Gaza : les cinq obstacles qu'Israël doit surmonter pour sortir de l'engrenage
En trois semaines, l'Etat hébreu s'est laissé prendre dans l'engrenage d'un conflit violent avec le Hamas, dont il ne parvient pas à sortir.
Ce devait être une brève opération de représailles contre le Hamas, après la mort de trois jeunes Israéliens. Mais l'opération terrestre menée dans la bande de Gaza s'avère plus compliquée que prévu pour l'armée la plus puissante de la région. Israël, ses soldats et sa population se retrouvent piégés dans une longue campagne, à laquelle ils n'étaient pas préparés et dont l'issue est très incertaine. Une nouvelle courte trêve humanitaire est observée, mercredi 30 juillet, mais aucun cessez-le-feu durable ne se dessine.
Francetv info vous explique pourquoi Israël se trouve désormais face à des obstacles, dont certains seront difficiles à franchir.
1Trouver une vision à long terme
Le gouvernement israélien "est faible et a besoin de satisfaire son opinion publique, notamment les extrêmes" estime Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, contacté par francetv info. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a engagé l'armée israélienne dans "une opération de représailles pour des questions politiques, dans laquelle on ignore le véritable but de guerre", explique-t-il.
A court terme, Israël veut sécuriser son territoire contre les attaques du Hamas en bouchant les tunnels, en détruisant les caches d'armes, les lance-missiles et les lieux de fabrication de roquettes. L'armée entend ainsi "harceler l'infrastructure militaire du Hamas", comme l'expliquait sur RFI Pierre Razoux, spécialiste de Tsahal, directeur de recherches à l'Institut de recherches stratégiques de l’école militaire (Isrem).
Cette stratégie d'Israël est parfois comparée à l'entretien d'une pelouse ("mowing the grass"). "Expression effrayante qui suppose que tuer régulièrement des gens est pareil que tondre son gazon", estime le site américain Vox (en anglais). "Comme l'herbe, le Hamas ne peut pas disparaître (...) tondre la pelouse implique une routine qui peut durer éternellement", analyse Vox. Derrière l'analogie cynique se cache une sérieuse critique de la politique israélienne vis-à-vis du Hamas. L'Etat hébreu "gère le problème au lieu de lui trouver une solution".
2 Proposer une solution pour pacifier la bande de Gaza
Israël rêve de démilitariser la bande de Gaza, et après ? Un ancien député travailliste de la Knesset dénonce l'impasse politique dans laquelle se trouve Israël. "Nous n'avons pas de réponse pour le problème que pose Gaza depuis tant d'années", estime Daniel Ben Simon, interrogé par le JDD. Il suggère des investissements massifs dans la région "afin que sa population retrouve un niveau de vie comparable à celui qui existe en Cisjordanie".
Pour le chercheur Pierre Razoux, sur RFI toujours, "si Tsahal débarrasse Gaza du Hamas, elle ne peut confier la région au Fatah, incapable d'occuper le terrain". Or, les experts s'accordent à dire qu'Israël n'a pas non plus l'intention de réoccuper militairement la bande de Gaza. "Ce serait beaucoup trop coûteux financièrement et moralement", analyse Jean-François Daguzan. Abandonner la bande de Gaza reviendrait à offrir "la place aux jihadistes en embuscade dans la région, comme ceux de l'Etat islamique", résume Pierre Razoux.
3 Masquer les failles de Tsahal
Dans ce conflit asymétrique, l'armée israélienne, "probablement l'une des plus puissantes du Proche-Orient et peut-être de l'Asie mineure", selon Jean-François Daguzan, affronte une guérilla dont "la fluidité et les méthodes non conventionnelles peuvent infliger des pertes considérables". Depuis plusieurs années, le Hamas construit un réseau de tunnels complexe, sous Gaza, que l'armée régulière peine à détruire sans faire des centaines de victimes. Elle est pourtant capable de faire sauter les puits d'entrées de ces galeries sans tuer de civils, rappelle Slate.
Sa défense aussi est mise à mal. Désormais, toutes les grandes villes d'Israël peuvent être touchées par les missiles du Hamas, y compris Tel Aviv, jusqu'ici épargnée. Un journaliste israélien, correspondant de Slate, ajoute que "les roquettes palestiniennes n’étaient pas envoyées pour tuer ou pour détruire mais pour tester la défense israélienne et la qualité de réaction du système Dôme de fer. A la demande de Téhéran". Rien ne permet d'attester de cette manœuvre attribuée à l'Iran, mais la démonstration est faite : le Dôme de fer n'est pas infranchissable.
4Faire face au Hamas, qui n'a aucune raison de s'arrêter
Le bilan humain de l'opération israélienne à Gaza ne peut que nuire à Israël. Depuis le 8 juillet, plus de 1 300 Palestiniens sont morts, dont les trois-quarts sont des civils, selon l'ONU, et au moins 200 enfants. Pendant ces trois semaines, Tel Aviv a déploré la mort de 53 Israéliens, dont la plupart sont des soldats, son bilan le plus lourd depuis la guerre contre le Hezbollah libanais en 2006.
Si le bilan civil est en partie imputé à la tactique du Hamas, qui profite de la surpopulation de Gaza pour se servir des Palestiniens comme "boucliers humains", la puissante armée israélienne doit en assumer la responsabilité face à l'opinion internationale, en particulier lorsqu'un missile tue des enfants sur une plage, ou atteint une école de l'ONU. "Plus Israël frappe fort, plus le Hamas en profite pour justifier son action violente", résume Jean-François Daguzan. A Gaza, les Palestiniens qui subissent les bombardements d'Israël n'ont plus d'autre choix que de soutenir le Hamas. L'organisation n'hésite pas à rompre les courtes trêves humanitaires qu'elle réclame elle-même. Le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin, l'écrit sur son blog : "Pour l’organisation islamiste la situation est quasi idéale."
5 Se passer du soutien inconditionnel des Etats-Unis
A cause de ce lourd bilan civil à Gaza, "chaque journal télévisé détruit un peu plus le soutien international à Israël", constate le journaliste Charles Enderlin. En outre, Israël s'éloigne progressivement des Etats-Unis, pourtant son allié historique. "Barack Obama et Benyamin Nétanyahou ne se sont jamais très bien entendus", rappelle Jean-François Daguzan. "Si Obama s'avise de lui donner un conseil, il est plus probable que Nétanyahou fasse l'inverse", ajoute-t-il.
Ces derniers jours, le fossé s'est encore creusé. "Les relations entre le gouvernement de Benyamin Nétanyahou et l’administration Obama sont entrées dans une zone de grosses turbulences", explique Charles Enderlin. Les États-Unis, comme la France et la Grande-Bretagne, ont adopté une déclaration du Conseil de sécurité des Nations Unies, appelant à un cessez-le-feu "immédiat et sans condition", sans mention de la destruction des tunnels du Hamas, ni de son désarmement. Un projet perçu comme une "trahison" de la part du secrétaire d'Etat américain John Kerry, selon les mots du Times of Israel.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.