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Pourquoi la tuerie de Charleston peut être considérée comme un acte terroriste

Dylann Roof, qui a tué 9 personnes dans une église noire, aurait notamment confié aux enquêteurs qu'il voulait déclencher une "guerre raciale" aux Etats-Unis. Les autorités ont annoncé l'ouverture d'une enquête pour "terrorisme intérieur".

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Dylann Roof, l'auteur présumé de la tuerie de Charleston (Caroline du Sud, Etats-Unis), lors de son audition au tribunal, le 16 juin 2015. (  REUTERS)

Le ministère américain de la Justice a annoncé, vendredi 19 juin, l'ouverture d'une enquête pour "terrorisme intérieur" après la tuerie de Charleston. Mercredi, Dylann Roof, un jeune blanc de 21 ans, a tué 9 personnes dans une église de la communauté noire américaine de cette ville de Caroline du Sud (Etats-Unis). Jusqu'ici, le tireur présumé n'avait été inculpé que pour possession d'armes à feu et meurtres, et la première enquête qui avait été ouverte évoquait un "crime motivé par la haine".

Des chefs d'accusation qui ne satisfaisaient pas une partie des noirs américains ainsi que de nombreux médias, qui déploraient que l'on présente le suspect comme un déséquilibré et non un terroriste. "Les tireurs de couleur sont appelés 'terroristes' ou 'voyous'. Pourquoi appelle-t-on les tireurs blancs des 'déséquilibrés' ?" s'interroge par exemple une professeure d'université dans le Washington Post (en anglais). Francetv info vous explique en quoi Dylann Roof pourrait bien mériter le qualificatif de terroriste.

Roof avait des motivations idéologiques, et voulait déclencher "une guerre raciale"

Le récit de l'attaque de l'église de Charleston fait par les survivants appuie l'idée que l'acte de Dylan Roof n'était pas spontané, mais prémédité. Le jeune homme s'était joint pendant une heure au groupe d'étude biblique qui se réunissait ce soir-là, avant d'ouvrir le feu. Selon la chaîne Fox, il aurait déclaré à ses victimes être venu pour "tuer des noirs".

Depuis le drame, des proches de Dylann Roof ont également témoigné de propos racistes tenus par le jeune homme. L'un de ses amis a raconté au New York Daily News (en anglais) une discussion avec lui quelques semaines plus tôt : "Il disait qu'il se préparait depuis six mois à faire quelque chose de fou"  et qu'il voulait rétablir la ségrégation raciale. Sur une photo, il apparaissait portant une veste ornée du drapeau de l'Afrique du Sud sous l'apartheid. Aux enquêteurs, Roof aurait avoué sa culpabilité, et confié qu'il comptait déclencher une "guerre raciale" entre les blancs et les noirs, rapporte CNN (en anglais). Des propos qui semblent attester l'idée que son acte ait été guidé par son idéologie raciste.

Les églises noires sont une cible symbolique dans l'histoire du terrorisme contre les noirs américains

Si on ne connaît pas les raisons pour lesquelles Dylann Roof s'est attaqué précisément à cette église de Charleston, ce choix s'inscrit dans une longue histoire d'attaques contre les noirs américains, visant notamment des édifices religieux, rappelle the Atlantic (en anglais). Le site fait notamment le parallèle avec l'attentat perpétré en 1963 dans une église de l'Alabama, dans lequel une bombe posée par les suprémacistes blancs du Ku Kux Klan avait tué quatre fillettes noires, en pleine lutte pour les droits civiques. Un épisode que Barack Obama a rappelé, jeudi, en réagissant au drame. Les enquêteurs tentent d'établir si Roof avait des liens avec les milieux racistes d'extrême-droite.

De plus, explique Slate (en anglais), l'Emanuel African Methodist Episcopal Church de Charleston est un symbole particulièrement fort de la lutte pour les droits des noirs américains : une des plus anciennes églises noires du sud des Etats-Unis, elle a été le point de départ d'une révolte d'esclaves lourdement réprimée en 1822, et a accueilli des leaders comme Martin Luther King. Le pasteur Clementa Pinckney, tué mercredi, était aussi un leader politique, sénateur de l'Etat de Caroline du Sud, qui, la veille, avait rencontré la candidate à la présidence Hillary Clinton.

Juridiquement, cette qualification se tient

C'est, du moins, le point de vue d'un universitaire spécialisé sur la question des lois sur le terrorisme aux Etats-Unis, interrogé par le site Vice News (en anglais), avant l'ouverture de l'enquête. Il explique que, dans la loi américaine, la différence entre un "crime motivé par la haine" et un crime terroriste ne tient qu'à un élément : l'intention, dans ce dernier cas, "d'intimider et d'exercer une contrainte psychologique" sur le groupe visé. En clair, l'intention de terroriser, "qui n'a pas besoin d'être liée à des idées politiques".

Pour l'universitaire, le fait que Dylann Roof ait affirmé à ses victimes vouloir s'en prendre aux noirs de manière générale, en affirmant "vous violez nos femmes et vous envahissez notre pays", devrait être retenu comme indiquant une "intention" terroriste. 

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