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Menaces d'attentats : sept questions pour mieux comprendre le Yémen

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un soldat yéménite près de l'aéroport de Sanaa (Yémen), le 6 août 2013. (MOHAMMED HUWAIS / AFP)

Quelques éléments pour essayer d'y voir un peu plus clair sur un pays mal connu, qui abrite la branche la plus agressive d'Al-Qaïda.

Le Yémen effraie. Fait rare, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont subitement décidé de fermer leurs ambassades dans le pays. Mardi 6 août, les Etats-Unis ont même appelé leurs ressortissants à quitter le pays "immédiatement".

Pourquoi un tel empressement ? Selon le New York Times (en anglais) de lundi, Washington aurait été mis en alerte par des communications interceptées entre Ayman Al-Zawahiri, nouveau patron d'Al-Qaïda, et Nasser Al-Wuhayshi, le chef de la "franchise" au Yémen, le premier demandant au second de "faire quelque chose". Un peu plus tard, mercredi, le Yémen a claironné avoir déjoué une vague d'attaques destinées à prendre le contrôle de deux villes du pays, à assaillir ou saboter des installations pétrolières et à se saisir d'otages étrangers. Malgré les annonces rassurantes de Sanaa, les ambassades gardent portes closes, jeudi, jour de l'Aïd el-Fitr, qui fête la fin de ramadan. Francetv info fait le point sur ce pays qui inquiète.

C'est où le Yémen ?

Au bout de la péninsule arabique, face aux côtes africaines et à la sortie de la mer Rouge, le Yémen couvre 527 968 kilomètres carrés (un peu moins que la France). Les montagnes, à l'ouest, offrent un peu de fraîcheur dans un pays qui abrite parmi les déserts les plus chauds du monde. Les Yéménites sont plus de 25 millions, majoritairement musulmans, chiites ou sunnites (et cela ne se passe pas toujours bien). Son économie repose surtout sur des ressources pétrolières, mais elles sont en déclin. Le pays est 160e sur 186 au classement de l'indice de développement humain.


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Il s'y est passé quoi dernièrement ?

Quand on parle des "printemps arabes", on pense souvent à l'Egypte, à la Tunisie et à la Libye. Mais le Yémen est le quatrième pays où la rue a fait chuter son chef d'Etat. Au terme d'une transition politique qui n'a pas été sans violences, Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978, a quitté le pouvoir, remplacé par Abd Rabbo Mansour Hadi, élu le 21 février 2012. Ce dernier bénéficie aujourd'hui de la bénédiction de Washington, qui n'a pas attendu août 2013 pour s'intéresser au pays.

Pourquoi on continue d'en parler ?

La démocratie de retour, le pays se trouve confronté à un autre problème : le terrorisme. La franchise d'Al-Qaïda au Yémen, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), s'est solidement implantée. Elle a bénéficié de l'instabilité provoquée par le "printemps yéménite".

La présence du réseau terroriste n'est pas vraiment nouvelle. Le 12 octobre 2000, 17 marins de l'USS Cole avaient été tués dans le port d'Aden. Une embarcation kamikaze s'était lancée sur le navire américain, haut fait d'armes pour Al-Qaïda avant le 11-Septembre. Mais, comme l'explique le Figaro, le mouvement a pris une nouvelle ampleur quand, "chassés militairement d'Arabie saoudite, des terroristes de la nébuleuse djihadiste se sont repliés au Yémen, où ils ont annoncé en 2009 leur fusion avec la branche locale pour former al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA)."

Aujourd'hui, selon Associated Press qui publie un descriptif complet (en anglais)Aqpa est considéré comme la branche d'Al-Qaïda "la plus dangereuse de toute". En 2011, pendant les troubles, il a pris le contrôle de plusieurs villes et villages. L'organisation dispose aussi de sanctuaires le long de la frontière saoudienne et aurait des centaines de combattants et des milliers de partisans. Aqpa multiplie les attaques contre les forces de sécurité yéménites.

Que font les Etats-Unis ?

Ils mènent une intense campagne d'attaque de drones. Les avions sans pilotes décollent de Djibouti et traversent le détroit de Bab-el-Mandeb pour frapper leurs cibles. Au 7 août, d'après la New America Foundation (en anglais), l'administration Obama a lancé 74 attaques de drones et 8 attaques de missiles. Bilan : entre 615 et 856 morts. Une seule attaque avait été perpétrée durant l'ère Bush. 

Quels effets ont ces attaques ?

Premier effet, Aqpa a perdu plusieurs de ses combattants. En octobre 2012, le chef de la branche militaire et cofondateur d'Aqpa, Saïd Al-Chehri, a été tué dans un tir de drone. Comme l'actuel leader Al-Wuhayshi, il avait été un temps détenu à Guantanamo, explique Le Monde. Sa mort a été un coup rude pour l'organisation.

Second effet, ces frappes, qui ont l'avantage pour les Américains d'être indolores, suscitent la colère de la population yéménite. "Le nombre de victimes civiles des drones et la participation des Etats-Unis à la transition politique au Yémen depuis l'éviction du président Saleh, en 2012, servent d'arguments de recrutement pour l'organisation", écrit Libération.

Où en est Aqpa dans ce contexte ?

Selon un membre du renseignement français interrogé par Le Monde, "Aqpa n'a jamais été aussi faible depuis sa création". Mais sa capacité de nuisance n'a pas été annihilée : "Il y a toujours des éléments très déterminés (...) et, financièrement, ils ont récupéré beaucoup d'argent en mettant la main sur des secteurs entiers de l'économie du sud du Yémen", estime, toujours dans les colonnes du MondeDominique Thomas, chercheur à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales).

De plus, l'organisation bénéficie des services d'Ibrahim Hassan al-Asiri. Ce Saoudien d'une trentaine d'années, ancien étudiant en chimie, est soupçonné d'avoir créé des bombes dissimulables sous les vêtements. Il aurait participé à la tentative d'attentat sur un vol Amsterdam-Detroit, fin 2009. Un jeune Nigérian avait embarqué avec de l'explosif dans ses sous-vêtements. En 2010, rappelle Le Figaro, Aqpa avait encore placé sur plusieurs vols des bombes dans des cartouches d'imprimantes. Aujourd'hui, Aqpa serait capable d'implanter une bombe de manière chirurgicale pour la rendre indétectable. Al-Asiri aurait aussi pu former d'autres militants.

Je n'ai pas lu tout l'article, vous pouvez me dire l'essentiel?

Le Yémen est un pays instable. Le "printemps yéménite", qui a abouti à la chute du président, a permis à la franchise d'Al-Qaïda dans la région de prendre de l'ampleur. En réaction, les Américains mènent une campagne d'attaques de drones féroce, qui a pour effet de déstabiliser l'organisation, mais aussi de tourner un peu plus l'opinion publique yéménite contre les Etats-Unis. Bien qu'affaibli, Al-Qaïda dans la péninsule arabique reste une organisation très dangereuse qui emploie, par exemple, des techniques très modernes d'explosifs.

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