Que se passe-t-il entre l'Iran et l'Irak après les frappes qui ont touché la ville kurde d'Erbil ?
La ville d'Erbil a été frappée par des tirs de missiles balistiques dans la nuit du lundi 15 au mardi 16 janvier. Ces frappes, revendiquées par les Gardiens de la révolution iraniens, ont tué au moins "quatre civils" et fait six autres blessés dans la capitale du Kurdistan irakien, selon un communiqué des autorités locales de cette région autonome. L'Irak a aussitôt condamné une "agression" après cette offensive de son voisin. Franceinfo vous résume ce que l'on sait de ces bombardements dans un contexte régional explosif.
L'Iran affirme avoir visé des "espions" israéliens
L'agence de presse officielle iranienne Irna a annoncé que les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique de la République islamique, avaient mené une attaque dans la périphérie d'Erbil. Selon elle, des missiles balistiques ont détruit "un quartier général" où se trouvaient "des espions" du Mossad, les services de renseignement d'Israël. L'Etat hébreu n'a pas réagi dans l'immédiat à ces accusations.
D'après l'agence officielle iranienne, cette frappe intervient en représailles à des attaques récentes que l'Iran attribue à Israël. Lors de ces offensives, plusieurs commandants des Gardiens de la révolution et des chefs de "l'axe de résistance", nom donné aux alliés de Téhéran dans sa lutte contre l'Etat hébreu, ont été tués.
Fin décembre, Téhéran a effet accusé Israël d'avoir éliminé le général Razi Moussavi en Syrie. Le 2 janvier, une frappe sur la banlieue sud de Beyrouth avait tué le numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, et six autres responsables du mouvement islamiste palestinien. Quelques jours plus tard, Wissam Tawil, un haut responsable militaire du Hezbollah était visé au Liban.
La diplomatie iranienne a présenté ces frappes comme "une opération ciblée". "La République islamique a toujours soutenu la paix, la stabilité et la sécurité de la région, et adhère aux principes du respect de la souveraineté et de l'intégrité des pays, mais elle n'hésite pas à utiliser le droit légitime à défendre la sécurité de ses citoyens et à punir les criminels", a déclaré ainsi un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Spécialiste de l'Iran, le chercheur Thierry Coville remarque que "les autorités iraniennes sont sous pression", notamment depuis l'attentat du 3 janvier, qui a fait 84 morts à Kerman, dans le sud du pays. Téhéran avait promis une réponse forte. Selon lui, le gouvernement iranien, en proie à une crise politique intérieure, a réagi "assez rapidement" pour marquer le coup et parce que la sécurité est son "point fort".
L'Irak dénonce "une agression" et des allégations "incorrectes"
Bagdad a aussitôt condamné "une agression visant la souveraineté de l'Irak et la sécurité de son peuple". En réponse aux accusations de l'Iran, les autorités irakiennes ont ordonné la formation d'une commission d'enquête pour prouver "la fausseté des allégations de ceux qui sont responsables de ces actes condamnables".
"Concernant la présence d'un QG du Mossad israélien, nous avons inspecté le lieu, visité chaque recoin de la maison. Tout indique qu'il s'agit de la maison familiale d'un homme d'affaires irakien", a assuré Qassem al-Aaraji, le conseiller irakien à la sécurité nationale, chargé de l'enquête sur cette frappe iranienne. "Ces allégations sont fausses et incorrectes."
Selon les autorités irakiennes, le domicile de Peshraw Dizayee a été visé. Ce magnat de l'immobilier, qui dirige également une entreprise dans le secteur des hydrocarbures et de la sécurité privée, ainsi que son épouse et d'autres membres de sa famille figurent parmi les victimes décédées.
La France condamne des frappes "inadmissibles"
Washington a rapidement dénoncé par l'intermédiaire d'Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, "une série de frappes imprudentes et imprécises". Le département d'Etat américain a également souligné que les Etats-Unis étaient "opposés" à ces "frappes irresponsables" qui "sapent la stabilité de l'Irak".
La France a aussi condamné "avec la plus grande fermeté" les frappes qui ont touché Erbil, les qualifiant de "violations inadmissibles" de la souveraineté de l'Irak, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. "De tels actes contribuent à l'escalade des tensions régionales et doivent cesser", ajoute la diplomatie française.
Même son de cloche pour Londres. "Le Royaume-Uni condamne les attaques du régime iranien à Erbil, a écrit David Cameron, le ministre des Affaires étrangères britannique, sur le réseau social X (ex-Twitter). Ces actions non provoquées et injustifiées constituent une violation inacceptable de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Irak."
Le Premier ministre du Kurdistan, Masrour Barzani, a fustigé "des attaques injustifiées et illégales", appelant la communauté internationale "à ne pas rester silencieuse", selon ses services. Le ministère des Affaires étrangères irakien a également convoqué le chargé d'affaires iranien pour lui remettre une "missive de protestation" et rappelé son ambassadeur en Iran "pour consultations".
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