Tensions UE-Pologne : "C'est un jeu avec Bruxelles qui peut se terminer très mal", estime le chercheur Georges Mink
"C'est l'Europe à la carte", s'insurge ce vendredi sur franceinfo, Georges Mink, directeur de recherches émérite au CNRS, spécialiste de la Pologne.
"C'est un jeu avec Bruxelles qui peut se terminer très mal", a estimé vendredi 8 octobre sur franceinfo, Georges Mink, directeur de recherches émérite au CNRS, spécialiste de la Pologne, alors que la veille, la plus haute juridiction en Pologne a contesté la primauté du droit de l'UE sur le droit polonais, jugeant plusieurs articles des traités européens "incompatibles" avec la Constitution de ce pays. Selon Georges Mink, Varsovie n'a "pas tant peur que ça" de Bruxelles parce que le pouvoir pense que l'UE "n'a pas véritablement des instruments pour punir la Pologne". Mais le chercheur alerte sur le fait que "la société civile polonaise est pro-européenne" et que le pouvoir doit en tenir compte.
franceinfo : A quoi joue le pouvoir polonais en voulant rester dans l'UE mais sans en suivre les règles ?
Georges Mink : C'est l'Europe à la carte, même si ce pouvoir ne veut pas de l'Europe à géométrie variable. Mais ce qu'il faut comprendre c'est que ce pouvoir a une conception particulière de l'Union européenne et de l'Europe. Il considère qu'il peut influencer l'évolution de l'Union européenne. Ce qui concerne le droit est une mesure correspondant justement à cette conception. Il n'est pas dû au hasard que ce pouvoir s'est allié à des mouvements de droite européenne dans l'idée de réformer de l'intérieur l'Union européenne. Ce pouvoir autocratique se sent européen. Mais il veut quand même manifester le plein poids de la souveraineté polonaise. Il y a donc une sorte de contradiction avec les principes et les standards de l'Union européenne.
Qu'est-ce qu'il lui donne tant de certitudes ?
C'est un jeu avec Bruxelles. C'est très étonnant. Dans le même verdict, on parle du dialogue. C'est un langage hypocrite. Parce que le pouvoir polonais pense que l'Union européenne n'a pas véritablement d'instruments pour punir la Pologne. Ils n'ont peut-être pas tant peur que ça. En tout cas, à court terme. Mais c'est un jeu qui peut se terminer évidemment très mal. Car on sait très bien que les actions intentionnelles produisent des effets imprévisibles. On a vu ça avec l'Angleterre.
Est-ce que l'exemple britannique est évoqué en Pologne et qu'en pense la population polonaise ?
Il est évoqué par l'opposition, bien entendu, qui voit ce risque se profiler derrière cette fanfaronnade du pouvoir polonais. Evidemment, cela a des conséquences internes en Pologne. Car cela concerne tous les métiers juridiques polonais puisque c'est l'indépendance de la justice qui est menacée. Donc des juges, qui vont prononcer des verdicts différents de la volonté du pouvoir politique, doivent être punis en fonction de ce décret du tribunal fantoche. Mais l'opinion publique polonaise est massivement europhile. Et c'est probablement d'ailleurs le pays le plus de europhile de l'ensemble de l'Union européenne. Donc, il faudra que ce pouvoir compte avec cela. Il y a déjà des appels à des manifestations dans toutes les villes de Pologne. Il ne faut pas exclure que ce seront des manifestations importantes, car la société civile polonaise existe réellement. Elle est pro-européenne et est respectueuse des accords avec l'Union européenne.
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