Présidentielle en Turquie : "Ces résultats montrent que les démocraties illibérales ont des moyens pour rester au pouvoir", selon un spécialiste des relations internationales
Recep Tayyip Erdogan a été réélu président de la Turquie avec 52,2%, signe selon le géopolitologue Dominique Moïsi que la diffusion massive de sa propagande dans les médias a payé, face à un adversaire moins charismatique.
"Ces résultats montrent que les démocraties illibérales ont des moyens pour rester au pouvoir", réagit lundi 29 mai sur franceinfo Dominique Moïsi, géopolitologue, conseiller spécial à l'Institut Montaigne et spécialiste des relations internationales, au lendemain de la réélection du président Recep Tayyip Erdogan, le président sortant qui a obtenu 52,2 % des voix selon un décompte quasi définitif.
Mais pour la première fois, la réélection du chef de l'Etat s'est faite au second tour, l'opposition étant parvenu à le contraindre à un ballottage, ce qui illustre une "société profondément divisée", selon le spécialiste. Pour Dominique Moïsi, "il y a chez Erdogan une volonté de se placer dans l'héritage de l'Empire ottoman".
franceinfo : Quelle est votre première réaction après cette réélection du président Recep Tayyip Erdogan ?
Dominique Moïsi : En Turquie, on a une société profondément divisée. Ces résultats montrent que les démocraties illlibérales ont des moyens pour rester au pouvoir. La capacité de propagande du régime en place a été infiniment supérieure à celle de cet opposant. On a déjà vu cela dans la Hongrie de Viktor Orban. Il se succède, lui aussi, à lui-même en monopolisant la presse et plus globalement les médias en sa faveur.
Est-ce que ça traduit aussi un président qui a su mettre la Turquie au centre du jeu ?
En fait, la force d'Erdogan, surtout par rapport à son opposant, a été de dire, sur le plan international : "La Turquie, c'est moi". Sa position est de dire : je suis indépendant pratiquement de tous, je ne dis pas si je suis membre de l'Otan, je ne dépends pas de l'Alliance américaine, je choisis quelles armes j'achète. Il y a toujours chez Erdogan une sorte de rêve néo-ottoman, c'est-à-dire qu'il considère être le descendant des grands sultans de l'Empire ottoman. Quand vous regardez les séries télévisées, ils mettent par exemple l'accent sur la grandeur de Mehmed II, l'homme qui a réussi à prendre Constantinople en 1453. Il y a vraiment cette volonté de se placer dans l'héritage de l'Empire ottoman.
Au niveau international, cette forme de stabilité de la Turquie est-elle une bonne nouvelle ?
Oui, d'autant plus que le candidat de l'opposition n'était pas charismatique et n'avait pas de connaissance des dossiers internationaux. Mais pour les démocraties occidentales, la victoire d'Erdogan n'était pas le résultat attendu. Elles espéraient qu'un homme plus ouvert à l'Europe, plus fidèle dans ses alliances, succède à Erdogan. Ça n'a pas été le cas. Il faut vivre avec ce que l'on a.
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