Retrait de Benjamin Griveaux : cinq questions qui se posent après l'arrestation de l'activiste russe Piotr Pavlenski
L'artiste et activiste russe a été interpellé dans le cadre d'une autre enquête portant sur des violences commises le soir du 31 décembre dernier.
Après le choc s'ouvre le temps de l'enquête. Samedi 15 janvier dans l'après-midi, Benjamin Griveaux, qui s'est retiré de la course à la mairie de Paris après la diffusion de vidéos privées, a déposé plainte contre X pour "atteinte à l'intimité de la vie privée". Dans la foulée, Piotr Pavlenski, l'artiste et activiste russe qui revendique la diffusion de ces images, a été interpellé et placé en garde à vue. Franceinfo fait le point sur l'affaire.
Dans quelles conditions Pavlenski a-t-il été arrêté ?
Piotr Pavlenski a été arrêté samedi 15 février dans un hôtel situé à la limite entre le 16e arrondissement de Paris et Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Les policiers l'ont interpellé dans le cadre d'une affaire révélée par Mediapart (article payant). Il fait l'objet d'une enquête pour des faits de violence avec arme, commis dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2020, dans le 6e arrondissement de la capitale. Une information confirmée de source judiciaire à franceinfo. Les faits se seraient déroulés dans l'appartement de la petite amie de Juan Branco qui se présente comme le conseil de l'activiste. C'est l'avocat qui l'avait convié à cette soirée, relate Le Journal du dimanche (pour abonnés).
L'artiste contestataire russe est soupçonné d'avoir donné des coups de couteau lors d'une bagarre, ce qu'il conteste. Deux personnes avaient été blessées légèrement dans l'altercation. L'artiste faisait l'objet d'une fiche de recherche, mais l'affaire étant mineure, les autorités ne se sont pas hâtées pour l'interpeller. "C'est vrai qu'on aurait dû l'interpeller avant, admet un cadre de la préfecture de police au Parisien. Mais si on se met à interpeller sur-le-champ toutes les personnes recherchées pour ce type d'affaires, on ne fait rien d'autre !"
Samedi, Piotr Pavlenski était donc en garde à vue uniquement pour cette bagarre du 31 décembre 2019. Le lendemain, cette procédure a été suspendue, quand l'activiste a été à nouveau placé sous le régime de la garde à vue, cette fois dans l'affaire Griveaux.
Qui est sa compagne, aussi en garde à vue ?
La compagne de Piotr Pavlenski a été placée en garde à vue "des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et diffusion sans l'accord de la personne d'images à caractère sexuel". Elle a été interpellée samedi soir, a appris franceinfo auprès du parquet de Paris. Le Journal du dimanche (pour abonnés) et Le Parisien révèlent que cette femme serait la personne avec qui Benjamin Griveaux échangeait des messages, dans les documents qui ont été publiés. Une information que franceinfo n'est pas en mesure de confirmer pour l'instant.
Elle est, selon les sources, âgée de 27 ou 29 ans, et étudiante en droit à Paris. Elle serait en couple avec Piotr Pavlenski depuis le début de l'année 2019, assure BFMTV, et aurait été présente à ses côtés aux moments-clés de cette affaire. C'est-à-dire le soir du 31 décembre, où ont lieu les événements qui ont conduit à l'arrestation de Piotr Pavlenski. Et aussi le 28 janvier, le jour où ce dernier révèle l'existence des vidéos à Juan Branco.
Que sait-on des motivations de Pavlenski ?
Après avoir diffusé les vidéos sur internet, Piotr Pavlenski a affirmé vouloir dénoncer "l'hypocrisie" de Benjamin Griveaux. "C'est quelqu'un qui s'appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu'il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants. Mais il fait tout le contraire", ajoutait-il à Libération. Il pourrait ne pas s'arrêter là. "J'ai connaissance d'éléments sur cette affaire qui vont peut-être sortir", assure Juan Branco au JDD.
Dimanche après-midi, ce dernier, qui se présente comme l'avocat de l'activiste russe, a annoncé que le parquet de Paris "s'est opposé à ce qu'il représente son client". Mais à ce stade, rien n'indique qu'il ait bien été le conseil de Piotr Pavlenski.
Richard Malka, l'avocat de Benjamin Griveaux, estime de son côté que la justification de l'activiste russe est "grotesque". "J'ai rarement vu personnalité plus cynique. On est dans une imposture absolue, avec des pseudo-artistes qui considèrent qu'ils sont dans une dictature et donnent des leçons de morale", a-t-il déclaré sur LCI. Ce dernier a également dit douter que Piotr Pavlenski soit le seul responsable de la diffusion de la vidéo. "Clairement, je ne crois pas du tout qu'il ait agi tout seul", a-t-il ajouté, sans s'avancer davantage et en renvoyant à l'enquête en cours.
Des insinuations balayées par Juan Branco qui affirme que Piotr Pavlenski "n'est manipulé par personne", écrit Le Journal de Dimanche. "Nous espérons identifier la chaîne de responsabilités dans cette opération de déstabilisation politique", conclut Richard Malka. L'enquête va devoir donc faire la lumière sur la chronologie des enregistrements et des diffusions de ces vidéos et sur d'éventuels soutiens qui auraient pu aider l'artiste.
Que risque Piotr Pavlenski ?
Ce n'est pas la première fois que Piotr Pavlenski est confronté à la justice française. En janvier 2019, il avait été condamné à trois ans de prison, dont 2 ans avec sursis, pour avoir incendié la façade d'une succursale de la Banque de France dans la capitale. Interpellé dans le cadre des faits du 31 décembre 2019, Piotr Pavlenski voit son sursis menacé. En effet, il lui est interdit de porter une arme pendant cinq ans.
S'il est poursuivi dans le cadre de la plainte déposée par Benjamin Griveaux, il risque gros. Initialement, l'atteinte à l'intimité de la vie privée est punie d'une peine maximale d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende. Lorsqu'il s'agit de paroles ou d'images "présentant un caractère sexuel", la peine est alourdie à deux ans de prison et 60 000 euros d'amende, depuis l'instauration de la loi du 7 octobre 2016, qui prend désormais en compte le "revenge porn" ou "vengeance pornographique".
Quid de son statut de réfugié politique ?
L'artiste russe, opposé à Vladimir Poutine, a obtenu l'asile politique, tout comme son ex-compagne, en France en mai 2017. Des voix s'élèvent pour demander que ce statut lui soit retiré. C'est le cas notamment de Bruno Questel, député LREM de l'Eure. "Une fois que la question judiciaire sera traitée, je crois que le statut de réfugié politique de Piotr Pavlenski et la question de sa présence sur le territoire national devront être posés", estime l'élu sur franceinfo.
Piotr Pavlenski a conservé son statut de réfugié politique malgré sa condamnation de janvier 2019. Gaston Gonzalez, expert en droit des étrangers, estime dans le JDD que les deux nouvelles affaires (les vidéos et le 31 décembre) ne sont "pas suffisantes" pour lui retirer cet asile politique. Une telle décision est "extrêmement rare" selon lui, et prise uniquement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Les textes régissant le droit d'asile sont clairs : le statut de réfugié politique peut être retiré lorsque "la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat" ou lorsque celle-ci "a été condamnée en dernier ressort (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement", ce qui n'est pas le cas dans les affaires en question.
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