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Retour de Saad Hariri à Beyrouth : "Le Hezbollah n'est pas en situation de fragilité, c'est le Liban qui est fragilisé"

David Rigoulet-Roze, chercheur attaché à l’Institut Français d’Analyses stratégiques, est revenu, dimanche pour franceinfo, sur la situation politique au Liban après la rencontre entre l'ex-Premier ministre libanais Saad Hariri et Emmanuel Macron.

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L'ex-Premier ministre libanais, Saad Hariri, le 18 novembre 2017, à Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

"L'urgence était de parvenir à extraire le Premier ministre démissionnaire, Saad Hariri", du "piège saoudien", a expliqué, dimanche 19 novembre sur franceinfo, David Rigoulet-Roze, chercheur attaché à l’Institut français d’analyses stratégiques (Ifas) et rédacteur de la revue Orient Stratégiques. Il évoque à cet égard une étape "indispensable".

Après avoir été reçu à Paris, samedi, par Emmanuel Macron, Saad Hariri, le Premier ministre libanais, démissionnaire, doit quitter la capitale française pour être mercredi au Liban, lors de la fête nationale afin de trouver une issue à la crise libanaise. Saad Hariri doit s'entretenir avec le président libanais Michel Aoun à son arrivée.

franceinfo : Saad Hariri a-t-il encore un avenir politique au Liban ?

David Rigoulet-Roze : Il est une personnalité politique importante sur l'échiquier libanais, de par sa famille, puisque feu Rafic Hariri [son père] était lui-même une personnalité de premier plan. Aujourd'hui, [Saad Hariri] est certainement pris en otage par les tensions régionales qui opposent deux grandes puissances régionales, à savoir l'Arabie saoudite et l'Iran. De ce point de vue, il mène une politique d'équilibriste extrêmement compliqué. Il a formé un gouvernement, il y a un an, dans lequel il y avait le Hezbollah qui est une pièce maîtresse de l'échiquier libanais. Aujourd'hui, c'est précisément ce qui lui est reproché par Riyad. Mais le Hezbollah est historiquement, militairement, politiquement ancré sur l'échiquier libanais. Son rôle s'est renforcé de par son intervention dans la guerre civile syrienne. À la demande de Téhéran, il a apporté son soutien au sol au régime de Bachar el-Assad et d'une certaine manière la guerre syrienne, qui s'achève dans la forme qu'elle a connue à ses débuts, est une victoire du Hezbollah. De ce point de vue-là, le Hezbollah n'est pas en situation de fragilité, c'est plutôt le Liban qui est fragilisé compte tenu des interférences extérieures.

Quelle est la position du président libanais Michel Aoun sur le Hezbollah ?

Michel Aoun a pris acte du poids majeur du Hezbollah dans la politique libanaise. Il faut rappeler qu'à la fin de la guerre civile, ironiquement Michel Aoun avait été exfiltré à l'époque par la France. Le Hezbollah était le seul parti qui avait eu la possibilité de conserver ses armes par rapport aux autres partis libanais, au motif qu'il servait de pièce centrale dans la lutte anti-israélienne. De ce point de vue-là, historiquement, le Hezbollah constitué à la fin des années 1980 par l'Iran, est un élément majeur du système libanais dont on peut faire difficilement l'économie. Penser qu'un gouvernement peut se faire sans l'aval, au moins tacite, du Hezbollah est tout à fait surréaliste.

La France, dont la priorité est le maintien de la stabilité au Liban, a-t-elle réussi sa première étape de médiation ?

L'urgence était de parvenir à extraire le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri, de ce qu'on peut qualifier aujourd'hui de piège saoudien. C'était une étape indispensable. On a bien compris que Saad Hariri était pris en otage dans un certain nombre de paramètres qui dépassaient sa propre personne. La crise n'est pas réglée pour autant. Plusieurs solutions s'offrent à lui : soit confirmer sa démission, soit tenter de refaire un gouvernement voire attendre ou anticiper la tenue d'élections prévues pour le mois d'avril 2018. Le Liban, par cette crise, est fragilisé. Paradoxalement le pays était parvenu à rester en dehors de la tempête régionale qui frappe l'ensemble des pays. Cela tenait à un accord qui avait été passé (…), une entente entre les différents partis politiques libanais et un accord tacite entre les grandes puissances régionales, Téhéran et Riyad, pour que le Liban soit plus ou moins sanctuarisé et préservé des violences régionales. C'est ce qui semble remis en cause par la stratégie de Riyad.

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