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Démission de Boris Johnson : "C'est la fin pour lui, mais c'est le début d'une période d'incertitude pour le Royaume-Uni"

Après une soixantaine de départs au sein de son gouvernement en quelques jours, Boris Johnson a annoncé qu'il allait quitter la tête du parti conservateur et donc sa fonction de Premier ministre d'ici à l'automne.

Article rédigé par Eloïse Bartoli - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Premier ministre britannique Boris Johnson fait une déclaration à l'extérieur du 10 Downing Street annonçant sa démission en tant que chef du Parti conservateur à Londres, Royaume-Uni le 07 juillet 2022. (VUDI XHYMSHITI / ANADOLU AGENCY / AFP)

Il a fini par céder. Embourbé dans plusieurs affaires et désavoué par les membres de son parti, le Premier ministre Boris Johnson a annoncé, jeudi 7 juillet, sa démission comme chef du parti conservateur, ouvrant la voie à la nomination d'un nouveau chef de gouvernement au Royaume-Uni. Une décision majeure pour le pays, mais pas inédite, explique Clémence Fourton, maîtresse de conférence en étude anglophone à Science Po Lille, autrice du livre Le Royaume-Uni, un pays en crises ? (éd. Le Cavalier bleu). Elle analyse pour franceinfo les conséquences de cette décision.

Franceinfo : La démission de Boris Johnson est-elle une surprise ?

Clémence Fourton : C'est un événement majeur de la vie politique au Royaume-Uni mais qui était attendu. C'était devenu inévitable. Boris Johnson a repoussé cette décision autant que possible, mais il a fini par céder sous la pression constitutionnelle après avoir perdu le soutien du gouvernement et de ses députés.

"La Constitution du Royaume-Uni, qui n'est pas écrite mais où tout se fait par habitude, prévoit que le Premier ministre doit démissionner quand il n'a plus la confiance de son gouvernement."

Clémence Fourton, spécialiste du Royaume-Uni

à franceinfo

Je distingue donc la pression constitutionnelle de la pression politique. Cela fait plus de six mois qu'il est fragilisé avec une pression politique liée au "Partygate", cette affaire des fêtes à Downing Street durant la crise sanitaire, mais il n'avait alors pas démissionné pour autant.

C'est l'accumulation et l'accélération des démissions dans son gouvernement durant les dernières 48 heures qui ont poussé Boris Johnson à la démission. S'il ne l'avait pas fait après l'expression de cette défiance, on serait rentré dans une crise institutionnelle.

Peut-on parler d'une décision historique ? 

Ce n'est pas la première fois qu'un Premier ministre démissionne dans l'histoire récente du Royaume-Uni. Margaret Tatcher (1990), David Cameron (2016) et Theresa May (2019) ont également démissionné. Mais il s'agissait alors d'une question de divergence politique : David Cameron, défenseur du "Remain", a démissionné au lendemain du vote favorable au Brexit et Theresa May parce qu'elle n'arrivait pas à mener à bien le Brexit. C'est toute la différence avec Boris Johnson, pour qui les critiques sont formulées autour de sa personne.

"Sa chute est liée d'abord à ce qu'il est plus qu'à tout autre différend politique, même si les questions de personnalité ne sont jamais totalement indissociables de l'action politique."

Clémence Fourton, spécialiste du Royaume-Uni

à franceinfo

Que va-t-il se passer au Royaume-Uni dans les prochains jours ? 

Une dizaine de personnes issues du parti conservateur commencent à se déclarer candidats pour le remplacer. Les députés conservateurs vont en sélectionner deux. Ensuite, il faut qu'il y ait des élections en interne pour choisir le nouveau chef du parti parmi les finalistes. C'est le gagnant qui deviendra Premier ministre.

La question qui se pose maintenant est celle de l'intérim. Boris Johnson a annoncé vouloir l'assurer lui-même jusqu'à la nomination du nouveau Premier ministre. Il n'a pas l'air de vouloir quitter le pouvoir. Pourtant, des pressions en interne le pousse à partir dès à présent, à l'instar de l'ancien Premier ministre John Major.

Boris Johnson soutient quant à lui qu'il est élu et donc qu'il ne risque pas d'être illégitime pour gouverner en attendant l'élection, mais il peut encore craquer sous la pression dans les prochains jours.

Connaît-on les favoris pour le remplacer ? 

Il n'y a personne qui se distingue particulièrement pour cette succession. Ben Wallace, le ministre de la Défense, est assez populaire. Il y a aussi le ministre des Finances actuel, Nadhim Zahawi, et son prédécesseur, Rishi Sunak, qui a démissionné il y a quelques jours, ou encore Liz Truss, la ministre des Affaires étrangères.

"Ce qui est certain, c'est qu'il va y avoir une lutte assez violente chez les conservateurs."

Clémence Fourton, spécialiste du Royaume-Uni

à franceinfo

Tout doit se décider au plus tard en octobre au moment du Congrès des conservateurs, mais rien n'empêche que le choix soit fait avant. Une solution de compromis serait que l'élection se déroule cet été, courant août par exemple, et que le Premier ministre assure l'intérim jusque-là. Ce qui est certain, c'est que c'est la fin pour Boris Johnson, mais ce n'est que le début d'une période d'incertitude pour le Royaume-Uni.

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