Gaza : le Hamas se sert-il des Palestiniens comme "boucliers humains" ?
Israël rejette toute responsabilité. Pour l'Etat hébreu, les nombreuses victimes civiles dans la bande de Gaza sont dues au mouvement islamiste. Car le Hamas mène une guérilla urbaine depuis des zones densément peuplées.
"Ils veulent empiler le plus de morts civils possibles. Ils utilisent des Palestiniens, morts télégéniques, pour leur cause." Le 20 juillet, Benyamin Nétanyahou laissait parler sa frustration face, sans doute, au sentiment que l'Etat hébreu était en train de perdre la bataille de l'image dans le conflit à Gaza.
Le bilan de l'offensive de Tsahal se rapproche des 750 morts, dont une majorité de victimes civiles. Pourtant, l'armée israélienne continue d'affirmer qu'elle ne cible que le Hamas. Et rejette la responsabilité des morts sur le mouvement palestinien, qui tirerait délibérément ses roquettes caché au cœur d'une population gazaouie lui servant de "bouclier humain", comme l'a réitéré Netanyahu le 24 juillet. Une affirmation difficile à vérifier.
Des roquettes cachées dans des écoles
Mardi 22 juillet, l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, a découvert une vingtaine de roquettes dans une des écoles qu'elle administre. Des écoles qui servent aussi de refuge aux Gazaouis depuis le début du conflit. "Les responsables transforment les écoles en cibles militaires potentielles", s'est insurgé Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, en déplacement à Gaza. C'est la deuxième fois en une semaine que l'UNRWA fait une telle découverte. Mais ce sont aussi les deux seuls exemples avérés d'une utilisation, probablement par le Hamas, d'un lieu pouvant servir de refuge aux civils pour y cacher des armes.
En revanche, le Hamas tire bien des roquettes "près des maisons, ou dans des terrains vagues adjacents", témoigne Samah Soula, envoyée spéciale de France 2 à Gaza. D'ailleurs, selon elle, "le Hamas ne s'en cache pas". Pour autant, "il est impossible pour le moment de déterminer la véracité de l'argument du bouclier humain", tempère Michelle Dunne, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, interrogée par CNN (en anglais). En 2009, Amnesty International n'avait trouvé "aucune preuve" que des roquettes avaient été tirées depuis des bâtiments civils alors que des civils s'y trouvaient, selon un rapport (en anglais) de l'ONG sur l'opération "Plomb Durçi", qui avait déjà frappé Gaza.
Une proximité acceptée par les habitants
Alors comment expliquer que les cibles du Hamas visées par Tsahal soient si proches des populations civiles ? Gaza est un territoire très petit et densément peuplé : il compte 5 000 habitants par km2 – c'est plus que dans des villes comme Nantes ou Marseille – sur une surface de 41 km de long sur 6 à 12 km de large. Par conséquent, "c'est une guerre urbaine" qui s'y livre, témoigne Samah Soula.
Difficile de faire la différence entre des victimes collatérales de combats se déroulant dans une zone très peuplée et une stratégie délibérée du Hamas de mettre les civils en première ligne. Dans les rares zones plus éloignées des populations, "les combattants seraient beaucoup plus repérables", analyse la reporter. D'un point de vue militaire, privilégier la guérilla semble logique. D'autant que les lance-missiles du Hamas, enterrés dans le sol, ne sont pas mobiles. "S'ils se retirent en zone découverte, c'est fini pour eux", explique Samah Soula. Les Gazaouis qu'elle a rencontrés ne semblent ni gênés, ni inquiets de voir ces roquettes tirées depuis chez eux ou presque. "Le Hamas est notre résistance, ils nous protègent, donc on l’accepte", explique une habitante. "Quand les tirs de roquettes ont commencé, il y a eu des critiques à propos de cette stratégie du Hamas", raconte la journaliste de France 2. "Mais dès qu'il y a eu des morts à Gaza, on ne les a plus entendues."
Cette proximité entre le Hamas et les habitants, aussi risquée soit-elle, est de toute façon inévitable : le mouvement est aussi un parti politique, une composante essentielle de la société à Gaza. Et les cibles visées par Tsahal peuvent être liées à la branche militaire du mouvement, mais aussi à ses activités civiles. "Israël ne fait pas la distinction", estime ainsi Hanan Ashrawi, membre du comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine, sur CNN. "Elle détruit les maisons de personnes qui sont actives au sein du Hamas. Mais être 'actif' peut vouloir dire que vous appartenez à un service public. Le Hamas a des crèches, des écoles, des hôpitaux." Leurs employés sont des civils, vivant dans des zones résidentielles. Impossible donc, pour les Gazaouis, d'être certain que leur immeuble ne sera pas la cible d'une frappe.
Partir, mais pour aller où ?
Le Hamas est aussi accusé de pousser les habitants à rester dans des zones dangereuses, même quand ils sont prévenus des bombardements par des tracts de Tsahal. "Ce n'est pas Israël qui leur dira de partir", assure Samah Soula, à qui de nombreux palestiniens ont affirmé que le Hamas n'était pour rien dans leur décision. "Où pouvons-nous aller ?", s'interroge l'un d'eux dans le quotidien britannique The Independant (en anglais). "Des gens ont quitté la banlieue de Khan Younès pour aller en centre-ville après que les Israéliens leur ont dit de le faire. Et le centre-ville a été bombardé. Des gens ont quitté la zone pour aller à Gaza City, et Gaza City a été bombardée. Ce n'est pas le Hamas qui décide où nous allons, ce sont les Israéliens."
Quant aux écoles de l'UNRWA, seuls endroits présumés sûrs pour accueillir des réfugiés, elles sont surpeuplées. "On a vu des gens quitter des centres parce que les conditions étaient déplorables, décrit Samah Soula. Ils préfèrent retourner chez eux, dans des zones dangereuses." Le 24 juillet, une attaque contre une de ces écoles a fait au moins quinze morts. Signe que, quelle que soit la stratégie du Hamas, aucun endroit n'est sûr pour les civils de Gaza.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.