Attaques des houthis en mer Rouge : pourquoi les pays européens sont-ils réticents à rejoindre les Etats-Unis dans leur coalition ?

Le ministère des Armées français a rappelé, dans un communiqué publié le 19 décembre, que ses navires resteraient sous commandement français.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un destroyer américain et une frégate égyptienne lors d'un exercice commun en mer Rouge, le 7 février 2022. (THEOPLIS STEWART II / UNITED STATES NAVAL FORCES CENTRAL COMMAND / U.S 5TH FLEET / AFP)

L'opération Prosperity Guardian créée sous la houlette des Etats-Unis pour combattre les houthis en mer Rouge monte en puissance. Le commandement militaire américain au Moyen-Orient a annoncé sur le réseau social X, mardi 26 décembre, avoir "abattu 12 drones d'attaque, trois missiles balistiques anti-navires et deux missiles de croisière" tirés par les rebelles yéménites.

Ces dernières semaines, les rebelles yéménites, proches de l'Iran, ont multiplié les attaques près du détroit de Bab al-Mandeb, menaçant de paralyser le transit maritime dans cette zone stratégique. En attaquant les cargos en mer Rouge, les rebelles yéménites disent vouloir manifester leur soutien au Hamas dans la guerre qui l'oppose à l'armée israélienne dans la bande de Gaza.

La coalition, initiée par Washington, a pour objectif de"garantir la liberté de navigation pour tous les pays", précise le secrétaire d'Etat américain à la Défense, Lloyd Austin, dans un communiqué, publié le 18 décembre. Outre les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, Bahreïn, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne, et les Seychelles devaient prendre part à cette force militaire. Ces attaques répétées contre des cargos dans cette région, carrefour du transport du maritime, inquiètent les puissances européennes. Pour Emmanuel Macron, "la menace des houthis sur la liberté de navigation est intolérable", a-t-il précisé, le 21 décembre, devant des militaires déployés en Jordanie. Le chef de l'Etat a également salué le "rôle essentiel" de la marine nationale ces derniers jours pour la contrer. 

Paris et Rome déjà engagés dans d'autres opérations

Néanmoins, sur les pays cités par Lloyd Austin mi-décembre, plusieurs Etats, comme la France, l'Italie ou encore l'Espagne, ont annoncé prendre leurs distances avec l'initiative américaine. Cette opération se heurte aux engagements épars des Européens dans la région, réticents à l'idée de rejoindre une mission dirigée par Washington.

Le ministère des Armées français a ainsi rappelé, dans un communiqué publié le 19 décembre, que ses navires resteraient sous commandement français. Paris dispose d'une frégate, le Languedoc, et de moyens militaires permanents dans la zone, mais déjà engagés dans deux missions (Agénor et Atalante).

Pour autant, Paris, qui salue l'initiative américaine "visant à renforcer la liberté de circulation en mer Rouge", n'exclut pas l'hypothèse de collaborer avec Washington. Le 20 décembre, le ministère des Armées, Sébastien Lecornu, s'est entretenu à ce sujet avec son homologue américain. "Les Etats-Unis et la France (...) recherchent une collaboration accrue sur des solutions bilatérales et multilatérales", précise le département américain de la Défense.  

L'Italie a également fait faux bond aux Américains. Comme l'explique la chaîne de télévision Sky TG24, Rome confirme bien l'envoi d'un navire militaire, le Virginio Fasan, en mer Rouge, mais uniquement "pour répondre à une demande (...) des armateurs italiens", précise le ministre de la Défense transalpin dans une note publiée le 19 décembre. "Cette opération s'inscrit dans le cadre d'une opération déjà existante et autorisée par le Parlement, et non dans le cadre de l'opération Prosperity Guardian", ajoute Guido Crosetto. 

Mécontentement en Espagne

Prosperity Guardian a fait par ailleurs grincer des dents le gouvernement espagnol, qui n'avait pas été consulté sur cette opération, selon le site d'information El Confidencial et le quotidien El País. "L'Espagne ne participera pas unilatéralement à cette mission. Toute décision prise le sera dans le cadre de l'Otan et de l'Union européenne", avertit de son côté la porte-parole du gouvernement, Pilar Alegria, à l'issue du Conseil des ministres, le 19 décembre

Le 27 décembre, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a confirmé les réserves de son pays à une participation à l'opération américaine. Le chef du gouvernement reste cependant "disposé et ouvert" à la création d'une mission par l'Union européenne, dont le rôle serait de prévenir les attaques des rebelles Houthis. Madrid s'oppose à ce que la mission européenne Atalante, qui lutte conte la pirate dans l'océan Indien, puisse rejoindre la coalition.

Le refus du gouvernement espagnol de s'engager aux côtés des Américains a été salué par le vice-ministre des Affaires étrangères des houthis. Ce dernier "espère également que chacun continuera à prendre ses distances par rapport aux positions honteuses de l'Amérique et de la Grande-Bretagne qui menacent la paix et la sécurité", a-t-il écrit sur le réseau social X

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