Visites domiciliaires, fermetures de lieux de culte, recours aux algorithmes... Que prévoit le projet de loi antiterroriste ?
Outre la fermeture administrative de lieux de culte accusés d'être liés à des faits de nature terroriste, ce projet de loi offre notamment la possibilité de fermer des locaux dépendants de ces établissements.
Le texte était dans les tuyaux avant l'attaque de Rambouillet survenue vendredi, mais tombe à point nommé pour le gouvernement. Le Premier ministre Jean Castex, entouré des ministres de l'Intérieur et de la Justice, a dévoilé mercredi 28 avril les contours du projet de loi sur le renseignement et la lutte antiterroriste. Fort de 19 articles, le texte examiné dans la matinée en Conseil des ministres vise principalement à "actualiser", voire à renforcer, plusieurs dispositions de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) d'octobre 2017.
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"Visites domiciliaires" facilitées, suivi des terroristes sortant de prison, surveillance par algorithme pérennisée... Franceinfo vous présente les principaux points de ce projet de loi "qui doit permettre de s'adapter aux nouvelles menaces moins faciles à détecter et prendre appui sur les nouveaux outils liés aux nouvelles technologies", selon Jean Castex.
Faire face à une menace "endogène"
"Nous sommes passés d'une menace exogène à une menace endogène, plus difficile à suivre", a concédé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. "Les neuf derniers attentats ont été commis par des gens pas inscrits au fichier FSPRT [Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste]", a-t-il expliqué, précisant que depuis novembre 2015, "aucun attentat n'a été commis par des personnes qui revenaient du théâtre irako-syrien".
Le Premier ministre a de son côté rappelé que l'attaque de Rambouillet survenue vendredi, l'assassinat de Samuel Paty en octobre, et l'attentat à la basilique de Nice (Alpes-Maritimes) en novembre "ont été le fait d'individus isolés, de plus en plus jeunes, le plus souvent inconnus des services de renseignement". Le chef du gouvernement a par ailleurs déclaré que le projet de loi n'était "pas un texte de circonstance", en réaction à l'attentat de Rambouillet, mais "le fruit d'un travail commencé bien avant".
Faciliter les perquisitions administratives
Les "visites domiciliaires", autrefois appelées "perquisitions administratives", permettent aux services de police, après autorisation d'un juge judiciaire, de pénétrer dans le logement d'une personne soupçonnée de présenter une menace terroriste.
Jusqu'alors, cette menace devait être d'une "particulière gravité", selon les termes de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) d'octobre 2017. Le projet de loi propose que ces visites soient autorisées pour des "menaces graves", une formulation plus nuancée pour faciliter le recours à cette mesure.
Suivre les terroristes à leur sortie de prison
Le projet de loi prévoit également que les détenus condamnés pour terrorisme à des peines d'au moins cinq ans de prison ou "en cas de récidive à trois ans d'emprisonnement" puissent faire l'objet de mesures de suivi à leur sortie de prison, selon le ministre de la Justice.
Ces mesures seront prises "pour une durée d'un an, cinq fois renouvelable" et permettent au juge d'application des peines "d'imposer une prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique", a précisé Eric Dupond-Moretti. "Soyons clairs, si ces mesures ne sont pas respectées, c'est le retour en prison", a assuré le garde des Sceaux.
"Un peu moins d'une centaine de détenus qui ont été condamnés et qui vont sortir" de prison seront concernés, avait précisé plus tôt dans la matinée le ministre sur France 2. Cette disposition vient répondre à la censure, en août 2020 par le Conseil constitutionnel, d'une proposition de loi LREM qui visait déjà à instaurer des mesures postérieures à la sortie de prison.
Fermer des lieux de culte et leurs annexes
Outre la fermeture administrative de lieux de culte accusés d'être liés à des faits de nature terroriste, comme la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis) après la décapitation de Samuel Paty, le projet de loi offre la possibilité de fermer des locaux dépendants de ces établissements. Objectif : "éviter que ces lieux soient utilisés par les associations gestionnaires du lieu de culte dans le but de faire échec à sa fermeture", explique-t-on au ministère de l'Intérieur.
Interdire de rassemblement les personnes surveillées
Le projet de loi proposera aussi d'interdire à une personne sous surveillance administrative et tenue de résider dans un périmètre géographique déterminé de paraître au sein de ce périmètre dans un lieu "dans lequel se tient un événement soumis, par son ampleur ou sa nature, à un risque terroriste particulier", rapporte-t-on place Beauvau.
Pérenniser le recours aux algorithmes
"Il s'agit de suivre les nouvelles technologies telles qu'elles sont désormais utilisées par les terroristes, qui utilisent de moins en moins les lignes normales et les SMS", a déclaré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Le texte propose donc de pérenniser la technique controversée de l'algorithme, introduite à titre expérimental dans la loi renseignement de 2015 et qui permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces.
Laurent Nuñez, ancien patron de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a souligné samedi "l'importance de cette technique avec des individus de plus en plus isolés dont les seules traces sont les traces numériques", à l'instar de l'auteur de l'attaque terroriste de Rambouillet.
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Faciliter l'accès aux données personnelles
Le texte élargit la possibilité d'obtenir le concours des opérateurs de communications électroniques et porte à deux mois la durée d'autorisation de la technique de recueil de données informatiques. Il autorise aussi la conservation de renseignements à des fins de recherche et facilite l'interception des correspondances échangées par voie satellitaire.
"Le gouvernement envisage de compléter dans les prochains jours ces dispositions", a expliqué à l'AFP le ministère de l'Intérieur, pour les rendre conformes à la décision du Conseil d'Etat du 21 avril, qui a estimé "illégale la conservation des données pour les besoins autres que ceux de la sécurité nationale", excluant la délinquance du quotidien.
Ne pas "confondre" avec la politique migratoire
"Certains auteurs de faits terroristes étaient arrivés depuis peu sur notre territoire, parfois en situation irrégulière", a reconnu Jean Castex. Et le chef du gouvernement de poursuivre : "Mais le sujet qui est le nôtre aujourd'hui, c'est comment améliorer notre politique de lutte contre le terrorisme. Il ne faut pas la confondre avec la politique migratoire. Confondre les deux atténueraient l'une et l'autre."
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