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Affaire Karachi : ce que révèle Takieddine sur le financement de la campagne de Balladur

Selon "Le Monde", l'homme d'affaires dit avoir remis 6 millions de francs (1,2 million d'euros) à Thierry Gaubert, qui aurait joué les intermédiaires.

Article rédigé par franceinfo
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L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, le 18 octobre 2012, à Paris. (MEHDI FEDOUACH / AFP)

Il reconnaît avoir remis, fin 1994, 6 millions de francs, soit 1,22 million d'euros, à Thierry Gaubert, un proche de Nicolas Sarkozy, qui fut le porte-parole d'Edouard Balladur durant sa campagne présidentielle, révèle mercredi 26 juin Le Monde.

Ziad Takieddine a ainsi admis devant les juges avoir financé la campagne 1995 d'Edouard Balladur. Il est poursuivi dans le volet financier de l'affaire Karachi. Alors qu'il avait toujours nié une telle implication, l'homme d'affaires franco-libanais précise que ces fonds "étaient destinés à Nicolas Bazire, le directeur de campagne" d'Edouard Balladur. Nicolas Bazire, mis en examen dans cette affaire, a rapidement démenti les déclarations de l'intermédiaire.

Selon Le Monde, Ziad Takieddine "a craqué", le 20 juin, auprès des juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, en charge de l'instruction. Il est en détention provisoire depuis le 31 mai, pour avoir tenté de se procurer un passeport dominicain, "sans doute destiné à lui permettre de s'enfuir", souligne le quotidien.

Francetv info détaille les révélations de l'homme d'affaires.

Sa première rencontre avec Thierry Gaubert

D'après Le Monde, Ziad Takieddine a raconté aux juges comment il a rencontré Thierry Gaubert, ami et ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy, à la mairie de Neuilly (Hauts-de-Seine), puis au ministère du Budget entre 1994 et 1995. C'est Nicolas Bazire, autre ami très proche de l'ancien chef de l'Etat et témoin de son mariage avec Carla Bruni, qui aurait présenté les deux hommes.

"Selon M. Takieddine, M. Bazire l'aurait appelé en décembre 1993 pour l'informer qu'il allait être contacté par M. Gaubert, qu'il avait mandaté. Il s'agissait de préparer la visite de M. Balladur en Arabie saoudite, avec l'espoir de décrocher un contrat de vente de frégates, dit Sawari II, susceptibles de rapporter beaucoup d'argent à l'Etat français", écrit Le Monde. Le contrat est finalement signé le 24 novembre 1994.

Des rendez-vous à Genève avec des valises de billets

Après la signature du contrat de vente Sawari II, Nicolas Bazire aurait recontacté Ziad Takieddine pour lui dire que Thierry Gaubert "avait un message à lui faire porter". "Ce message est simple : Gaubert réclame 1,5 million de francs, afin de financer la campagne de M. Balladur." Un retour d'ascenseur demandé à l'intermédiaire franco-libanais qui a empoché d'importantes commissions à la suite de la signature du contrat avec l'Arabie saoudite. 

"M. Takieddine accepte, à condition qu'il lui remette en cash à Genève, où M. Gaubert détenait lui-même des avoirs", indique Le Monde. Les coupures de 500 francs sont "glissées dans une mallette", précise le quotidien.

Dix jours plus tard, Thierry Gaubert aurait à nouveau contacté l'homme d'affaires franco-libanais, pour lui demander "la même somme". Ziad Takieddine procède de la même manière : il prend rendez-vous à Genève et remet à Thierry Gaubert une valise d'espèces d'1,5 million de francs, selon Le Monde.

D'après l'homme d'affaires, il y a une troisième visite de Thierry Gaubert, qui réclame cette fois 3 millions de francs. "M. Bazire m'a dit qu'effectivement, ce que m'a demandé Gaubert est vrai, car ils avaient besoin de cet argent, mais que c'était la dernière fois", a déclaré Ziad Takieddine aux juges, d'après Le Monde.

Ces révélations confortent les découvertes des juges sur les déplacements des deux hommes à Genève, ainsi que "le témoignage d'Hélène Gaubert, qui déclarait au Monde, le 26 septembre 2011, à propos de son mari : 'Il m'a dit un jour qu'il allait chercher ces espèces en Suisse pour les remettre à Nicolas Bazire'", précise le quotidien.

Le rôle de Renaud Donnedieu de Vabres

Ziad Takieddine a également mis en cause, lors de ses dernières déclarations, François Léotard, ministre de la Défense entre 1993 et 1995, et son conseiller Renaud Donnedieu de Vabres, d'après le quotidien. L'homme d'affaires a révélé qu'après l'élection de 1995, Renaud Donnedieu de Vabres lui avait demandé de l'aider à payer le loyer de son appartement parisien et de financer sa campagne législative à Tours, en 1997. Au total, Ziad Takieddine a estimé, devant les juges, lui avoir remis "un maximum de 250 000 francs" en liquide.

Le Conseil constitutionnel a évalué le coût de la campagne d'Edouard Balladur à 97,2 millions de francs, soit 7,2 millions de plus que le plafond autorisé.

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