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Etats-Unis : on vous explique les enjeux des midterms, les élections de mi-mandat cruciales pour Joe Biden qui ont lieu aujourd'hui

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les "midterms" ont lieu mardi 8 novembre 2022 aux Etats-Unis. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Les Américains doivent désigner une large partie de leurs représentants au Congrès, mardi, lors d'une série de scrutins qui s'annoncent très disputés.

Un test d'ampleur, à deux ans de la prochaine présidentielle aux Etats-Unis. Les Américains sont appelés aux urnes, mardi 8 novembre, pour les traditionnelles élections de mi-mandat. Lors de ces midterms, ils devront s'exprimer sur des référendums, parfois choisir leurs représentants dans les assemblées locales, et surtout désigner leurs élus au Congrès. Il s'agit d'un moment crucial pour les démocrates, qui doivent conserver leur très courte majorité parlementaire s'ils veulent permettre à Joe Biden de poursuivre son programme.

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Si les midterms avantagent habituellement l'opposition, le parti présidentiel espère mobiliser les électeurs autour du droit à l'avortement. De leur côté, les conservateurs misent sur le mécontentement face à l'inflation galopante pour remporter des sièges au Congrès. Franceinfo vous résume les enjeux de ces élections.

Presque tout le Congrès fédéral va être renouvelé

Les élections de mi-mandat sont organisées, comme leur nom l'indique, au milieu du mandat présidentiel. Et c'est un rendez-vous capital de la politique américaine. Aux Etats-Unis, la totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants et un tiers des 100 sièges du Sénat sont renouvelés tous les deux ans (les sénateurs étant élus pour six ans), rappelle le Washington Post*. Les Américains vont donc renouveler la quasi-totalité du Congrès.

Mais ce n'est pas tout. Dans la plupart des Etats, les électeurs devront également désigner leur gouverneur, leur maire, les membres des assemblées locales, des magistrats ou encore des shérifs. Beaucoup seront aussi appelés à s'exprimer sur des ballot initiatives, des référendums permettant de faire évoluer la législation locale. Selon le site spécialisé Ballotpedia*, 132 propositions seront soumises au vote des Américains le 8 novembre, dans 37 Etats. Elles couvrent des sujets aussi variés que la légalisation du cannabis, le droit à l'avortement ou le financement de la lutte contre les feux de forêt.

Résultat, le bulletin de vote (qui est unique et regroupe tous les scrutins) s'étalera généralement sur plusieurs pages. Dans le comté californien de Santa Clara, les électeurs devront ainsi exprimer leur choix sur une trentaine d'élections ou référendums, comme le montre cet exemple*.

Un exemple de bulletin de vote pour les élections du 8 novembre 2022 dans le comté de Santa Clara, en Californie (Etats-Unis). (COUNTY OF SANTA CLARA REGISTRAR OF VOTERS)

Joe Biden veut conserver sa (courte) majorité parlementaire…

Actuellement, les démocrates contrôlent le Congrès de très peu. Ils n'ont que neuf sièges de plus que les républicains à la Chambre des représentants, relève le Guardian*. La situation est encore plus complexe au Sénat, divisé entre un groupe de 50 républicains et un groupe de 50 démocrates et indépendants. En cas d'égalité parfaite à la chambre haute, la Constitution américaine prévoit que le ou la vice-présidente tranche. C'est donc la numéro 2 de Joe Biden, Kamala Harris, qui donne pour l'instant l'avantage aux démocrates. Elle leur a notamment permis d'adopter, début août, un plan d'investissements massifs dans les secteurs du climat et de la santé.

La vice-présidente américaine Kamala Harris dans sa résidence à Washington, le 8 août 2022. (SAMUEL CORUM / UPI / SHUTTERSTOCK / SIPA)

Avec la quasi-totalité du Congrès sur la sellette, l'issue des midterms déterminera la capacité de Joe Biden à mettre en œuvre la suite de son agenda politique. "Si les démocrates perdaient les deux chambres, ils seraient contraints de se reposer sur le pouvoir de veto [du président] pour bloquer les mesures qu'ils désapprouvent", décrypte le site Vox*. S'ils n'ont la majorité que dans l'une des assemblées, de nombreuses réformes seront bloquées par les républicains. En revanche, s'ils conservent le contrôle total du Congrès, Joe Biden et son parti ont déjà promis de voter des lois entérinant le droit à l'avortement ou protégeant le droit de vote des minorités.

… mais les midterms avantagent habituellement l'opposition

Bien souvent, les élections de mi-mandat ressemblent à un référendum pour ou contre le locataire de la Maison Blanche. Et ce dernier en sort rarement vainqueur : le parti présidentiel a perdu des sièges à la Chambre des représentants lors de 17 des 19 dernières midterms, révèle Vox*. Cette tendance s'explique en partie par la volonté des électeurs de mettre en place un contre-pouvoir plus fort face au chef de l'Etat, détaille le site américain.

Selon les projections de FiveThirtyEight*, les démocrates risquent en effet de perdre la majorité à la Chambre des représentants. S'ils conservent les 212 sièges qu'ils ont déjà, les républicains ont seulement besoin d'en prendre six à leurs adversaires pour atteindre la majorité de 218 voix. Ils ont de bonnes chances d'y parvenir dans 11 circonscriptions, d'après les estimations de FiveThirtyEight*. A l'inverse, les démocrates ne semblent en position de prendre que deux sièges aux républicains. Dans 20 cas, le duel s'annonce par ailleurs tellement serré que les deux partis ont autant de chances de l'emporter, complète CNN*. En théorie, les conservateurs ont donc de multiples opportunités de s'imposer à la Chambre des représentants.

Et dans l'autre assemblée ? Sur les 35 sièges en jeu au Sénat, dix duels s'annoncent disputés, analyse le New York Times*. Quatre Etats en particulier sont considérés comme "ouverts", sans avantage pour un parti ou l'autre : la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Géorgie et le Nevada. Les démocrates, qui n'ont que 14 sièges à défendre (contre 21 pour les républicains) ont un temps semblé avoir l'avantage. Mais à la veille du scrutin, les projections sont désormais si serrées qu'il est impossible de s'avancer sur le parti qui obtiendra la majorité au Sénat, conclut FiveThirtyEight*.

L'économie et l'avortement sont au cœur du débat

L'économie est la thématique qui a le plus préoccupé les électeurs américains ces derniers mois, selon une série de sondages de l'institut Gallup*. Ils s'inquiètent particulièrement de l'inflation, qui a atteint 8,2% en septembre aux Etats-Unis. Les républicains en ont fait leur principal argument de campagne, critiquant l'incapacité de Joe Biden et des démocrates à limiter la flambée des prix des biens de consommation, relate le New York Times*. Et la stratégie pourrait payer. Fin septembre, une majorité d'Américains doutaient de l'efficacité des mesures adoptées par le Congrès pour réduire l'inflation, rapporte l'institut Gallup*.

Un autre sujet peut toutefois influer sur les résultats de l'élection : l'avortement. Fin juin, la Cour suprême a renversé son arrêt garantissant ce droit au niveau fédéral. Depuis cette décision, treize Etats ont interdit totalement la procédure et cinq autres ont réduit les délais légaux pour mettre un terme à une grossesse, selon un décompte du New York Times*. A terme, le Guttmacher Institute* estime que la moitié des cinquante Etats américains vont fortement entraver le droit à l'avortement. 

Cette problématique est "très importante" ou "l'une des plus importantes" de la campagne pour 62% des électeurs, selon un sondage pour le Washington Post et la chaîne ABC*. Et cela joue surtout en faveur des candidats démocrates, qui promettent une loi fédérale protégeant le droit à l'avortement. "Il nous manque actuellement une poignée de voix" pour y parvenir, a encore insisté Joe Biden début octobre. Alors qu'une majorité d'Américains désapprouvent la décision de la Cour suprême, la question de l'IVG pourrait donc motiver les électeurs démocrates à se rendre aux urnes, souligne le Washington Post*.

Des pro-Trump contestant la légitimité de Biden sont candidats (et pourraient être élus)

C'est la grande question des élections de mi-mandat : combien de deniers (de l'anglais to deny, "nier", "refuser") accéderont à des postes clés ? Ces républicains, partisans de l'ancien président Donald Trump, contestent comme lui la validité des résultats de la présidentielle de 2020. Le milliardaire a apporté son soutien à des dizaines d'entre eux dans les dernières semaines de la campagne, qu'il voit comme un test grandeur nature pour son potentiel retour dans la course à la Maison Blanche en 2024, rapporte la BBC*.

Selon le site FiveThirtyEight*, environ 60% des Américains ont au moins un candidat contestant l'élection de Joe Biden sur leur bulletin de vote. "Sur les 552 républicains qui se présentent, nous en avons trouvé 200 qui ont totalement nié la légitimité de l'élection de 2020", précise le média américain. Soixante-deux autres se sont "interrogés" publiquement sur une possible fraude électorale, malgré l'absence de preuves.

La majorité de ces deniers sont en position d'être élus le 8 novembre, évalue la Brookings Institution*. Dans le camp démocrate, on redoute l'influence qu'ils pourraient avoir sur les prochains scrutins. Les gouverneurs de chaque Etat et les élus du Congrès ont en effet un rôle à jouer dans la certification des résultats de la présidentielle, rappelle Reuters*. C'est justement ce processus que les partisans de Donald Trump ont tenté d'interrompre lors de l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Si des deniers sont élus gouverneurs, ils pourraient "refuser de certifier le résultat de la présidentielle" de 2024, voire "affirmer que le candidat perdant a remporté leur Etat", poursuit Reuters.

"C'est une maladie qui s'étend à tout le processus politique, et les conséquences sont profondes", alerte Larry Jacobs, politologue à l'université du Minnesota, interrogé par le Washington Post*. "Désormais, il ne s'agit plus de Donald Trump. Il s'agit du système électoral dans son ensemble et de ce qui constitue un scrutin légitime."

* Les liens marqués par un astérisque renvoient vers des contenus en anglais.

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