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Hôtel, repas, poignée de main... Comment va se dérouler le sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un

Le premier tête-à-tête entre Donald Trump et Kim Jong-un a lieu le mardi 12 juin à Singapour. Dans les coulisses, les équipes des deux chefs d'État travaillent depuis des semaines à la réussite de ce sommet historique. 

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Assemblage de deux photos, créé le 24 mai 2018. A gauche, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, le 3 mai 2018 dans un lieu non précisé ; à droite, le président américain Donald Trump, le 23 mai 2018 à Washington.  (AFP)

Si tout va bien, le 12 juin sera une date historique. Kim Jong-un et Donald Trump, les deux dirigeants les plus imprévisibles de la planète, doivent se rencontrer lors d'un sommet inédit à Singapour, à 9 heures (heure locale). Au programme : des discussions sur la dénucléarisation côté nord-coréen et la levée des sanctions internationales côté américain. Mais cette rencontre entre le président de la première puissance mondiale et l'un des dirigeants les plus paranoïaques au monde n'est pas chose aisée.

Qui est chargé de l'organisation de ce sommet ?

Depuis plusieurs semaines, des officiels américains et nord-coréens s'attèlent à la préparation de cet événement. Leur objectif est de cadrer au maximum la "chorégraphie" des deux chefs d'État. "L'équipe logistique décide de l'hôtel, du repas et des photos officielles", décrypte Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste des deux Corées. L'équipe diplomatique définit les éléments de langage : "C'est quoi la dénucléarisation, c'est quoi le processus de cette dénucléarisation, c'est quoi un traité de paix, etc.", détaille le spécialiste. Quant à l'équipe politique"elle travaille sur les concessions possibles par rapport aux enjeux américains et nord-coréens." Un travail d'équipes qu'a bien connu Michel Duclos, ancien ambassadeur de France, lors de ses missions en Syrie et en Suisse. 

Ces équipes sont rompues à l'exercice, il ne peut y avoir de claquement de porte avant le sommet, elles travaillent toutes dans le consensus diplomatique.

Michel Duclos, ancien ambassadeur de France

à franceinfo

Il confirme que lors de ces discussions, "tout est millimétré, chaque chose est prévue de façon précise, qu'il s'agisse des photos ou du menu". Mais il avoue qu'à la dernière minute les choses peuvent évoluer, "surtout avec des chefs d'État comme eux"

Comment est assurée la sécurité à Singapour ?

Accueillir le président américain demande un certain standing. Et attirer à l'extérieur de son pays le très méfiant dirigeant nord-coréen nécessite de gagner sa confiance. Singapour, considérée comme la Suisse de l'Asie du Sud-Est, est en bons termes avec les deux camps. Face aux autres candidats dont la Mongolie, la ville-État a remporté l'organisation du sommet. Un choix qui fut déterminant pour la suite des négocations, comme l'explique le correspondant en Asie du magazine Le Point .

Il s'agit d'un premier test de la volonté de l'adversaire de trouver un accord. Pour cela, les deux parties devaient d'abord s'accorder sur un « terrain d'entente » commode, symbolique et sûr.

Sébastien Falletti, correspondant en Asie pour "Le Point"

dans "Le Point"

La ville-État, l'une des plus sûres au monde, est donc prête à supporter les mesures de sécurité draconiennes et coûteuses pour assurer cet événement, relate Carrie Nooten, correspondante de RFI à Singapour. "Les autorités singapouriennes sont déjà expertes en logistique et dans l'art de stopper la circulation de manière rapide. Leur territoire est couvert à 80% par les caméras de surveillance et elles savent qu'elles peuvent compter sur une obéissance sans faille des foules". Mais Kim Jong-un ne se déparera sûrement pas de sa douzaine de gardes du corps, vus récemment en train de courir en formation très serrée autour de la voiture officielle du leader, lors du sommet entre les deux Corées, le 27 avril. La rencontre entre les deux hommes doit se dérouler sur l'île très touristique de Sentosa, aux dires de la porte-parole de la présidence américaine, Sarah Sanders.  

Comment les deux chefs d'État vont-ils se déplacer ?

Antoine Bondaz assure que Kim Jong-un, pour se rendre au sommet, ne viendra pas dans son célèbre train blindé, luxueux joyau de 21 wagons de la dynastie Kim. "Son père ne prenait pas l'avion, lui, oui. Sur le plan logistique, c'est impossible de se rendre à Singapour depuis Pyongyang avec un train qui se déplace à 60 km/h, souligne le spécialiste. Il faudrait des jours et la connexion ferroviaire entre les deux lieux est compliquée." Les Nord-Coréens se déplaceront donc en avion : l'"Air Force Un". C'est ainsi que la presse internationale a surnommé l'appareil du régime nord-coréen, un Iliouchine-62 de fabrication russe et vieillissant, en référence au Air Force One de Donald Trump.

Toutefois, les experts doutent de la capacité de l'appareil à voler jusqu'à Singapour. Selon l'AFP, Kim Jong-un pourrait louer un avion. Ce qui est certain, c'est que le leader nord-coréen se déplacera avec ses toilettes personnelles, comme le raconte Lee Yun-keol, un ancien membre de la garde personnelle de la famille Kim, au Washington Post. Le leader nord-coréen n'utilise en effet jamais les toilettes publiques, pour une question de sécurité nationale. 

Les excréments du leader contiennent des informations sur son état de santé, donc on ne peut pas les laisser traîner.

Lee Yun-keol, ancien membre de la garde personnelle de la famille Kim

au "Washington Post"

Côté américain, les déplacements du président exigent un important dispositif de sécurité, composé d'une cinquantaine de véhicules. Ainsi, le président se déplace toujours dans sa limousine à l'épreuve des balles et des attaques chimiques, armée et équipée d'une bouteille à oxygène et de deux poches de sang correspondant à son rhésus

Où vont-ils loger (et qui va payer) ?

Si la sécurité est assurée pour chacune des délégations, les frais d'hébergement posent encore question. La délégation des Etats-Unis résidera, selon la presse américaine, au Shangri-La, un hôtel à 8 750 euros la nuitée. Côté nord-coréen, ils descendront très probablement à l'hôtel The Fullerton, à 5 000 euros la chambre. Mais, peu habitué à payer, le régime de Pyongyang risque de ne pas régler sa note. 

La Corée du Nord invite mais ne paie pas, même quand elle se déplace. C'est aux invités de payer, leur hôtel, repas et frais de déplacements

Antoine Bondaz, chercheur spécialiste des deux Corées

à franceinfo

Au niveau légal, cela pose un sérieux dilemme à Washington, comme le rapporte The Washington post (en anglais). Car si les États-Unis s'acquittent de la note de Kim Jong-un, ils violeront les sanctions internationales visant la Corée du Nord. Il faudrait donc émettre une dérogation temporaire, au risque de déclencher la colère du côté des soutiens conservateurs de Donald Trump. Le ministre de la Défense singapourien s'est dit prêt à s'acquitter d'une partie de la facture. Ce serait le "prix à payer pour jouer un petit rôle dans cette rencontre historique", comme il l'a indiqué à l'agence de presse Reuters. 

Que vont-ils manger ? 

Difficile de faire passer ces deux dirigeants à table. Antoine Bondaz exclut la possibilité d'un dîner et penche pour un déjeuner. "Cela ne peut pas être le soir car cela serait alors un dîner d'État, ce qui est un événement diplomatique. Et les États-Unis et la Corée du Nord n'ont pas de relations diplomatiques actuellement". Le protocole veut que cela soit le pays hôte qui fournisse les mets. Mais pour l'ancien ambassadeur Michel Duclos, tout est possible. 

Ce n'est pas impossible que les Américains viennent avec les burgers favoris de Donald Trump et que Kim Jong-un débarque avec son propre cuisinier, de peur d'être empoisonné...

Michel Duclos, ancien ambassadeur de France

à franceinfo

Et dans ce type d'événement, chaque plat a un sens, rappelle Antoine Bondaz. "Si le repas servi est singapourien, autrement dit neutre et donc sans portée symbolique, cela voudra dire qu'il est trop tôt pour parler d'un consensus entre les États-Unis et la Corée du Nord. Si, au contraire, il est servi un repas mixte nord-coréen-américain, on y verra une image moderne et de dialogue. En revanche, s'il est nord-coréen, cela signifiera la mainmise totale de cette dernière sur l'événement."

Vont-ils se serrer la main ? 

Cette rencontre historique est pensée dans ses moindres détails, jusque dans la poignée de main entre les deux hommes d'État. Est-ce qu'ils vont marcher l'un vers l'autre ? Vont-ils se serrer la main avant le sommet ? Ou seulement après ? Ce qui est certain, c'est que chacun voudra montrer qu'il a gagné. 

Le symbole de l'égalité en droits pour les chefs d'État, c'est de se serrer la main. Et là, vous avez le dirigeant le plus puissant du monde qui va serrer, ou pas, la main d'un chef d'État banni de la communauté internationale.

Pierre Grosser, historien, spécialiste des relations internationales

à franceinfo

Cette poignée de main, si elle arrive au début de la rencontre, marquera, selon Pierre Grosser, la victoire de Kim Jong-un : "Cela sera, à mon sens, une érosion assez importante du capital de Trump. A la fin du sommet, la poignée de main sera plus acceptable pour Donald Trump car elle scellera un accord trouvé". Quant à la photo officielle, elle devrait être prise dans un cadre neutre. 

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