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Coup de force des trumpistes : il y a eu une "mésestimation des autorités" face "à cette mouvance extrémiste", juge l'universitaire Tristan Mendès-France

Au lendemain du coup de force des partisans de Donald Trump à Washington pour empêcher la certification de l'élection de Joe Biden, le chercheur Tristan Mendès-France ne comprend pas pourquoi ils ont pu envahir si facilement le Capitole.

Article rédigé par franceinfo
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Des partisans de Donald Trump envahissent le Capitole à Washington, merccredi 06 janvier. (ROBERTO SCHMIDT / AFP)

Mercredi 06 janvier, des partisans de Donald Trump ont pu pénétrer au Capitole, alors que se déroulait le certification de l'élection de Joe Biden et "ce qui est assez surprenant, c'est de voir la mésestimation des autorités compétentes aux États-Unis face à cette mouvance extrémiste", a souligné jeudi 07 janvier sur franceinfo Tristan Mendès-France, maître de conférences associé à l’université de Paris, spécialiste des cultures numériques. Les appels à la violence et aux saccages étaient visibles en ligne depuis deux jours sur un site trumpiste notamment. Pourtant, cela n'a pas empêché les partisans du président des États-Unis d'envahir facilement le Capitole, lieu sacré de la démocratie américaine.

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franceinfo : Pouvions-nous anticiper les événements de mercredi soir ?

Tristan Mendès-France : Oui, c'est assez effarant. Tous ces discours et d'ailleurs, même ce saccage du Capitole étaient écrits noir sur blanc sur de nombreuses plateformes en ligne. Tout le monde pouvait le voir. C'était vraiment tout à fait transparent. Le site qui a été l'un des principaux promoteurs de ce discours maximaliste et d'incitation à la violence envers le Capitole c'est le site qui s'appelle thedonald.win, avec 15 à 20 millions de vues par mois, c'est le coeur nucléaire des trumpistes les plus radicaux. Et sur ce site, depuis au moins deux jours avant le 6 janvier, on pouvait voir des appels à la violence, des appels à du saccage et tout cela étaient vraiment à la vue de tous. Ce qui est assez surprenant, c'est de voir l'impréparation ou en tout cas peut être la mésestimation des autorités compétentes aux États-Unis face à cette mouvance extrémiste, cette extrême droite radicale nationale populiste virulente qui, encore une fois, s'est auto-radicalisée en ligne avec un jeu assez compliqué, une sorte de chambre d'écho qui va de Trump à sa base, en passant par des médias ultras conservateurs. Et tout cela, c'est un peu monté en ligne.

Des porte-voix de ces médias conservarteurs étaient présents, notamment Alex Jones le pape du complotisme aux États-Unis ?

"On a vraiment retrouvé des représentants de tout ce qu'il y a de plus toxique aux États-Unis. On avait des représentants de cette mouvance complotiste extrémiste, QAnon. On avait des suprémacistes blancs, des "racialistes" de différentes obédiences. On avait vraiment ici un patchwork de groupuscules qui ont probablement profité aussi, évidemment, de cette manifestation en général pour essayer de faire des coups de force"

Tristan Mendès-France, spécialiste des cultures numériques

à franceinfo

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Mais en tout cas, il y a un véritable agrégat. Et tout cela, c'est vraiment structuré en ligne. La manifestation, d'abord devant le Capitole, s'est faite essentiellement sur Facebook. Les dérives par la suite se sont faites sur des sites un peu plus radicaux comme le site thedonald.win.

Est-ce que Facebook et Twitter notamment ont une part de responsabilité ?

Ils sont clairement une part du problème. Vous enlevez les réseaux sociaux et vous n'avez pas cet événement. Cela me semble assez évident. Ils sont dans une posture extrêmement délicate. On peut applaudir le fait qu'ils prennent enfin leurs responsabilités, mais on peut aussi se poser la question de savoir si ce n'est pas une responsabilité trop grande pour couper le fil d'un président américain. C'est une responsabilité énorme. Il n'y a pas de procédures judiciaires qui ont été mises en route. C'est donc une décision d'une entreprise privée. Évidemment, ça va soulever de nombreuses questions sur l'étendue du rôle qu'ils peuvent avoir, notamment dans une séquence démocratique délicate comme celle à laquelle on est en train d'assister. Ils sont une partie du problème. Il n'y a pas de doute là-dessus. Et également, ils ont une responsabilité qui va être difficile à mettre encore une fois en œuvre parce qu'on va les accuser tout simplement de censurer la parole d'un élu, d'un élu de la République, d'un élu des États-Unis.

Une forte responsabilité, mais ils ont aussi un rôle d'amplificateur ?

Les plateformes sociales hystérisent le débat. Et il y a aussi le fait que cette minorité agissante est extrêmement vocale. Et on a une sorte de loupe déformante qui permet à des discours marginaux toxiques d'avoir une visibilité qui va au-delà de la réalité de ce qu'il représente réellement. Sauf que, chemin faisant, à force d'être visibles en ligne parce qu'ils sont extrêmement actifs, qui produisent un contenu faramineux en ligne, eh bien ils amènent à eux un auditoire beaucoup plus large. Ils arrivent enfin à radicaliser d'autres individus avec eux. Donc, les plateformes sociales sont véritablement pour moi des accélérateurs de ces travers qui préexistent évidemment.

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