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"Il m'a plaquée contre le mur, m'a mis les mains sur les seins" : au procès de Denis Baupin, les témoignages accablants se sont multipliés

L'ancien vice-président de l'Assemblée nationale poursuit en diffamation des médias et des femmes, l'accusant d'agression sexuelle et de harcèlement. Le procès, qui a débuté lundi, s'est mué en charge contre l'ex-député écologiste.

Article rédigé par franceinfo
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De gauche à droite : Sandrine Rousseau, Cécile Duflot et Isabelle Attard. (AFP)

Le procès s'est retourné contre lui. L'ancien élu écologiste Denis Baupin a poursuivi en diffamation Mediapart, France Inter et plusieurs femmes qui l'accusent d'agression sexuelle et de harcèlement. Mais, depuis le début des audiences, lundi 4 février, les témoignages accablants contre l'ancien vice-président de l'Assemblée nationale, se succèdent au tribunal correctionnel de Paris. Franceinfo revient sur cinq dépositions marquantes.

Isabelle Attard : "Je ne pensais pas dire ça un jour, merci Denis Baupin !"

Fraîchement élue, Isabelle Attard raconte que "tout a commencé juste après son élection aux législatives de 2012, le premier jour de la rentrée parlementaire", rapporte France Inter. Elle décrit, comme l'élue écologiste Elen Debost, plusieurs tentatives d'opposer d'abord des "remerciements polis" à des compliments appuyés, puis "le silence" à des SMS plus explicites enfin des "refus", "pour que ça s'arrête".

"Je t'envoie une nuée de petits bisous qui te caresse le cou et te mordille la nuque", lui a notamment écrit Denis Baupin par SMS. Des mots qui mettent mal à l'aise Isabelle Attard.

Elle évite alors les réunions de travail en tête-à-tête avec Denis Baupin et s'y rend systématiquement avec son collaborateur. Elle parle de cette situation tendue à d'autres cadres d'EELV lors d'une université d'été. "Ils me font comprendre que je ne suis pas la seule, ils me parlent de cas plus graves", dit-elle.

Isabelle Attard, qui a été la première à parler à Mediapart, finit par remercier Denis Baupin : "Je ne pensais pas dire ça un jour : merci Denis Baupin, merci pour ce procès que nous n’avons pas choisi mais qui nous permet à toutes de dire fort et publiquement ce qu’on a vécu, ce que nous avons sur le cœur, ce procès qui nous permet de passer à une autre étape de notre vie."

Geneviève Zdrojewski : "L'impression d'être un steak"

Elle a été la chef du bureau du cabinet de la ministre écolo Dominique Voynet. Fonctionnaire issue d'une famille bordelaise très catholique, elle est écologiste de cœur mais pas militante. Pendant le procès, Dominique Voynet a qualifié Denis Baupin de "dragueur invétéré" et "lourd" mais Geneviève Zdrojewski dit avoir vécu des événéments plus directs. "Avec moi, il n'y a pas eu de drague, c'était plutôt comme une pulsion", dit-elle à la barre. Elle parle de deux agressions : une première fois dans son bureau et une seconde fois dans les toilettes du cabinet, face à son bureau.

"Ce que je retiens de ces deux moments, c'est la violence. Ma sœur m'a téléphoné, je lui ai dit 'j'ai l'impression d'être un steak'", a-t-elle poursuivi à la barre.

Sandrine Rousseau : "On ne touche pas impunément au corps des femmes"

En 2009, les Verts la sollicent pour être sur une liste aux élections européennes alors qu'elle est présidente de l'Université de Lille. Elle plaît à la direction du parti parce que c'est une femme, qu'elle est jeune, qu'elle n'est pas de Paris et qu'elle n'est pas issue du sérail politique. En 2011, lors du Congrès de la Rochelle, elle est "en charge du dossier de l'accord programmatique avec le Parti socialiste, en binôme avec Denis Baupin". Elle raconte alors avoir "le syndrome de l'imposteur" : "C'était surréaliste pour moi d'être là (...). Je n'avais rien négocié de ma vie. Je me retrouvais sans trop de compétences, là."

"À l'occasion d'une pause, je suis allée aux toilettes. Il [Denis Baupin] m'attendait, il m'a plaquée contre le mur, a cherché à m'embrasser, m'a mis les mains sur les seins, raconte-t-elle. C'était extrêmement furtif, je me suis dégagée, je suis partie aux toilettes flageolante. Je me suis passée de l'eau sur le visage puis je suis revenue à la réunion", poursuit-elle. Elle en parle à son entourage, son mari, des membres du parti. "On sait", lui répond Jean-Vincent Placé.

Denis Baupin lui envoie plusieurs SMS. "Si tu changes d'avis, tu me siffles et je suis ton homme", lui écrit-il, notamment. Elle écarte ses avances et préfère oublier. "Après l'agression pour moi, c'est un black-out", explique-t-elle.

Les années passent et le climat au sein de son couple se dégrade dramatiquement. Sandrine Rousseau a divorcé trois semaines avant que l'affaire ne sorte dans la presse, en 2016. "J'ai dit à celui qui allait devenir mon ex-mari 'l'affaire Baupin va sortir'. Il m'a répondu 'c'est en partie à cause de lui qu'on est là' ", a-t-elle raconté en pleurs.

Cécile Duflot : "On était très complaisant avec la violence"

L'ancienne ministre du Logement a témoigné publiquement pour la première fois, le 7 février. La voix pleine de sanglots contenus, Cécile Duflot, alors secrétaire nationale des Verts, a raconté cette soirée de mai 2008 à Sao Paulo, où elle était venue en délégation avec Denis Baupin, alors adjoint au maire de Paris, pour un congrès mondial des écologistes.

Après une journée de travail, elle regagne sa chambre d'hôtel "très fatiguée" – sa dernière fille a à peine deux mois. "Je tire mon lait, parce que je ne veux pas arrêter d'allaiter ma fille, quand je reçois un SMS de Denis Baupin qui me demande mon numéro de chambre parce qu'il a un truc à me dire", se souvient-elle. "Sans lâcher mon tire-lait, je lui réponds. Dix secondes plus tard, il est à ma porte", dit-elle. "Son regard m'a fait peur", a-t-elle relaté.

Après cet épisode, Cécile Duflot "fait tout pour l'éviter" mais ne dit rien, ne porte pas plainte. Elle ne veut pas être accusée d'instrumentalisation politique alors que Denis Baupin est son adversaire en interne. L'ancienne ministre dit regretter sa "capacité d'encaisser". Selon elle, cette dureté apprise en politique l'a rendue sourde "à l'égard des autres femmes". "J'ai été capable de dire à des femmes des choses comme 'Si t'es choquée parce qu'un mec te demande de le sucer, franchement, ça nous arrive tous les jours' ou 'C'est le genre de mec avec qui il est plus facile de coucher que de résister'. C'était une abdication en rase campagne", concède-t-elle. Et de conclure :"Finalement, on était très complaisant avec la violence."

Emmanuelle Cosse : "Si je pensais que mon mari était un agresseur, jamais je n'aurais fait ma vie avec lui"

L'ancienne ministre écologiste du Logement sous François Hollande est l'épouse de Denis Baupin. À la barre, elle défend son mari avec dignité et conviction. L'homme qu'elle connaît, le père de ses enfants, n'est "pas violent", "pas très à l'aise dans les relations sociales", sait "faire la différence entre un prédateur et un séducteur".

"Il aimait envoyer des SMS, aimait avoir ce jeu de séduction, reconnaît-elle. La différence, c'est entre la séduction et le harcèlement. C'est la question du consentement", assène-t-elle. Militante féministe et pour l'égalité des sexes, de la rédaction de Têtu à l'association Act Up, elle ne "pense pas que [son] mari se méprenne sur la question du consentement". "Si je pensais que mon mari était un agresseur, jamais je n'aurais fait ma vie avec lui. C'est contraire à ce que je suis, contraire à tous mes engagements", a-t-elle déclaré. Et de concéder : "C'est un homme qui aime séduire, qui a beaucoup de conquêtes. Assez immature. Il est comme beaucoup d'hommes."

Évoquant des négociations avec le PS en 2011, elle affirme : "Ni Cécile Duflot, ni Jean-Vincent Placé [alors à la tête du parti] n'aurait confié la responsabilité de négociations vitales pour notre parti à quelqu'un de déviant, de fragile, qui aurait commis des actes répréhensibles".

Elle se dit meurtrie en évoquant le témoignage de Cécile Duflot, qui était "une intime" et qui a dit avoir été agressée par Denis Baupin : "Je ne peux pas comprendre ce qu'elle dit aujourd'hui sur mon conjoint après avoir eu des relations aussi fortes avec moi."

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