Attaque du Hamas contre Israël : pourquoi les prises de position de LFI mettent l'alliance de la Nupes une nouvelle fois en danger

Les réactions d'une partie de La France insoumise ont entraîné une forte indignation de membres de la Nupes. Des députés socialistes s'interrogent même sur la survie de l'alliance des partis de gauche.
Article rédigé par Clément Parrot, Margaux Duguet
France Télévisions
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Boris Vallaud (PS), Mathilde Panot (LFI), Cyrielle Chatelain (EELV) et Pierre Dharréville (PCF) lors d'une journée de séminaire des députés de l'intergroupe Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes), le 18 septembre 2023. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

"La question" de rester dans l'alliance de gauche Nupes "se pose", a prévenu Jérôme Guedj, dimanche 8 octobre, sur la Radio de la communauté juive (RCJ). Le député PS n'a pas masqué sa colère après les réactions des parlementaires de La France insoumise, au lendemain de l'attaque meurtrière du Hamas contre Israël. "Ça me dégoûte de voir et de constater que certains (...) ont immédiatement été dans une forme de relativisme, de renvoi dos à dos, d'absence de ce minimum de compassion qui fait notre humanité commune, a-t-il détaillé. Ça me fout les boules, je n'ai pas d'autres mots."

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Dans le viseur du socialiste : les prises de parole de plusieurs leaders de LFI qui semblent renvoyer dos à dos le Hamas et le gouvernement israélien. "Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu'une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu'elle-même", a estimé Jean-Luc Mélenchon sur le réseau social X. "L'offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas intervient dans un contexte d'intensification de la politique d'occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Nous déplorons les morts israéliens et palestiniens", insiste le communiqué de LFI. Plusieurs députés insoumis, comme Louis Boyard et Danièle Obono, vont même plus loin en se bornant à dénoncer "la colonisation et les exactions en Palestine". "Gaza est une prison à ciel ouvert depuis bien longtemps, dans l'indifférence générale !", a également réagi Ersilia Soudais, députée connue pour ses prises de positions propalestiniennes.

"La haine attire la haine, et certains semblent découvrir que ce sont toujours les civils qui payent le prix de la guerre."

Ersilia Soudais, députée LFI

sur le réseau social X

Comment expliquer cette absence de condamnation claire des actions du Hamas ? "LFI cherche à ménager son électorat de confession musulmane", estime le politologue Rémi Lefebvre. Les tweets des insoumis ont en tout cas entraîné de nombreuses réactions indignées. "Ces prises de position laisseront des traces", a estimé Olivier Faure, lundi, sur France Inter. "Nous aurons à en rediscuter [entre partenaires de l'alliance de gauche Nupes]. Il y aura des explications à avoir", explique le premier secrétaire du PS.

Les socialistes pourfendeurs de la Nupes en ont profité pour attaquer cette alliance électorale. "Je redis solennellement à ma famille politique, le Parti socialiste, qu'il est temps de mettre un terme à la mésalliance avec Jean-Luc Mélenchon qui n'a rien d'une union. Suivre Jean-Luc Mélenchon est une impasse", a exhorté dans un tweet la maire de Paris, Anne Hidalgo.

La lente "agonie" de la Nupes

Les mots sont tout aussi durs du côté des écologistes. "Les premières réactions de LFI qui ne condamnent pas ces actes terroristes barbares sont une faute immense, dangereuse et irresponsable", observe un député EELV. Dans ce contexte, la question de la survie de la Nupes, déjà maintes fois sur la table, se pose avec d'autant plus de force que certains défenseurs de la coalition de gauche, à l'image de Jérôme Guedj, ont donc pour la première fois mis leur départ dans la balance. Le groupe PS à la région Ile-de-France a déjà choisi de "suspendre temporairement" ses relations avec le groupe régional LFI, ont annoncé à franceinfo plusieurs conseillers régionaux. "On a été choqués par l'expression nationale de LFI. On est toujours pour l'union de la gauche, mais à un moment donné, il fallait marquer le coup", explique Jonathan Kienzlen, le président du groupe PS. Un communiqué doit être publié en fin de journée. Il ne s'agit pas encore de la Nupes, la coalition construite à l'Assemblée, mais d'une première brèche dans l'alliance de gauche.

"J'espère que la Nupes n'éclatera pas", s'inquiète d'ailleurs un cadre de LFI, alors qu'une réunion de l'intergroupe est prévue mardi à 9 heures, comme toutes les semaines. "Pas sûr que cette [réunion] soit très productive", tente-t-il néanmoins de se rassurer, estimant qu'Olivier Faure ne prendra pas le risque d'initier la rupture sur cette polémique. Le communiqué du PS du 8 octobre n'évoque d'ailleurs pas l'avenir de la Nupes, même s'il adopte une position très claire et qui tranche avec celle des insoumis. "La politique du gouvernement Nétanyahou ne saurait être mise en avant pour relativiser l'agression terroriste dont est aujourd'hui la cible la population israélienne. Rien, jamais, ne saurait justifier des actes terroristes", peut-on lire.

"Il est encore trop tôt pour voir quelles seront les déflagrations au sein de la Nupes, juge Romain Mathieu, docteur en sciences politiques. Cette divergence n'est pas une petite question, et il y a un moment où il y aura la divergence de trop, mais est-ce que c'est celle-là ?"

"Il est très probable qu'on n'aura jamais une déclaration disant : 'c'est la fin de la Nupes'."

Romain Mathieu, docteur en sciences politiques

à franceinfo

"Il n'y a pas vraiment d'option alternative et l'opinion de gauche est très unitaire. Je crois au scénario d'une agonie lente [de la Nupes] et d'une mort que personne ne voudra reconnaître", appuie le politologue Rémi Lefebvre.

"Nous devons faire mieux que la Nupes"

Depuis, les insoumis mettent de l'eau dans leur vin. Invité de France 2, lundi matin, Manuel Bompard, le coordinateur de LFI, a condamné l'attaque du Hamas et parlé de "crimes de guerre". "Est-ce qu'il fallait condamner l'attaque terroriste ? Oui, et je l'ai fait tout de suite", sur X, appuie le député LFI Rodrigo Arenas. "Est-ce qu'il y a la maladresse de ne pas l'avoir fait avant ? En tout cas, Manuel Bompard a été très clair ce matin. Et la gauche dans son ensemble reste pour la résolution de l'ONU, avec une solution à deux Etats et les frontières de 67."

"Les diviseurs vont toujours trouver des prétextes pour diviser et si le programme de la Nupes se résumait à la question israélo-palestinienne, ce serait un peu léger."

Rodrigo Arenas, député LFI

à franceinfo

"Je note un virage sur l'aile des responsables de LFI qui s'alignent tardivement sur les premières réactions bienvenues de François Ruffin ou Clémentine Autain", se rassure un cadre EELV. Les communistes tentent, eux aussi, d'apaiser publiquement le débat. "Les approches différentes sont légitimes et n'ont pas jusqu'à maintenant étouffé le fonctionnement de notre intergroupe. Les divergences doivent être respectées !", livre le patron des députés PCF, André Chassaigne. Mais sous le couvert de l'anonymat, d'autres se font plus offensifs. "C'est loin, loin d'être le principal sujet de divergence, juge un sénateur PCF. Nous devons faire mieux et autrement que la Nupes. Passons moins de temps à enterrer la Nupes et davantage à bâtir quelque chose de mieux et de plus engageant."

Les divisions de l'alliance de gauche s'expliquent aussi par la structure de la coalition. "Aucun organe de règlement des conflits pour aller vers de la convergence idéologique n'a été prévu, explique Romain Mathieu. Conséquence : toutes les divergences ne sont pas réglées en amont et s'exposent publiquement. Et après, ils recollent les morceaux…"

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