Karachi : les soupçons s'accumulent contre Edouard Balladur
L'enquête sur le volet financier de l'affaire a été récemment élargie à un éventuel "détournement de fonds publics", afin d'approfondir les investigations sur le financement occulte de la campagne de l'ancien candidat en 1995.
L'étau judiciaire se resserre autour d'Edouard Balladur. L'enquête sur le volet financier de l'affaire Karachi a été récemment élargie à un éventuel "détournement de fonds publics", afin d'approfondir les investigations sur le financement occulte de la campagne présidentielle de l'ancien candidat, en 1995. Selon Le Monde daté du mercredi 24 juillet, les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont obtenu du parquet de Paris un réquisitoire supplétif pour enquêter sur cet éventuel détournement.
Les témoignages et documents sur un financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur s'accumulent depuis fin 2010. Ils s'orientent vers deux directions depuis le début de l'enquête : le détournement de commissions sur des contrats d'armement et celui de fonds spéciaux distribués par Matignon en liquide à l'ensemble des ministères. Francetv info liste les éléments à charge et à décharge.
Les fonds spéciaux de Matignon
L'accusation. Plusieurs témoins ont évoqué devant les juges la piste d'un détournement des fonds spéciaux de Matignon, supprimés en 2001 par Lionel Jospin. L'ancien trésorier d'Edouard Balladur, René Galy-Dejean, avait été interrogé fin 2012 sur un dépôt suspect de plus de 3 millions de francs en liquide, en avril 1995, sur le compte de l'Association de financement de la campagne d'Edouard Balladur. Il avait notamment raconté aux juges avoir été convoqué à Matignon par Pierre Mongin, ex-chef de cabinet d'Edouard Balladur et actuel PDG de la RATP : "Arrivé dans son bureau, il me montre plusieurs boîtes en carton et me dit : 'Voilà 3 millions en petites coupures'. C'est cette somme que j'ai apportée à la cellule trésorerie", a-t-il confié aux magistrats, selon des propos rapportés par Le Monde.
La défense. En janvier, Pierre Mongin a démenti "vigoureusement" avoir "jamais remis cet argent à M. Galy-Dejean" et annoncé le dépôt d'une plainte contre l'ex-trésorier pour "dénonciation calomnieuse". En outre, Edouard Balladur a toujours nié tout financement illicite de sa campagne présidentielle de 1995, affirmant devant une mission d'information parlementaire en 2010 avoir bénéficié de dons recueillis "lors de centaines de meetings" auprès "des militants, des sympathisants".
Les commissions sur des contrats d'armement
L'accusation. En juin, l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine a reconnu avoir reversé aux proches d'Edouard Balladur (Thierry Gaubert, son porte-parole et Nicolas Bazire, son directeur de campagne) une partie des "rétrocommissions" issues de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite fin 1994. Des déclarations confortées par le témoignage d'Hélène Gaubert, femme de Thierry, recueilli par Le Monde en septembre 2011.
En mai, France Info avait par ailleurs rapporté que le juge Van Ruymbeke détenait la preuve que l'autre intermédiaire dans les contrats d'armement, Abdul Rahman El-Assir, "avait utilisé une partie des commissions perçues grâce au gouvernement Balladur pour acheter des sondages d'opinion lors de la campagne présidentielle de 1995".
La défense. Nicolas Bazire, mis en examen dans cette affaire, a rapidement démenti avoir mis en relation Ziad Takieddine avec Thierry Gaubert afin qu'il lui remette des valises de billets à Genève. Thierry Gaubert, également mis en examen dans ce dossier, a aussi contesté ces déclarations lors d'une confrontation devant le juge avec l'intermédiaire franco-libanais.
Le réquisitoire supplétif accordé aux juges d'instruction va leur permettre de poursuivre leur enquête pour déterminer la part éventuelle de chacune de ces deux sources (fonds spéciaux et rétrocommissions) dans le financement de la campagne d'Edouard Balladur en 1995. Au vu des éléments du dossier, les magistrats pourraient bientôt se dessaisir au profit de la Cour de justice de la République, indique Le Monde. Cette juridiction est la seule habilitée à juger les membres du gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
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