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Qui sont les Loups gris, ce mouvement ultranationaliste turc dissous par le gouvernement en Conseil des ministres ?

Le Conseil des ministres a prononcé ce mercredi la dissolution de ce mouvement turc d'extrême droite, nationaliste et xénophobe, après des incidents la semaine dernière.

Article rédigé par franceinfo - David Pauget
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Publié Mis à jour
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Un homme vêtu d'un uniforme d'officier turc fait le signe des Loups gris lors d'une manifestation de soutien à la Turquie voisine, dans la ville syrienne de Bizaa, le 21 décembre 2018. (BAKR ALKASEM / AFP)

Le pouce joint au majeur et à l'annulaire pour former le profil du loup, avec l'index et l'auriculaire dressés en guise d'oreilles. Voici le signe de ralliement de cette milice turque qui a fait parler d'elle ces derniers jours. Les Loups gris sont pointés du doigt après les incidents avec la diaspora arménienne près de Lyon, mercredi 28 octobre, et à Dijon, le lendemain.

Si ce groupuscule n'a pas d'existence officielle en France, il s'agit d'"un groupement de fait particulièrement agressif pour ne pas dire plus", selon le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Sa dissolution a été officialisée en Conseil des ministres, ce mercredi 4 novembre.

Un mouvement d'extrême droite, nationaliste

Ce mouvement turc a été fondé en 1968 par le colonel Alparslan Türkes. Il est à l'origine de la branche paramilitaire du MHP, parti ultranationaliste turc, aujourd'hui allié de la politique du président turc Recep Tayyip Erdogan. 

"C’est un mouvement d'extrême droite turc de type fascisant, basé sur des éléments nationalistes, ethniques. L'islam est important mais plus dans une veine identitaire et nationaliste : on est turc donc musulman", précise auprès de franceinfo Jean Marcou, titulaire de la chaire Méditerranée et Moyen-Orient à Sciences Po Grenoble.

"Là où on les voit sortir, c'est quand on est en présence de questions très nationalistes ou identitaires. Par exemple, dernièrement avec les manifestations arméniennes. Ce sont des personnes très mobilisées sur ces thématiques", ajoute le spécialiste. A la suite de leurs dernières mobilisations, le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) avait dénoncé une "chasse aux Arméniens" et une "série d'événements visant à terroriser et intimider les citoyens français d'origine arménienne".

Un groupe habitué aux actions violentes

Leurs méthodes ne datent pas d'hier. Les Loups gris ont commencé à faire parler d'eux dès les années 1980, quand ils ont mené des actions violentes contre des militants de gauche et des minorités. L'un de leurs membres a notamment tenté d’assassiner le pape Jean-Paul II, en 1981. 

De nos jours, les Loups gris mènent régulièrement des campagnes d'intimidation. Ils ont aussi été soupçonnés d'être liés à l'assassinat de trois militantes kurdes à Paris, en 2013. Ils sont par ailleurs réputés proches de milieux mafieux.

"C'est une formation déjà impliquée dans de nombreuses attaques, attentats. Mais ce n'est pas du tout un mouvement clandestin. Les Loups gris, qui ont une ramification en France, ont bien une existence légale en Turquie", souligne cependant Jean Marcou.

Un mouvement galvanisé par la politique actuelle d'Erdogan 

La dissolution du mouvement se produit dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Ankara, en raison notamment de désaccords sur la Syrie, la Libye et la Méditerranée orientale. S'y ajoutent aussi l'appel au boycott de produits français du président turc et ses attaques contre Emmanuel Macron pour avoir défendu le droit de publier les caricatures de Mahomet.

"La politique actuelle d'Erdogan, assez offensive et nationaliste, en Méditerranée orientale, en Libye, au Moyen-Orient, dans le Caucase, est plutôt une politique qui plaît aux Loups gris. Elle est susceptible de les galvaniser, tout comme les propos du président turc envers Emmanuel Macron", estime Jean Marcou.

Une absence d'existence légale en France

En France, les Loups gris sont considérés comme un "groupement de fait", car ils n'ont pas d'existence légale officielle. Ce qui interroge sur la décision du gouvernement de dissoudre le mouvement. Dans quel but ? Pour la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, cette dissolution n'est rien d'autre qu'"un coup de com'", comme elle l'a déclaré sur Twitter.

"Ils n'ont pas le statut d'association, mais il y a plusieurs personnes qui se réunissent régulièrement, qui ont des contacts entre eux, et qui agissent comme s'ils étaient un groupement organisé", a expliqué le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, sur RTL. Cette dissolution de groupement de fait, comme celle du collectif Cheikh Yassine fin octobre, permettra donc de verbaliser les futurs rassemblements au nom des Loups gris.

De même, si le mouvement voulait un jour se structurer en association, cela deviendrait un délit. Selon la loi, la peine encourue est de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. 

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