Le pouce joint au majeur et à l'annulaire pour former le profil du loup, avec l'index et l'auriculaire dressés en guise d'oreilles. Voici le signe de ralliement de cette milice turque qui a fait parler d'elle ces derniers jours. Les Loups gris sont pointés du doigt après les incidents avec la diaspora arménienne près de Lyon, mercredi 28 octobre, et à Dijon, le lendemain.Si ce groupuscule n'a pas d'existence officielle en France, il s'agit d'"un groupement de fait particulièrement agressif pour ne pas dire plus", selon le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Sa dissolution a été officialisée en Conseil des ministres, ce mercredi 4 novembre.Le mouvement des « Loups gris » a été dissous en conseil des ministres, conformément aux instructions du Président de la République. Comme le détaille le décret que j’ai présenté, il incite à la discrimination et à la haine et est impliqué dans des actions violentes. A lire pic.twitter.com/b3qL7REDPo— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) November 4, 2020Un mouvement d'extrême droite, nationalisteCe mouvement turc a été fondé en 1968 par le colonel Alparslan Türkes. Il est à l'origine de la branche paramilitaire du MHP, parti ultranationaliste turc, aujourd'hui allié de la politique du président turc Recep Tayyip Erdogan. "C’est un mouvement d'extrême droite turc de type fascisant, basé sur des éléments nationalistes, ethniques. L'islam est important mais plus dans une veine identitaire et nationaliste : on est turc donc musulman", précise auprès de franceinfo Jean Marcou, titulaire de la chaire Méditerranée et Moyen-Orient à Sciences Po Grenoble."Là où on les voit sortir, c'est quand on est en présence de questions très nationalistes ou identitaires. Par exemple, dernièrement avec les manifestations arméniennes. Ce sont des personnes très mobilisées sur ces thématiques", ajoute le spécialiste. A la suite de leurs dernières mobilisations, le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) avait dénoncé une "chasse aux Arméniens" et une "série d'événements visant à terroriser et intimider les citoyens français d'origine arménienne".Vive indignation à la suite de la « chasse aux Arméniens » par les Loups Gris hier soir.Le CCAF appelle les pouvoirs publics à interdire toutes les structures associatives inféodées aux autorités criminelles turques sur le territoire français. 1/2 pic.twitter.com/fy8ajbY8wm— CCAF France (@ccaf_france) October 29, 2020Un groupe habitué aux actions violentesLeurs méthodes ne datent pas d'hier. Les Loups gris ont commencé à faire parler d'eux dès les années 1980, quand ils ont mené des actions violentes contre des militants de gauche et des minorités. L'un de leurs membres a notamment tenté d’assassiner le pape Jean-Paul II, en 1981. De nos jours, les Loups gris mènent régulièrement des campagnes d'intimidation. Ils ont aussi été soupçonnés d'être liés à l'assassinat de trois militantes kurdes à Paris, en 2013. Ils sont par ailleurs réputés proches de milieux mafieux."C'est une formation déjà impliquée dans de nombreuses attaques, attentats. Mais ce n'est pas du tout un mouvement clandestin. Les Loups gris, qui ont une ramification en France, ont bien une existence légale en Turquie", souligne cependant Jean Marcou.Un mouvement galvanisé par la politique actuelle d'Erdogan La dissolution du mouvement se produit dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Ankara, en raison notamment de désaccords sur la Syrie, la Libye et la Méditerranée orientale. S'y ajoutent aussi l'appel au boycott de produits français du président turc et ses attaques contre Emmanuel Macron pour avoir défendu le droit de publier les caricatures de Mahomet."La politique actuelle d'Erdogan, assez offensive et nationaliste, en Méditerranée orientale, en Libye, au Moyen-Orient, dans le Caucase, est plutôt une politique qui plaît aux Loups gris. Elle est susceptible de les galvaniser, tout comme les propos du président turc envers Emmanuel Macron", estime Jean Marcou.Une absence d'existence légale en FranceEn France, les Loups gris sont considérés comme un "groupement de fait", car ils n'ont pas d'existence légale officielle. Ce qui interroge sur la décision du gouvernement de dissoudre le mouvement. Dans quel but ? Pour la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, cette dissolution n'est rien d'autre qu'"un coup de com'", comme elle l'a déclaré sur Twitter.En annonçant la dissolution des « #LoupsGris », @GDarmanin fait un nouveau coup de com' (le mouvement n’est pas structuré en France), mais ne s’attaque pas au vrai problème : l’association pro-califat #MillîGörüş, qui gère 71 mosquées et 10 écoles « turques ». MLP— Marine Le Pen (@MLP_officiel) November 2, 2020"Ils n'ont pas le statut d'association, mais il y a plusieurs personnes qui se réunissent régulièrement, qui ont des contacts entre eux, et qui agissent comme s'ils étaient un groupement organisé", a expliqué le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, sur RTL. Cette dissolution de groupement de fait, comme celle du collectif Cheikh Yassine fin octobre, permettra donc de verbaliser les futurs rassemblements au nom des Loups gris.De même, si le mouvement voulait un jour se structurer en association, cela deviendrait un délit. Selon la loi, la peine encourue est de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.