Un procureur accuse la France d'attitude "négationniste" vis-à-vis de la Mafia
La France a-t-elle une attitude "négationniste" vis-à-vis de la Mafia ? C'est ce qu'affirme un procureur italien dans "Razzia sur la Riviera", un livre de la journaliste Hélène Constanty paru mercredi 8 avril.
L'action de la mafia s'arrête-t-elle à nos frontières ? Non, explique la journaliste Hélène Constanty dans Razzia sur la Riviera (éd. Fayard), qui paraît mercredi 8 avril et dont Mediapart publie les bonnes feuilles. Dans un chapitre intitulé "Les mafieux italiens s'incrustent", l'enquêtrice livre un constat alarmiste sur la progression de l'emprise mafieuse dans le sud de la France.
Les mafieux, dit-elle, sont désormais bien implantés sur la Côte d'Azur où "ils blanchissent de manière méthodique de l'argent sale". Dans le cadre de cet ouvrage, elle s'est entretenue en juillet 2013 avec le procureur national italien chargé de la lutte antimafia, Franco Roberti.
"Vous refusez de voir la réalité en face"
Cet homme, un des "plus exposés de la péninsule", accuse les autorités françaises en des termes virulents : "La France a une attitude que je qualifierais de négationniste (…) Vous refusez de voir la réalité en face." Et d'ajouter : "Vous n’êtes pas les seuls. L’Allemagne aussi. Les Européens n’ont pas encore réalisé à quel point la mafia s’était enracinée hors d’Italie. Il faut dire qu’en dehors de la péninsule, elle préfère s’occuper de ses affaires en silence, sans se faire remarquer, en évitant les effusions de sang."
Le procureur estime ne pas "obtenir une collaboration suffisamment active des policiers et des magistrats. Prenons l’exemple de Giovanni Tagliamento, ce ressortissant italien que nous considérons comme représentant de la Camorra sur la Côte d’Azur. Nous aimerions savoir avec qui il travaille, d’où vient l’argent qu’il brasse. Mais les Français nous disent que son comportement n’a rien de répréhensible."
"La France ne mesure pas la gravité du problème"
Il juge que le blocage vient du fait que "la France ne mesure pas la gravité du problème. C’est un problème culturel et politique. Vous ne disposez pas non plus des mêmes outils législatifs que nous." Et de préciser ce qu'il souhaite voir changer : "Nous aimerions obtenir beaucoup plus d’informations sur les activités économiques de nos ressortissants, leurs investissements dans l’immobilier ou dans des commerces. Mais, en France, contrairement à ce qui se passe en Italie, les possibilités de saisir les biens des mafieux sont très limitées. Dommage, car c’est un outil formidable pour les asphyxier."
La journaliste rappelle l'ampleur du problème : "Les mafias italiennes ont tiré profit de la mondialisation pour développer leurs activités hors d’Italie, leur épicentre. Elles ont développé toutes sortes de trafics internationaux – drogue, armes, contrefaçon, déchets... –, fabriquent de la fausse monnaie et contrôlent les réseaux d’immigration clandestine. Leur chiffre d’affaires mondial est estimé à 130 milliards d’euros."
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