Conflit entre Israël et le Hamas : "Nulle part, la population ne peut être en sécurité à Gaza", déplore Natalie Boucly, de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens

"Même dans le Sud, il y a des frappes", raconte la commissaire générale de l'UNRWA, qui assure que son agence "va rester à Gaza", malgré la mort de "53 collègues".
Article rédigé par franceinfo
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Des travailleurs de l'UNRWA devant une école de Khan Younès, au sud de Gaza, transformée en refuge pour les déplacés, qui se massent au sud de l'enclave pour échapper au feu israélien. (MAHMUD HAMS / AFP)

"Nulle part, la population ne peut être en sécurité à Gaza", déplore dimanche 29 octobre sur franceinfo Natalie Boucly, commissaire générale adjointe de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui confirme la mort de 53 personnes travaillant pour l'ONU à Gaza.

La guerre entre Israël et le Hamas est entrée ce dimanche dans son 23e jour. L'armée israélienne a intensifié ses bombardements sur l'enclave palestinienne depuis vendredi soir, en représailles de l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, et annonce augmenter le nombre de ses troupes dans la bande de Gaza, en invitant à nouveau les Palestiniens à se déplacer vers le Sud. Mais "même dans le Sud, il y a des frappes israéliennes", déplore Natalie Boucly.


franceinfo : Après trois semaines de guerre, des bombardements massifs, le début de l'offensive terrestre, l'armée israélienne appelle encore une fois les Palestiniens à se rendre dans le sud de la bande de Gaza. Est-ce que cet appel peut être suivi ?

Natalie Boucly : Rien n'est sûr à Gaza. Il n'y a nulle part où la population peut être en sécurité. Même dans le Sud, il y a des frappes israéliennes. Deux boulangeries que nous achalandons en farine ont été frappées. Donc je ne vois pas comment, même en allant dans le Sud, la population civile peut être en sécurité. Et de plus, il y a d'énormes problèmes aussi pour se déplacer. En gros, 630 000 personnes déplacées ont pris refuge dans 150 de nos locaux. La majorité maintenant dans le Sud, et certains de ces locaux ont aussi été frappés dans le Sud. 

Internet est peu à peu rétabli dans la bande de Gaza, après une coupure de 24 heures environ. Avez-vous pu reprendre contact avec vos collègues sur place ?  

Petit à petit. Nous étions très inquiets. Nous avions un téléphone satellite, donc on a pu garder un contact assez faible parce qu'il faut être à l'extérieur pour le téléphone satellite et avec toutes les frappes, c'était dangereux. Ce [dimanche] matin, la communication internet est rétablie, mais pas les lignes de télécommunications de téléphone.  

Est-ce que vos équipes peuvent continuer à travailler à Gaza ?

Ça devient très, très, très difficile. À peu près 80 camions [d'aide humanitaire] sont rentrés [depuis samedi 21 octobre] avec des vivres (de l'eau, des médicaments) mais c'est une goutte d'eau dans l'océan des besoins de toute cette population déplacée : plus d'un million maintenant.

Et surtout, il n'y a pas de carburant dans ces camions. Avant le 7 octobre, il y avait entre 400 et 500 camions de vivres qui rentraient sur Gaza. Aujourd'hui, 80 en une semaine, ce n'est vraiment pas suffisant.

"Le carburant, c'est la vie quelque part. Ça fait tourner les hôpitaux. Ça fait tourner aussi nos voitures pour qu'on puisse se déplacer et acheminer l'aide à la population qui en a besoin. Ça fait tourner aussi les usines de dessalement, car il n'y a pas d'eau potable à Gaza."

Natalie Boucly, commissaire générale adjointe de l'UNRWA

à franceinfo

L'UNRWA a 22 dispensaires de santé, dont huit qui restent opérationnels. On a une surpopulation dans les 150 centres où nous accueillons la population avec de gros risques d'insalubrité qui entraînent des problèmes de santé et des émeutes parce que les gens suffoquent, parce que les gens sont au bord d'un précipice et qu'ils ne savent pas où se tourner pour avoir un bout de pain, de l'eau. On commence à voir, même dans nos centres, des altercations, un énervement à l'extrême, un désespoir total.  

Des Gazaouis ont-ils réussi à sortir de l'enclave ces trois dernières semaines ?

À ma connaissance, personne n'est sorti de la bande de Gaza depuis trois semaines. Personne. L'entrée ou l'ouverture, depuis l'Egypte, est à sens unique. Les camions rentrent mais personne ne sort. Il y a des discussions au niveau politique que nous n'avons pas à commenter en tant qu'humanitaires. L'UNRWA a 13 000 employés sur place, entre 2 000 et 5 000 travaillent tous les jours. Il va falloir qu'on fasse au moins une rotation pour soulager certaines personnes. On a aussi des femmes enceintes. Certaines personnes vont devoir sortir pour des raisons sanitaires ou pour être soulagées et être remplacées parce que nous allons rester à Gaza. Même si 53 collègues des Nations unies ont péri sous les bombardements, chez eux, en grande majorité avec leurs familles.

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