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Oprah Winfrey, "The Rock", Mark Zuckerberg... Pourquoi la candidature de people à l'élection américaine de 2020 fait fantasmer ?

Article rédigé par franceinfo, Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
De gauche à droite : Oprah Winfrey, Mark Zuckerberg, George Clooney, Dwayne Johnson  (Lucy Nicholson / Paul Marotta / Toru Hanaï / Gus Ruelas / REUTERS)

Le discours d'Oprah Winfrey lors des Golden Globes a déclenché une ferveur autour de sa possible candidature à la présidentielle de 2020. Et ce n'est pas la première fois que des stars font l'objet de spéculations pour le poste suprême. Franceinfo vous explique les raisons d'un tel engouement. 

"Je veux exprimer ce soir ma gratitude à toutes les femmes qui ont enduré des années de sévices et d'agressions parce que, comme ma mère, elles avaient des enfants à nourrir, des factures à payer et des rêves à poursuivre." Oprah Winfrey, présentatrice iconique aux Etats-Unis, a voulu marquer les esprits. Dimanche 7 janvier, lors de la remise d'un prix pour l'ensemble de sa carrière aux Golden Globes, elle a pris la parole pendant neuf minutes.

Un discours enflammé qui a relancé les rumeurs sur son éventuelle candidature à l'élection présidentielle de 2020. "Oprah" n'est pas la seule pressentie pour briguer le poste. L'opinion américaine spécule ainsi autour d'une poignée de stars, de Dwayne Johnson à George Clooney. Pour quelles raisons ? 

Parce que ce ne serait pas une première aux Etats-Unis 

Si, en France, les reconversions politiques des célébrités sont plutôt rares, il n'est pas surprenant de les voir accéder, outre-Atlantique, à des postes d'élus, parfois très hauts placés. En 1980, les Etats-Unis ont ainsi élu à la tête du pays Ronald Reagan, ancien acteur de série B passé en politique, le préférant à Jimmy Carter. Un parcours qui a sans doute inspiré Arnold Schwarzenegger, autre cas emblématique. En 2003, l'ancien Terminator écopait du surnom "Governator" en accédant au poste de gouverneur de la Californie. Il est aujourd"hui une figure du Parti républicain.

L'histoire américaine se rappelle aussi de l'iconoclaste Jesse Ventura, acteur (Predator, Running Man) et catcheur professionnel dans les années 70 et 80. A la surprise générale, il fut élu gouverneur du Minnesota sur un programme très populiste en 1999.   

Donald Trump (g) et Jesse Ventura, gouverneur du Minnesota, le 7 janvier 2000.  (STRINGER . / X80002)

L'élection de Donald Trump, en novembre 2016, confirme ce goût des Américains pour les "outsiders". Selon Kathryn Cramer Brownell, historienne spécialisée dans la relation entre la pop culture et la politique américaine, l'arrivée au pouvoir du magnat de l'immobilier marque un "tournant" : "Les Américains ont voté massivement pour Donald Trump qui n’avait absolument aucune expérience politique. C’est totalement nouveau car Ronald Reagan, par exemple, avait passé des années au Parti républicain avant de se présenter." 

Pour l'enseignante, interrogée par franceinfo, cet événement alimente les rumeurs de candidatures de stars : "Cela montre qu’on peut être élu essentiellement grâce à un nom célèbre. Et ça génère toutes les suppositions possibles." Mais Nicole Bacharan, spécialiste de la société américaine tempère : "Ca fait des décennies que des candidats font acte de candidature en disant 'moi je suis vraiment un outsider' et on se retrouve avec gens qui doivent apprendre leur métier une fois élus. Donald Trump en est l'exemple le plus éclatant." Le manque d'expérience ne semble pourtant pas effrayer les people, boostés par leurs soutiens.

Parce que certaines stars laissent planer le doute sur leur possible candidature 

"J'ai décidé de concourir à l'élection présidentielle de 2020"avait lancé Kanye West sur la scène des MTV Video Music Awards en 2015... avant d'avouer qu'il avait fumé "un petit quelque chose". Si la blague était assumée pour le rappeur, d'autres semblent avoir sérieusement envisagé la question. Il n'y a qu'à observer la réaction pour le moins ambiguë d'Oprah Winfrey, invitée de Bloomberg en mars 2017. Alors qu'elle ne pensait pas avoir assez d'expérience pour le poste, elle avoue qu'après la victoire de Trump - totalement novice en politique - elle s'est dite "Oh ! Oh !"... laissant penser qu'elle pourrait considérer la question.

Les déclarations de Dwayne Johnson sont, elles, plus explicites. Fin 2017, "The Rock" a ainsi déclaré à Variety (en anglais) qu'il réfléchissait à l'idée de devenir président : "Si on regarde mon planning pour 2018, avec ce qui est en cours et les tournages prévus jusqu'à 2019, 2020, ça s'étend jusqu'en 2021, donc si j'y pense sérieusement, ce ne serait pas avant 2024." Et alors qu'il était invité sur le plateau d'Ellen DeGeneres en fin d'année, l'acteur a admis "réfléchir sérieusement" à la possibilité de se présenter. 

Mark Zuckerberg ne s'est, lui, jamais prononcé, mais son comportement en dirait long sur ses intentions présidentielles, avance Vanity Fair (en anglais). Débarrassé de son image de geek timide, le PDG de Facebook s'est lancé l'année dernière dans une tournée des Etats-Unis, parcourant une trentaine d'Etats. Un itinéraire digne d'un candidat en campagneAutre décision qui a alimenté les soupçons : en 2016, Facebook a transmis aux autorités financières américaines, un document permettant à Zuckerberg de se présenter à un éventuel mandat, tout en gardant le contrôle sur son entreprise. Une façon de préparer le terrain ?

Le cofondateur du réseau social sait en tout cas bien s'entourer. Selon Vanity Fair, David Plouffe, ex-directeur de campagne de Barack Obama, a récemment rejoint son organisation philantropique. Suivi de Joel Benenson, tête pensante de la stratégie de la campagne d'Hillary Clinton et ancien sondeur en chef d'Obama. Et, alors qu'il s'est toujours dit athée, il a pris soin de rappeler fin 2016 qu'il a été élevé dans la foi juive et qu'il considère la religion comme très importante. Un message que beaucoup ont interprété comme une façon de se façonner une stature de candidat.

Parce que ces personnalités sont populaires... et riches

Mark Zuckerberg, classé cinquième fortune mondiale, avec 56 milliards de dollars (46 milliards d'euros), n'aurait aucun mal à financer une campagne coûteuse. "Il a plus de pouvoir et d'influence que la plupart des leaders dans le monde", résume Vanity Fair. C'est d'ailleurs l'un des points communs de ces célébrités : tous pourraient prendre en charge facilement les dépenses liées à leur candidature. A titre d'exemple, Dwayne Johnson a gagné 65 millions de dollars l'année dernière, faisant de lui le deuxième acteur le mieux payé au monde. Pour le magazine Newsweek, Oprah Winfrey serait, elle, "la présidente la plus riche après Trump si elle était élue en 2020". D'après les estimations de Forbes, la présentatrice pèserait 2,8 milliards de dollars (2,3 milliards d'euros).

Et c'est encore mieux si on est plébiscité par le public. Pour le Guardian (en anglais), George Clooney apparaît comme le candidat idéal : ses multiples engagements humanitaires et politiques lui ont permis de dépasser son statut de star du grand écran. Avec son épouse, Amal Clooney, avocate spécialiste des droits de l'Homme, ils renvoient l'image d'un couple d'intellectuels cultivés, capables de défendre des causes avec ténacité. Mais l'intéressé semble peu motivé. "Ce serait marrant", a-t-il répondu lorsqu'un journaliste lui a posé la question.

Dwayne Johnson, à l'affiche de Jumanji, Baywatch ou encore de la série Ballers, peut se targuer de faire un carton à chacun de ses films. "Il a toujours eu un physique populaire, capable de se fondre dans ce que le public attend de lui", souligne Buzzfeed. Pour Nicole Bacharan, Oprah Winfrey, dont la chaîne OWN est adorée des Afro-Américaines, est encore plus crédible : "Elle remplit beaucoup de critères : c’est une femme noire, dotée d’une notoriété immense, d’une popularité incroyable, c’est une vraie militante. Elle est l’antithèse de ce qu’on a en ce moment à la Maison Blanche."  

Parce que l'opposition rêve d'un leader face à Donald Trump 

L'hypothèse d'une candidature d'une star engagée et populaire est dopée par la présidence clivante de Donald Trump. Les opposants au milliardaire cherchent la personne providentielle, capable de l'emporter en 2020. Cela tombe bien : ces stars, jugées proches du Parti démocrate, n'apprécient guère l'actuel chef de l'Etat, à l'instar de George Clooney qui l'a qualifié de "fasciste xénophobe""En ce moment, l’opposition n’est pas très construite, ni facile à suivre. On a le Parti républicain d’un côté qui a lié son sort à Trump lequel a abandonné toute espèce de morale. Côté démocrate, ça rame : personne ne se détache", analyse Nicole Bacharan.

A Hollywood, l’opposition est plus franche, plus nette. Ces people incarnent la voix de personnages publics, très connus, qui s’opposent à Trump.

Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis

Le discours d'Oprah Winfrey aux Golden Globes, rempli de références à des icônes de la lutte pour les droits civiques comme Rosa Parks et Recy Taylor, semble d'ailleurs avoir fait l'unanimité parmi les grands noms de la culture américaine. Il lui a valu les éloges de nombreuses stars comme Pharrell Williams, Mariah Carey ou encore Meryl Streep qui rêvent désormais de la voir se présenter dans trois ans, l'estimant "plus que qualifiée" pour le poste. 

"Il y a un vrai désespoir aux Etats-Unis. C’est un pays idéaliste, même si la plupart de leurs idéaux ont été trahis : les gens attendent un discours qui parle de grandes valeurs, renchérit Nicole Bacharan. Quand on écoute Winfrey qui parle des droits civiques, des femmes, de sa foi dans la liberté de la presse : c’est thérapeutique." Et quand le jeune Mark Zuckerberg évoque, devant les étudiants d'Harvard, la lutte contre le réchauffement climatique, le revenu universel ou encore la couverture santé étendue dans la liste des grands projets à mener, pas étonnant qu'il fasse mouche chez les anti-Trump. 

Reste que pour Kathryn Cramer Brownell, ces spéculations relèvent surtout d'un emballement médiatique : "D'après les sondages d'opinion, beaucoup d'Américains ne voteraient pas pour une autre célébrité qui manque d'expérience. Ils auront sans doute tendance à soutenir des politiques plus traditionnels." Une analyse confirmée par un récent sondage : une majorité d'Américains ne veulent pas d'Oprah Winfrey comme présidente. Alors iront, iront pas ? Il reste encore un peu plus de deux ans pour se décider. 

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