Russie : avec Alexeï Navalny, l’opposition "ne cesse de monter" et "la peur est en train de changer de camp", selon une chercheuse
Selon Marie Mendras, la condamnation d'Alexeï Navalny est "tellement arbitraire et grotesque" que "cela va augmenter la détermination de la société engagée" et "la pression de tous les gouvernements occidentaux" sur Moscou.
Alexeï Navalny, le principal opposant à Vladimir Poutine, a été condamné mardi soir à une peine de prison ferme pour avoir violé son contrôle judiciaire, alors qu’il était en convalescence en Allemagne. Des manifestations ont eu lieu et plus d’un millier de personnes ont été arrêtées. Le signe que "le Kremlin a très peur de Navalny" et que "la peur est en train de changer de camp", interprète Marie Mendras, chercheuse au CNRS et professeure à Sciences Po.
franceinfo : Que va-t-il se passer après la condamnation d’Alexeï Navalny, et l’arrestation de ses partisans ? Ces manifestations peuvent-elles déstabiliser le Kremlin ?
Marie Mendras : Absolument. Il est clair que le Kremlin a très peur de Navalny, de ses équipes partout en Russie et de ses millions de supporters. Pas seulement les milliers dans les rues, mais les millions de personnes sur son blog, les réseaux sociaux, sa télévision… C’est tellement arbitraire et grotesque comme décision que personne ne prend au sérieux cette parodie de justice. Cela va augmenter la détermination de la société engagée, et, on le voit bien, augmenter la pression de tous les gouvernements occidentaux.
Est-ce-que Moscou peut utiliser la carte du "Eux contre Nous" après cette indignation occidentale ?
Oui, mais pour le dire à qui ? Je crois que c’est ça qui est en train de changer en Russie depuis plusieurs années. La majorité des Russes n’a plus du tout confiance dans la propagande officielle, et ne pense plus que Poutine soit leur sauveur.
"Il y a de moins en moins de respect pour Poutine, et de plus en plus de colère contre un mauvais gouvernement."
Marie Mendras, chercheuse au CNRSà franceinfo
Il n’a pas su gérer la pandémie, il ne sait pas redresser l’économie et laisse une grande partie des Russes de plus en plus démunis matériellement. Et, sur ce fond de déclin et d’arbitraire, l’opposition démocratique, dont Navalny est le principal leader et la grande voix, ne cesse de monter.
Et sa voix va continuer de porter depuis la prison ?
Oui absolument. Parce que Navalny a une très solide équipe à Moscou. On les arrête, on les perquisitionne, mais on les relâche aussi. Et il a des équipes dans plus d’une cinquantaine de provinces de Russie. De plus en plus de journalistes, d’hommes politiques, d’élites professionnelles sont derrière lui. Parce que Navalny demande et exige une chose toute simple : la fin de l’arbitraire et la tenue d’élections libres, pluralistes et honnêtes, pour permettre aux Russes d’avoir une alternance au pouvoir.
Son objectif est de remobiliser l’électorat avant les législatives de septembre ?
C’est pour ça que le Kremlin a paniqué. Il est maintenant dans une sorte de répression totalement disproportionnée pour faire peur aux gens. Mais je ne crois pas qu’il réussisse. Je crois que la peur est en train de changer de camp. Tous ces manifestants mardi soir, 1 400 à travers la Russie, on ne les fait pas taire. Au contraire, ces manifestants, parce qu’ils sont arrêtés, se font entendre. Et c’est leur arrestation qui fait que toutes les capitales occidentales réagissent.
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