Assange, Snowden... Que change la grâce accordée à Chelsea Manning par Barack Obama ?
Condamnée en août 2013 pour avoir transmis plus de 700 000 documents confidentiels au site WikiLeaks, Chelsea Manning va être libérée le 17 mai. La décision de Barack Obama pourrait avoir des conséquences pour les lanceurs d'alerte outre-Atlantique.
A trois jours de son départ de la Maison Blanche, le président américain Barack Obama a commué, mardi 17 janvier, la peine de Chelsea Manning. La militaire transgenre américaine, qui s'appelait Bradley Manning lors de son procès, a été condamnée à 35 ans de prison pour avoir transmis des documents confidentiels à WikiLeaks.
La militaire, qui devait théoriquement rester en prison jusqu'à 2045, sera libérée le 17 mai 2017. Elle avait été condamnée en août 2013 pour avoir transmis plus de 700 000 documents confidentiels au site WikiLeaks alors qu'elle était basée en Irak, fin 2009. Ces documents évoquaient, entre autres, des tortures sur des détenus perpétrées par des officiers irakiens travaillant avec l'armée américaine.
Ils montraient aussi que le nombre de morts civils en Irak après l'invasion du pays par l'armée américaine, en 2003, était bien plus élevé que les estimations officielles, rappelle le New York Times. Quelles conséquences peut avoir cette grâce partielle accordée à la lanceuse d'alerte par Barack Obama, à trois jours de sa fin de mandat ?
La question de l'extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis relancée
Première conséquence envisagée : Julian Assange sera-t-il extradé vers les Etats-Unis ? Dans un tweet envoyé le 12 janvier, le site WikiLeaks avait affirmé que son fondateur accepterait d'être extradé vers les Etats-Unis si Barack Obama faisait preuve de clémence envers Chelsea Manning :
If Obama grants Manning clemency Assange will agree to US extradition despite clear unconstitutionality of DoJ case https://t.co/MZU30SlfGK
— WikiLeaks (@wikileaks) 12 janvier 2017
Julian "Assange est prêt à venir aux Etats-Unis à condition que ses droits soient garantis", a de nouveau indiqué WikiLeaks sur Twitter, après la décision de Barack Obama.
Assange is still happy to come to the US provided all his rights are guarenteed despite White House now saying Manning was not quid-quo-pro.
— WikiLeaks (@wikileaks) 18 janvier 2017
Néanmoins, des responsables de la Maison Blanche ont affirmé qu'il n'existait aucun lien entre ce message et la décision de Barack Obama.
Julian Assange, 45 ans, est réfugié à l'ambassade d'Equateur à Londres depuis juin 2012. Il veut éviter une extradition vers la Suède, où il est accusé de viol, accusations qu'il nie. Le fondateur de Wikileaks craint d'être extradé par Stockholm vers les Etats-Unis.
Ses avocats ont redemandé, mardi 17 janvier, que le département américain de la Justice "ne l'inculpe pas" pour la diffusion en 2010 des documents confidentiels téléchargés puis envoyés au site WikiLeaks. Washington a toujours menacé de poursuivre Assange, mais ne l'a pas officiellement inculpé.
Edward Snowden reste recherché pour espionnage aux Etats-Unis
Autre lanceur d'alerte dont le sort est en suspens : Edward Snowden, réfugié en Russie depuis 2013. Aux Etats-Unis, il est inculpé pour espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux.
Dans un tweet, il a remercié Barack Obama pour la grâce de Chelsea Manning. Il avait auparavant tweeté : "Dans cinq mois tu seras libre. Merci pour tout ce que tu as fait pour tout le monde, Chelsea".
Let it be said here in earnest, with good heart: Thanks, Obama. https://t.co/IeumTasRNN
— Edward Snowden (@Snowden) 17 janvier 2017
Mais rien n'indique que l'informaticien pourrait lui aussi bénéficier d'une quelconque mansuétude. Sous Barack Obama, l'exécutif américain a toujours insisté sur la différence de taille entre son cas et celui de Manning. Il ne pardonne pas à l'ancien consultant de la NSA (Agence nationale de sécurité, les "grandes oreilles" américaines) d'avoir rendu publics des milliers de documents classifiés. Et d'avoir, par la même occasion, révélé l'ampleur de la surveillance des données privées mise en place par les autorités américaines.
"Chelsea Manning a été jugée par la justice militaire, a été reconnue coupable, a été condamnée et a reconnu ses torts", a déclaré Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain. "M. Snowden a fui dans les bras d'un adversaire et a trouvé refuge dans un pays qui, très récemment, a délibérément tenté d'affaiblir notre démocratie", a-t-il poursuivi, en référence à l'exil russe d'Edward Snowden. "Les divulgations d'Edward Snowden étaient beaucoup plus graves et beaucoup plus dangereuses", a-t-il ajouté.
Moscou a annoncé mercredi matin la prolongation de deux ans du permis de séjour d'Edward Snowden. Mais le récent rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine pourrait changer la donne pour l'informaticien.
Les républicains mettent la pression sur Trump
Si, mardi en fin de journée, le président élu Donald Trump n'avait pas réagi à la grâce accordée à Chelsea Manning, nombre de ténors républicains ont exprimé leur mécontentement. Ces réactions peuvent être interprétées comme autant d'appels au président élu, mis sur la sellette pour ses liens supposés avec Moscou, à ne faire preuve d'aucune indulgence envers ceux qui sont accusés d'espionnage.
Furieux, le sénateur de l'Arkansas Tom Cotton a ainsi déploré que le "traître" Chelsea Manningsoit traité comme un "martyr". Il a ajouté ne pas comprendre "pourquoi le président aurait une compassion particulière pour quelqu'un qui a mis en danger les vies de nos soldats, de nos diplomates, de nos agents de renseignement et de nos alliés". Mêmes accents martiaux chez le sénateur John McCain, dénonçant "une grave erreur" qui risque "d'encourager d'autres actes d'espionnage et d'affaiblir la discipline militaire".
"C'est tout simplement scandaleux", a surenchéri Paul Ryan, le président républicain de la Chambre des représentants. Le message envoyé à Donald Trump est clair : ne pas mollir face aux traîtres présumés à la nation américaine.
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