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Etats-Unis : comment le camp Trump a implosé après des élections de mi-mandat décevantes

Pour ces midterms, les républicains ont manqué le boulevard qui s'ouvrait devant eux et certains tiennent l'ex-président pour responsable. Le parti va-t-il en profiter pour se débarrasser d'un leader devenu encombrant ?

Article rédigé par franceinfo
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Donald Trump, le 15 novembre 2022, à Mar-a-Lago, en Floride. (ALON SKUY / AFP)

Trump est-il devenu un "loser" ? L'ancien président des Etats-Unis, qui n'a jamais reconnu sa défaite face à Joe Biden, en 2020, a annoncé mardi 15 novembre son intention de reconquérir la Maison Blanche en 2024. Mais au sein du Parti républicain, incapable de soulever la "vague rouge" que lui promettaient pourtant les sondages aux élections de mi-mandats, des voix s'élèvent pour contester l'influence de l'ancien homme d'affaires et du "trumpisme" au sein du parti. Dans son camp, dans sa famille et même parmi ses soutiens historiques, la candidature de l'homme à la casquette "Make America Great Again" ne fait plus l'unanimité.

Un parti qui prend ses distances

Lorsqu'il a déclaré son intention de briguer l'investiture républicaine, Donald Trump a refusé d'endosser une quelconque responsabilité dans le score décevant de son parti. En représailles, son camp lui a plutôt bien rendu la pareille : sur CNN, mercredi soir, plusieurs anciens membres de son administration, invités à réagir à sa candidature, ont descendu en flèche leur ancien patron, l'accusant d'avoir utilisé la campagne comme une tribune pour diffuser la théorie complotiste selon laquelle Joe Biden l'a battu en trichant, en 2020, remarque Politico*. "Je pense qu'il est inapte pour un mandat", a tranché l'un de ses ministres de la Défense, Mark Esper. "Ses actes ne sont que pour lui, pas pour le pays" et "je ne pense pas que ce soit une personne honnête", a-t-il ajouté.

"Je pense que le temps est venu dans ce pays pour un nouveau leadership qui nous rassemblera autour de nos plus puissants idéaux", a commenté Mike Pence, qui fut pendant quatre ans son vice-président. Lors d'une réunion publique organisée par CNN*, il a refusé d'écarter tout soutien à l'ancien président s'il devait remporter l'investiture républicaine, mais a mis en doute qu'il puisse à nouveau faire un "hold-up" sur la convention républicaine, où se décide qui portera le rouge dans la course à la Maison Blanche. "Je pense honnêtement que nous allons avoir de meilleures options", a-t-il avancé.

"Trump leur a coûté trois élections (en 2018, 2020 et 2022) et ils préféreraient ne pas le laisser en gâcher une quatrième, en 2024", estime Larry Sabato, professeur de sciences politiques à l'université de Virginie, cité par l'AFP. Dans le détail, les candidats "trumpistes" ont su largement s'imposer dans les comtés acquis aux conservateurs. Mais ils n'ont pas convaincu là où la compétition était plus rude : sur 21 candidats présentés dans des scrutins susceptibles de balancer d'un côté ou de l'autre, seul sept l'ont emporté, liste NPR*. Dans les courses très serrées, un seul de ses poulains (sur 9) l'a emporté.

Sa protégée, Kari Lake, a été battue pour le poste de gouverneure de l'Arizona. Le très médiatique docteur Mehmet Öz a été battu dans la course au Sénat, en Pennsylvanie. "Ils viennent de voler l'élection à Kari Lake. C'est vraiment grave  !" avait réagi l'ancien président, dénonçant la validité du scrutin sur son réseau, Truth Social. Une stratégie du déni qui divise le parti. "Nous avons besoin de davantage de sérieux, de moins de bruit et de dirigeants qui regardent vers l'avenir et pas dans le rétroviseur en se faisant passer pour des victimes", a réagi son ancien secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, sur CNN.

Des proches aux abonnés absents

Pour la "grande annonce" de sa nouvelle candidature présidentielle, Donald Trump avait aligné les drapeaux américains et les chaises dorées dans le décor luxueux de sa villa de Mar-a-Lago, en Floride. Mais ces efforts n'ont pas compensé l'absence de certains visages familiers. Dans la foule de militants : pas de cadre du parti républicain, d'élu influent ni de sénateur. Ni son fils Don Jr., ni sa fille Ivanka – une de ses plus proches conseillères à la Maison Blanche durant son mandat – n'ont participé à cette annonce en grande pompe.

Quelques minutes après l'officialisation de la candidature de son père, Ivanka Trump a publié un communiqué glacial. "J'aime beaucoup mon père, écrit-elle. Mais cette fois-ci (...) je ne prévois pas de m'impliquer en politique". "Le manque d'enthousiasme pour la troisième campagne présidentielle de Trump se fait sentir même au sein de sa famille proche", note le politologue Larry Sabato.

Des donateurs qui doutent

Si Donald Trump a déjà amassé 100 millions de dollars en vue de sa campagne, selon The Atlantic*, plusieurs méga-donateurs du parti républicain ont fait connaître leur intention de ne plus financer quelqu'un qu'ils considèrent comme moins susceptible d'apporter une victoire à la droite. L'argent, nerf de la guerre électorale aux Etats-Unis, pourrait bien migrer vers une autre personnalité, comme l'étoile montante de la droite dure, le jeune gouverneur de Floride tout juste réélu triomphalement, Ron DeSantis.

Des relais médiatiques qui se détournent

"A 720 jours de la prochaine élection, un retraité de Floride annonce par surprise sa candidature à l'élection présidentielle." Imprimée en page 26 de New York Post, l'ironie de cette déclaration ne fait aucun doute.

Dès le lendemain du scrutin des midterms, le tabloïd avait publié une caricature de Trump avec la légende "Donald qui n'a pas pu construire de mur a subi une grosse chute", actant le divorce entre le magnat de la presse Rupert Murdoch et le businessman. Ainsi, le Wall Street Journal publiait, mercredi 9 novembre, six éditoriaux anti-Trump, dont l'un proclamait : "Trump est le plus grand perdant du parti républicain".

Les médias du groupe braquent désormais leurs projecteurs sur Ron DeSantis, "le futur" du GOP.

Signe que la lune de miel est bien terminée, Fox News, l'une des chaînes les plus regardées des Etats-Unis et qui consacrait jusqu'à peu des heures d'antenne à Donald Trump, a ainsi choisi de le couper au beau milieu de son discours de candidature.

Pour trouver des relais médiatiques à l'opération Trump 2024, il faut se tourner vers des voix plus radicales et controversées comme Breitbart, qui consacrait mercredi un article à l'enthousiasme de Melania Trump pour ce futur second mandat. Lâchée par plusieurs distributeurs du câble cette année, la petite chaîne pro-Trump One America News a perdu l'accès à des millions de foyers, limitant considérablement une influence déjà très marginale.

* Les liens suivis d'un astérisque dirigent vers des contenus en anglais.

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