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L’article à lire pour comprendre la situation au Yémen

Article rédigé par Valentin Graff
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Les houthis répliquent aux bombardements de la coalition saoudienne à Sanaa (Yémen), le 30 mars 2015. (SINAN YITER / ANADOLU AGENCY)

Un président en fuite, des rebelles qui contrôlent la capitale, une intervention de l'Arabie saoudite : le Yémen est mal en point. Francetv info vous aide à comprendre ce qu'il se passe dans ce pays situé dans le sud de la péninsule arabique.

Le Yémen s'enfonce dans la guerre. L’Arabie saoudite intervient militairement chez son voisin méridional depuis le 26 mars au sein d'une coalition rassemblant huit pays arabes (Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan), en plus du Pakistan. Et le royaume saoudien n'y va pas de main morte : à lui seul, il a déployé jusqu’à 150 000 hommes et 100 avions de combats. Une démonstration de force qui a d'ores et déjà fait au moins 40 victimes collatérales lors du bombardement d'un camp de réfugiés, au cinquième jour de cette intervention militaire.

Contactée par francetv info, la responsable de Médecins sans frontières (MSF) pour le Moyen-Orient Dounia Dekhili décrit "une explosion de la violence". Des centaines de blessés ont déjà passé la porte de l'hôpital tenu par MSF à Aden, dans le sud du pays. Alors que se passe-t-il au Yémen ? On ne va pas vous mentir : ça n'a rien de simple. Voici les clés pour tout comprendre.

Le Yémen, c’est quoi ?

Le Yémen est un pays majoritairement musulman et sunnite situé au sud de la péninsule arabique, elle-même coincée entre l’Asie et l’Afrique. Il partage ses frontières avec l’Arabie saoudite au nord et avec le sultanat d’Oman à l’est. La superficie de son territoire est légèrement inférieure à celle de la France métropolitaine (528 000 km2 contre 552 000 km2), pour 26 millions d’habitants. Le pays donne sur la mer Rouge et sur le golfe d’Aden. Entre les deux, le détroit de Bab El-Mandeb, vital pour l'approvisionnement en hydrocarbures des Etats-Unis, de l’Europe et de l’Asie, avec entre trois et quatre millions de barils qui y transitent tous les jours.

Carte du Moyen-Orient avec le Yémen représenté en rouge. (IEF / WIKIMEDIA COMMONS)

Il n'y avait pas eu un truc là-bas au moment du "printemps arabe" ?

En février 2011, le Yémen emprunte le même chemin que la Tunisie, qui vient d'éjecter Ben Ali du pouvoir. Cette fois, c'est le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978, dont l'autorité est contestée, d'abord par la jeunesse yéménite puis par les opposants politiques. Suivant l'exemple des manifestants égyptiens, les étudiants s’installent sur plusieurs places de Sanaa, la capitale, puis dans le reste du pays. Ali Abdallah Saleh quitte finalement le pouvoir six mois plus tard, début 2012, cédant la place à son vice-président Abd Rabo Mansour Hadi, comme le prévoit un accord signé en novembre.

Des élections sont ensuite organisées et Hadi est élu président au suffrage universel direct en recueillant 99,8% des voix. Un score qui s'explique simplement : il était le seul candidat, soutenu par les monarchies du Golfe. Il met en place un gouvernement d'union nationale, qui regroupe les partisans de l'ancien président et le principal parti d'opposition, Al-Islah, proche des Frères musulmans. Le Yémen semble alors sortir de la crise politique.

Pourquoi le pays est-il à feu et à sang en ce moment ?

Le nouveau président lance, en 2013, un processus de dialogue national afin d'élaborer une nouvelle constitution et de préparer des élections pour 2014. Les discussions aboutissent notamment à la proposition de faire du Yémen un Etat fédéral, afin de satisfaire les revendications des habitants du sud du pays, qui s’estiment négligés.

Mais le projet envisage d’accorder aux zaydites, une communauté chiite dont sont issus les rebelles houthis, un territoire sans accès à la mer. Cela, ajouté à l’apparente incapacité du gouvernement à résoudre les problèmes économiques et sociaux du pays, conduit les houthis à prendre les armes. Ils s’emparent de Sanaa en septembre 2014, sans grande résistance.

Forcé de collaborer dans un premier temps, le président Hadi finit par fuir la capitale, le 21 février. Il se réfugie à Aden, ville portuaire cruciale pour le trafic maritime, que les houthis entreprennent alors d'assiéger.

Le président légitime du Yémen, Abd Rabo Mansour Hadi, lors d'une conférence de presse à Aden, le 21 mars 2015. (POOL/YEMENI PRESIDENCY PRESS OFF / ANADOLU AGENCY)

Mais c'est qui ces houthis ?

Ce sont les représentants d’un mouvement rebelle opposé au gouvernement central du Yémen depuis plus de dix ans. Ils tirent leur nom de leur leader historique, le prédicateur Hussein Badreddin Al-Houthi, qui contestait à la fois la coopération du Yémen avec les Etats-Unis de George W. Bush et la situation socio-économique de sa minorité. Les houthis appartiennent, en effet, à la communauté des zaydites (ou zaïdites), issue du chiisme, qui représente un tiers de la population du payset qui a dominé le Yémen pendant plus d’un millénaire, jusqu’en 1962.

Attendez, c'est quoi déjà le chiisme ?

Le chiisme et le sunnisme sont les deux principales composantes de l’islam. A l’origine, les chiites souhaitaient que le successeur de Mahomet soit l’un de ses descendants, tandis que les sunnites, qui ont historiquement pris le dessus, ont désigné un compagnon du Prophète comme premier calife, c'est-à-dire détenteur du pouvoir temporel et spirituel sur un territoire appelé le califat.

Aujourd’hui, les sunnites, dans la continuité de la tradition califale, acceptent une frontière poreuse entre le pouvoir temporel et spirituel, à l'image du roi d'Arabie saoudite, considéré comme le "gardien des deux saintes mosquées" de la Mecque et de Médine, ou de celui du Maroc, également commandeur des croyants. Les chiites, au contraire, prônent une séparation nette.

Pourquoi l'Arabie saoudite s'en mêle ?

C'est dans ce contexte que la coalition conduite par l’Arabie saoudite a déclenché une intervention au Yémen. Elle bombarde les positions houthies et devrait également se positionner au sol afin de venir en aide aux forces qui sont restées fidèles au président légitime.

Les sunnites représentent l'immense majorité des musulmans (85%), mais au cœur du Moyen-Orient se trouve ce que le roi Abdallah de Jordanie appelait, en 2004, le "croissant chiite", une zone où cette communauté est démographiquement ou politiquement dominante : l'Iran, l'Irak et le Bahreïn sont majoritairement chiites, tandis que la Syrie est dirigée par une secte chiite minoritaire, les alaouites, et que les chiites forment la plus grosse communauté confessionnelle libanaise.

Des décombres d'installations militaires houthies détruites lors d'une opération militaire saoudienne, à Hodeidah (Yémen), photographiées le 27 mars 2015. (ABDU MUHAMMED YAHYA HAYDAR / ANADOLU AGENCY)

Entre l'Arabie saoudite, royaume à majorité sunnite qui ambitionne d'être le chef de file des Etats arabes, et l'Iran qui exerce un certain leadership sur le croissant chiite, existe une rivalité historique. Elle s'exprime actuellement au Yémen Riyad considère que les rebelles houthis reçoivent le soutien de Téhéran, ce que l'Iran dément.

Or l'Arabie saoudite se trouve être alliée, bon gré mal gré, à l'Iran dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI). Une coopération mal perçue par les Saoudiens. Son intervention au Yémen lui permet donc de se distancier de l'Iran, selon François Burgat, l'ancien directeur de l'Institut français du Proche-Orient et directeur de recherche au CNRS. "En combattant ces adversaires chiites, l'Arabie saoudite tente de faire oublier son alliance coupable avec l'Iran en Irak et en Syrie." Un affrontement interposé digne de la guerre froide.

Pourquoi l’armée yéménite ne réagit pas ?

Si certains soldats tentent de défendre Aden, la majorité des troupes a passivement assisté au coup de force des houthis à Sanaa. Un rapport destiné au Conseil de sécurité de l’ONU, publié le 20 février, et de nombreux experts, mettent en cause Ali Abdallah Saleh.

L'ancien président aurait apporté son soutien aux houthis pour prendre sa revanche sur ceux qui l’ont éjecté du pouvoir, en premier lieu le parti Al-Islah, et créer les conditions d'un éventuel retour en tant qu'homme providentiel. "Il y a bien des indications selon lesquelles Ali Abdullah Saleh s’est allié aux houthis pour détruire la base de pouvoir et les biens de ses ennemis, en particulier le parti Al-Islah", indiquent les auteurs du rapport de l'ONU.

"Saleh a gardé un réseau très important et possède encore un trésor de guerre qui se compte en milliards de dollars, assure François Burgat. Grâce aux houthis, il a pu contribuer à saper l’assise tribale d’Al-Islah. Il a donc œuvré à écarter du pouvoir une coalition dont il faisait toujours partie."

Profitant qu'une partie de l’armée soit restée fidèle à Saleh, les houthis ont pu progresser sans réelle opposition en direction d’Aden. Des forces restées loyales au président Hadi ont toutefois commencé à répliquer. Elles tentent notamment de conserver le contrôle de l’aéroport de la ville depuis jeudi.

Mais au fait, il n'y avait pas des terroristes au Yémen ?

Le pays est, en effet, le refuge d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Ce groupe terroriste sunnite, considéré par les services de renseignement occidentaux comme l'un des plus dangereux au monde, est installé au nord du Yémen, dans les zones rouges de la carte ci-dessous. Il a juré de lutter contre les rebelles chiites.

En vert, les zones contrôlées par les houthis et en rouge, celles contrôlées par le groupe terroriste Aqpa. (0ALI1 / WIKIMEDIA COMMONS)

Ce groupe terroriste a aussi effectué des d'attentats à l'étranger. Les Etats-Unis et l'Arabie saoudite sont ses cibles privilégiées, mais, plus récemment, c'est la France qui a été dans son viseur. Après la tuerie de Charlie Hebdo, les frères Kouachi ont affirmé leurs liens avec la branche yéménite d'Al-Qaïda. Un responsable d'Aqpa a, par la suite, confirmé : "C'est nous qui avons choisi la cible, financé l'opération et recruté son chef."

J’ai eu la flemme de tout lire, vous pouvez me faire un résumé ;) ?

Cela fait plus de dix ans que des rebelles chiites, les houthis, combattent le gouvernement central sunnite du Yémen pour des questions à la fois religieuses, économiques et sociales.

Avec le "printemps arabe", le Yémen a entamé une transition démocratique à la fin 2011. L'ancien président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis plus de trente ans, est parti début 2012 en jurant de revenir et un gouvernement d'union nationale a vu le jour. Mais, mécontents de la situation économique et irrités par la perspective de faire du Yémen un Etat fédéral, les houthis se sont emparés de la capitale.

L'actuel président, Abd Rabo Mansour Hadi, est réfugié en Arabie saoudite et dénonce un coup d'Etat. Dans le même temps, son pays hôte, à la tête d'une coalition de dix pays, bombarde les forces houthis qui tentent de prendre la ville portuaire stratégique d'Aden.

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