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Mort de Bernard Tapie : que vont devenir les affaires judiciaires en cours ?

La cour d'appel de Paris a constaté "l'extinction de l'action publique" à l'encontre de Bernard Tapie dans l'affaire de l'arbitrage avec le Crédit Lyonnais. Mais d'autres procédures vont se poursuivre.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Bernard Tapie au palais de justice de Paris, le 4 avril 2019. (BERTRAND GUAY / AFP)

C'est la fin d'un litige titanesque. L'affaire de l'arbitrage Adidas-Crédit Lyonnais, qui a "miné" la vie de Bernard Tapie, selon son avocat Hervé Temime, ne connaîtra pas son épilogue mercredi 6 octobre, comme ce devrait être le cas initialement. La mort de l'homme d'affaires dimanche à l'âge de 78 ans a en effet entraîné "l'extinction de l'action publique" à son encontre. La procédure en restera donc à la relaxe prononcée en première instance en juillet 2019.

A l'issue du procès au printemps, la cour d'appel devait rendre sa décision mercredi pour trancher une deuxième fois dans ce dossier. Celle-ci a finalement été reportée au 24 novembre pour les cinq autres prévenus, parmi lesquels figure le patron d'Orange Stéphane Richard, a appris France Télévisions de source judiciaire, confirmant une information de l'AFP.

"Il espérait gagner ce procès"

L'ancien président de l'Olympique de Marseille était soupçonné d'avoir "manipulé" au détriment de l'Etat un arbitrage de 2008 visant à solder son litige avec le Crédit Lyonnais portant sur la vente d'Adidas dans les années 1990. Cette sentence arbitrale, qui lui avait permis d'empocher 403 millions d'euros, avait été annulée par la cour d'appel de Paris qui a reconnu l'existence d'une fraude civile, en raison des liens entre l'un des juges et Bernard Tapie.

Le procès en appel de l'affaire de l'arbitrage avait débuté en octobre 2020. Il avait été rapidement interrompu en raison de la dégradation de l'état de santé de Bernard Tapie. Il avait repris en mai, avant de se terminer en l'absence de l'ex-ministre de la Ville, à nouveau empêché par son cancer. En juin, le parquet avait requis 300 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement avec sursis pour complicité d'escroquerie et détournement de fonds publics. 

"Je ressens une immense tristesse et une grande frustration, car il espérait gagner [ce procès] avant de partir. C'était une question d'honneur pour lui", a réagi Maurice Lantourne, avocat historique de Bernard Tapie, après son décès. Et d'annoncer : "Nous continuerons son combat avec son épouse et ses enfants."

Une bataille pour la liquidation de ses sociétés 

Si les affaires au pénal sont terminées, des procédures civiles se poursuivent concernant les sociétés de Bernard Tapie. Car ce dernier était propriétaire du Groupe Bernard Tapie, actionnaire majoritaire du journal La Provence, et de la société FIBT (Financière et immobilière Bernard Tapie), qui détient l'hôtel de Cavoye, à Paris, où l'homme d'affaires résidait. Une propriété estimée à 80 millions d'euros.

Le placement en liquidation judiciaire de ces deux sociétés, en avril 2020, a ouvert la voie à la vente de ses biens pour rembourser les plus de 400 millions d'euros de l'arbitrage. Bernard Tapie avait fait appel et une audience d'étape est prévue le 7 octobre, avant que ses avocats ne plaident sur le fond le 9 décembre. Le montant exact de sa dette fait également l'objet d'âpres joutes procédurales. Un pourvoi est en cours d'examen par la Cour de cassation.

Des dettes à rembourser pour ses héritiers ?

Reste la question de l'héritage. Les héritiers de Bernard Tapie (Dominique Tapie, son épouse, ses enfants Nathalie et Stéphane Tapie – nés d'une première union – puis Sophie et Laurent Tapie) peuvent accepter la succession. Ils deviendraient alors responsables des dettes du défunt et pourraient devoir les éponger avec leurs biens personnels, comme l'explique le site officiel de l'administration publique.

"Ce n'est pas parce que Bernard Tapie est décédé que les dettes sont annulées", explique le député centriste Charles de Courson, auteur d'un rapport contestant le recours à la procédure d'arbitrage dans le contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. Mais il semble peu probable que ses héritiers optent pour la succession puisque le patrimoine de Bernard Tapie était évalué en 2020 à environ 300 millions d'euros par le tribunal de commerce de Bobigny et que ses dettes s'élèvent à quelque 400 millions d'euros.

Si les montants de tout l'actif [les biens] et de tout le passif [les dettes] du défunt sont flous, une autre solution est possible : un notaire établit un inventaire. Il s'agit "d'accepter sous bénéfice de l'inventaire pour voir si le passif est supérieur ou non à l'actif", détaille Caroline Arène, avocate en droit des successions, auprès de France 3.

En clair, si le calcul est à l'avantage des héritiers, ils peuvent accepter la succession. En revanche, s'ils héritent de plus de dettes que d'actifs, ils peuvent renoncer à la succession. Dans ce cas, ils ne pourront pas recevoir l'argent et les biens et n'auront pas à payer les dettes. L'Etat est alors prioritaire pour être remboursé. Si des dettes subsistent, il faut composer avec l'argent éventuellement encore disponible pour rembourser les autres créanciers. Enfin, s'il n'y a pas assez d'actifs, "certains créanciers ne seront jamais payés", avance auprès de l'AFP Emmanuel Ravanas, avocat spécialisé en droit des successions.

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