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Offensive sur Raqqa, en Syrie : "Ce qui compte, pour Obama, c'est le symbole"

L'offensive de Raqqa, capitale autoproclamée du groupe Etat Islamique, a été lancée par la force arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis, dimanche 6 novembre. Pour Adam Baczko, chercheur à l'EHESS, tous les acteurs de cette bataille n'ont pas les mêmes objectifs.

Article rédigé par franceinfo
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Depuis dimanche 6 novembre, la force arabo-kurde combat l'Etat Islamique dans sa "capitale" Raqqa, comme à Tel Abyad. (SEDAT SUNA / EPA FILE)

La force arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis a lancé dimanche 6 novembre une offensive pour reprendre la ville de Raqqa, capitale autoproclamée du groupe Etat islamique en Syrie. Un terrain difficile, d’autant que toutes les forces en présence n’ont pas forcément le même objectif. "Chaque acteur essaie de jouer sa stratégie", a estimé lundi sur franceinfo Adam Baczko, chercheur à l’EHESS, co-auteur de Syrie, anatomie d’une guerre civile (CNRS éditions). Pour lui, les Américains "ont une stratégie basée sur leurs objectifs, sans prise en compte de la réalité du terrain. Ce qui compte surtout, finalement, c’est le symbole".

franceinfo : Est-ce que l’ouverture d’un nouveau front à Raqqa simultané avec l’attaque de Mossoul représente une surprise ?

Adam Baczko : Non, depuis plusieurs mois, Barack Obama essaie de mettre en place une attaque contre Raqqa en même temps que Mossoul. C’est le bilan qu’il veut donner à celui ou celle qui lui succédera à la Maison Blanche. Obama pousse autant qu’il peut, alors qu’il sait que les forces kurdo-arabes liées au PYD, la branche syrienne du PKK, ne sont pas prêtes à prendre Raqqa.

Quel est l’objectif de l’offensive contre Raqqa ?

Cela dépend pour qui. L'objectif pour Obama, c’est que Raqqa et Mossoul tombent. Mais chacun joue sur les mots. Les Kurdes affirment qu’ils veulent "isoler" Raqqa. Pour Obama, "isoler", c'est se préparer à entrer. Il y a un jeu sur les mots où chaque acteur essaie de jouer sa stratégie. Pour les Kurdes, le "non" à la prise totale de la ville est à la fois un non diplomatique et militaire. Les Kurdes n’ont pas les moyens de prendre la ville, leurs meilleurs hommes sont engagés non pas contre l’Etat islamique à Raqqa, mais là où la Turquie est entrée, c’est-à-dire à l’ouest du pays. Mais le "non" est également politique. Devoir prendre Raqqa, c’est avoir le soutien américain. Or, les Kurdes savent qu’à partir du moment où ils se seront emparés de la ville de Raqqa, les Américains ne les soutiendront plus. Les États-Unis ne leur fourniront ni cet armement ni cette protection contre l’armée syrienne et contre les Turcs qu’ils leur offrent aujourd’hui. Les Kurdes n’ont donc pas intérêt à ce que Raqqa tombe, alors même qu'ils sont ceux dont on attend qu'ils fassent tomber Raqqa.

Est-ce que les cadres de l’organisation Etat islamique sont encore présents à Raqqa ?

Oui, Raqqa reste un lieu important, à l’inverse de Mossoul qui va se retrouver vite isolée et où les cadres principaux de l’EI sont partis. A Raqqa, les principaux chefs de l'Etat islamique sont encore là. Le groupe État islamique essaie de retarder sa disparition territoriale. En même temps, il n’a pas les moyens de s’y opposer. Le mouvement va continuer à exister, non plus comme une entité territoriale en Syrie et en Irak mais comme un mouvement transnational, qui jouera de diverses stratégies. Cette stratégie de l'EI est d’ailleurs déjà actée, on le voit dans la manière d’agir du mouvement en Libye, en Afghanistan et au Pakistan.

Les forces présentes à Raqqa sont hétéroclites, avec des Arabes et des Kurdes formées par les forces américaines il y a seulement un an. Sont-elles suffisamment aguerries ?

Les forces en présence à Raqqa sont en effet moins aguerries que celles engagées à Mossoul. A Raqqa, on a des forces liées au PKK, dont les meilleures troupes ne sont pas là. Les troupes arabes sont dans une situation très compliquée, on a vu des mutineries car les officiers sont kurdes, les soldats arabes. Il y a donc de fortes tensions politiques. C’est un mouvement kurde qui contrôle plus de la moitié d’un territoire arabe. Le groupe manque de cohésion.

Les Américains ne risquent-ils pas du coup de se tirer une balle dans le pied ?

Ils sont cohérents avec eux-mêmes. Ils ont une stratégie basée sur leurs objectifs, sans prise en compte de la réalité du terrain. Ce qui compte surtout, finalement, c’est le symbole. C’est aussi le moyen pour Obama de s’assurer que si Clinton est élue, elle ne construira pas une nouvelle stratégie autonome en Syrie et en Irak.

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