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Volte-face de Ziad Takieddine : il est "hautement improbable" que Nicolas Sarkozy soit démis en examen, selon un journaliste

En fuite à Beyrouth, l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine a retiré ses accusations à l'encontre de Nicolas Sarkozy qui a immédiatement annoncé qu'il demandait sa "démise en examen".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Nicolas Sarkozy, 11 novembre 2020. (ARNAUD JOURNOIS / MAXPPP)

Le journaliste Vincent Hugeux, essayiste et auteur de Kadhafi paru aux éditions Perrin, a assuré jeudi 12 novembre sur franceinfo qu'il était "hautement improbable" que la mise en examen de Nicolas Sarkozy soit annulée dans l'enquête sur les soupçons de financement libyen supposé de sa campagne en 2017, après la volte-face de Ziad Takieddine. Ce dernier, l'un des principaux témoins à charge contre l'ancien chef de l'État français, a retiré ses accusations dans une vidéo dévoilée mercredi par Paris Match et BFM TV.

Dans cette affaire, l'ancien président a été mis en examen pour "recel de détournement de fonds publics", "corruption passive" et "financement illégal de campagne électorale" depuis mars 2018, et depuis mi-octobre pour "association de malfaiteurs". Nicolas Sarkozy s'est empressé mercredi soir de publier un message sur les réseaux sociaux : "La vérité éclate enfin. Le principal accusateur reconnaît ses mensonges".

franceinfo : Peut-on donner du crédit aux propos de Ziad Takieddine ?

Vincent Hugeux : J'accueille ce rebondissement avec une infinie circonspection, teintée d'amusement, pour une raison assez simple, Ziad Takieddine est un personnage, on le sait aux abois, en cavale, condamné à une peine de prison ferme dans l'affaire Karachi, qui nous assène depuis maintenant sept ans des vérités successives et contradictoires. Quand on rembobine le film, on s'aperçoit qu'au tout début de l'affaire, en 2012, il commence par disculper Nicolas Sarkozy. Puis ensuite, dès lors que Mediapart sort un document troublant, il accrédite l'idée qu'il y a bien eu financement. Il convoque une conférence de presse. Est-ce que Kadhafi a payé Sarkozy ? Oui, les documents existent, etc., etc.

À quatre reprises au moins, il réitère les mêmes accusations auprès du juge Serge Tournaire, qu'il accuse maintenant d'avoir déformé ses propos. Donc, très franchement, il y a là matière à beaucoup de scepticisme. 

Vincent Hugeux, journaliste

à franceinfo

Des propos qu'il a tenus aussi beaucoup dans les médias...

Absolument. Il faut souligner que si les juges aujourd'hui Aude Buresi et Marc Sommerer ne détenaient que les dénégations tortueuses de Takieddine, il n'y aurait pas eu sept années de travail intense avec à la fois des documents bancaires qui attestent que des proches des membres du premier cercle de Nicolas Sarkozy ont effectivement perçu des virements pour le moins suspects, y compris sur des comptes offshore via une société appartenant à Ziad Takieddine. Il y a eu également des documents venant des services de renseignements libyens.

Si on comprend bien Nicolas Sarkozy n'est pas tiré d'affaire ?

Non. On comprend parfaitement que dans la position qui est la sienne, ô combien inconfortable, il s’est empressé de triompher via ce communiqué. Mais bien entendu qu'il y a d'autres éléments. D'ailleurs, j'en veux pour preuve, quand vous regardez le compte rendu de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, qui a été rendu le 24 septembre dernier. On lit ceci : "À compter de 2005, le principe de financement occulte par les autorités libyennes a été acquis. Ensuite, il est question de pacte de corruption". En fait, cet arrêt valide le travail d'instruction. Encore un élément plus libyen celui-là, puisque c'est au fond la partie dont je suis sans doute le plus familier. Il y a notamment Verbatim, assez confus au demeurant des dénégations d'hier. Il y a cette phrase phénoménale : "Monsieur Kadhafi ne pouvait le faire parce qu'il ne faisait jamais". Allons donc, soyons sérieux. Ça, c'est faux et c'est même ridicule. C'est le modus operandi de la Jamahiriya libyenne populaire et socialiste sous Kadhafi, c'était le défilé permanent sous la tente de Bab al-Aziziya, sa résidence tripolitaine, ou Syrte, son fief initial. Et puis, il a comme ça, toujours fonctionné par un mélange de largesses et de menaces. La carotte et le bâton. Et ce défilé perpétuel donnait lieu, c'était un rituel à la délivrance d'argent. Le simple fait d'affirmer que Kadhafi ne fonctionnait pas comme ça, d'une certaine manière, discrédite les dénégations jusqu'au prochain épisode. Car Takieddine nous a tellement habitués à ces revirements, à ses volte-face, qu'on peut se demander ce qu'il adviendra demain.

Est-ce que Nicolas Sarkozy va pouvoir être démis en examen comme il l'a demandé hier soir, sur la foi de ce témoignage ?

Cela me paraît hautement improbable.

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