, Jean-Louis Debré estime également que "s'en prendre aux juges" porte atteinte à un des "fondements" de la République.
Sur le travail du Conseil constitutionnel
Ce qu'a dit Nicolas Sarkozy : "Il n’y a jamais eu le moindre système de double facturation [lors de la présidentielle de 2013]. Que les 17 millions qu’on prétend dépendre de ma campagne qui auraient été cachés, c’est une folie. Personne, jamais, ne peut imaginer que les enquêteurs du Conseil constitutionnel ou de la commission des comptes de campagne soient passés au travers."
Ce que répond Jean-Louis Debré : Le président du Conseil constitutionnel s'insurge de la description que fait Nicolas Sarkozy du travail de son institution, dans le but de dissiper les soupçons. "Nous n'avons pas des enquêteurs, rétorque-t-il. Nous n'avons pas de pouvoir de police judiciaire, nous ne pouvons pas faire des perquisitions, des saisies ! (...) Ne présentons pas le Conseil comme il n'est pas." Du coup, selon lui, le travail du Conseil constitutionnel ne peut, en aucun cas, prouver qu'il n'y avait pas d'irrégularités majeures dans les comptes de campagne du candidat de l'UMP.
"On laisse entendre que nous aurions vérifié l'ensemble des comptes de la campagne de l'ancien président de la République. Non ! Ce n'est pas exact !", martèle Jean-Louis Debré. Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par Nicolas Sarkozy lui-même, qui contestait la décision de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCC) de ne pas lui accorder le remboursement forfaitaire de ses comptes, pour dépassement du plafond des dépenses autorisées. "Nous n'avons examiné que les griefs de M. Sarkozy, nous n'avons pas examiné tout le compte. Et nous avons simplement dit que les griefs qu'il évoquait pour contester la décision de la CNCC étaient inopérants."
Sur l'impartialité des magistrats
Ce qu'a dit Nicolas Sarkozy : "J’ai estimé que la situation était suffisamment grave pour que je dise aux Français ce qu’il en était de l’instrumentalisation politique d’une partie de la justice aujourd’hui. (...) Il est tout à fait invraisemblable qu’il se soit trouvé des magistrats pour nommer, pour s’occuper d’une affaire où mon nom est cité, un magistrat appartenant au Syndicat de la magistrature quand on connait son engagement."
Ce que répond Jean-Louis Debré : L'ancien magistrat estime que "quand des responsables politiques commencent, à droite ou à gauche, à s'en prendre aux juges, c'est un des fondements du vivre ensemble, de la République, qui est atteint." Il insiste : "On peut contester ce qui vous est reproché, on ne conteste pas les fondements de la justice, parce qu'à ce moment-là, on conteste la République." Pour Jean-Louis Debré, cette posture est classique : "Vous trouvez toujours cette tentation, à droite et à gauche, de ne pas discuter les faits qui vous sont reprochés mais d'attaquer les personnes."
Et il ne digère pas la remise en cause d'une magistrate en raison de son appartenance à un syndicat. "Le législateur a admis la liberté syndicale dans la magistrature. (...) Je connais bien les magistrats, j'ai été magistrat, vous pouvez avoir vos opinions et essayer de rechercher la meilleure justice possible. Tout le monde n'est pas militant de tout, à droite comme à gauche" assure-t-il, rappelant à l'ancien chef de l'Etat qu'"il y a des procédures", autres que d'interpeller l'opinion publique, si l'on veut contester une décision de justice.
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