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Pourquoi l'euro a atteint son plus bas niveau face au dollar

La monnaie unique est prise en étau entre une crise énergétique majeure qui touche toute l'Europe et la banque centrale américaine toujours offensive pour juguler l'inflation.

Article rédigé par franceinfo
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A l'été 2022, l'euro s'est effondré face au dollar américain, plombé par la hausse des prix des carburants. (JONATHAN RAA / NURPHOTO / AFP)

L'euro au plus bas. La monnaie européenne est passée lundi 22 août sous le seuil de la parité avec le dollar. L'euro a perdu 0,84%, passant à 0,9951 dollar, un niveau plus vu depuis l'année de sa mise en circulation en 2002. La monnaie européenne était déjà descendue une première fois sous la parité mi-juillet. En réalité, ce n'est pas tant l'euro qui baisse que le dollar qui monte. Guerre en Ukraine, dépendance aux hydrocarbures russes, menace de récession en Europe et tours de vis de la Réserve fédérale américaine (Fed)… Franceinfo vous explique pourquoi le dollar est passé devant l'euro, au plus bas depuis 2002.

Parce que la crise énergétique inquiète les investisseurs

Les prix de l'énergie sont au plus haut en Europe. Le Vieux Continent, très dépendant du gaz russe, est touché par une crise énergétique qui a de nombreuses conséquences sur l'économie. Le cours du gaz européen avait bondi de plus de 20% en une semaine, lundi, pour s'élever à 295 euros le mégawattheure (MWh), proche des records enregistrés lors des premiers jours de la guerre en Ukraine, note La Tribune.

L'Europe est fragilisée par sa proximité géographique avec la guerre en Ukraine et par sa dépendance au pétrole et au gaz russes. En cette période d'incertitude, le dollar retrouve ainsi depuis plusieurs mois son statut de valeur refuge, ce qui explique son renforcement face à l'euro.

Dans ce contexte déjà tendu, la Russie a annoncé, une nouvelle fois, devoir fermer le gazoduc Nord Stream 1, qui fournit l'essentiel du gaz russe à l'Europe, entre le 31 août et le 2 septembre. De quoi accentuer les craintes de pénurie et faire décoller les cours du gaz naturel en Europe. "L'évolution des prix de l'énergie et la question de l'approvisionnement sont toutes deux très préoccupantes, et c'est ce qui est derrière ce mouvement" à la baisse de l'euro, analyse Erik Nelson, de Wells Fargo, auprès de l'AFP.

La monnaie européenne n'est pas la seule concernée. Le Royaume-Uni est également pris dans cette crise et la livre sterling ne faisait guère mieux que l'euro lundi face au billet vert. Elle flirtait avec son niveau de mars 2020, aux premiers jours de la pandémie, à 1,1760 dollar pour une livre. Très dépendante des approvisionnements russes, la Hongrie a vu le forint tomber au plus bas niveau de son histoire par rapport au dollar, à 411 forints pour un dollar. Et les incertitudes ne risquent pas de se dissiper de si tôt. "L'épée de Damoclès suspendue au-dessus de l'Europe est partie pour rester là", prévient Kit Juckes, analyste chez Société générale à l'AFP.

Parce qu'un risque de récession plane sur l'Europe

La crise énergétique que connaît l'Europe alimente aussi les craintes d'une récession. "Cela augmente le risque d'un ralentissement économique significatif d'ici la fin de l'année" en zone euro, estime Shaun Osborne, de Scotiabank, auprès de l'AFP.

Une des conséquences de la hausse des prix de l'énergie est l'inflation en Europe. Elle avait commencé a grimpé avec la reprise de l'économie post-Covid-19, et s'est accentuée avec le début de l'invasion russe en Ukraine. Elle a atteint 8,9% en juillet 2022 dans la zone euro. En Allemagne, elle pourrait "dépasser 10% dans les mois à venir", préviennent Les Echos. La hausse des prix de l'énergie qu'a provoquée le conflit pénalise particulièrement la puissante industrie allemande. La croissance en Allemagne est restée nulle au deuxième trimestre, plombée par l'accélération de l'inflation dans le sillage de la guerre en Ukraine, qui pèse sur le pouvoir d'achat et l'activité industrielle, selon l'Institut statistique allemand Destatis.

La première économie européenne est à la peine dans "un contexte économique mondial difficile, avec la pandémie de Covid-19, les chaînes d'approvisionnement perturbées, la hausse des prix et la guerre en Ukraine", a expliqué Destatis dans un communiqué. "La plupart des chiffres indiquent désormais que nous sommes au bord d'une récession", a commenté Jens-Oliver Niklasch, analyste de la banque LBBW.

A mesure que l'hiver approche, le risque d'une récession plane sur l'Allemagne et, par ricochet, sur l'Europe. Si ses prévisions de croissance restent positives, le FMI les a tout de même revues à la baisse pour la zone euro. Son rapport sur les perspectives de l'économie mondiale prévoit une croissance du PIB de 2,6% en 2022 et 2% en 2023 pour la zone euro, en deçà de ses précédentes prévisions.

Cette incertitude encourage, là encore, les investisseurs à se tourner vers le dollar. Pour ne rien arranger, la dominance du cours du billet vert sur l'euro forme un cercle vicieux. Le coût des importations augmente pour les Européens dotés d'une monnaie moins forte, notamment celui du pétrole, fixé en dollars. En six mois, la hausse des prix du brut a atteint 66 % en dollar, mais 78 % en euro, remarque Le Figaro. Ce qui accentue encore l'inflation pour les ménages et les entreprises.

Une tendance partie pour durer. "Après avoir touché brièvement la parité avec le dollar en juillet, l'euro devrait cette fois s'installer durablement en dessous et osciller jusqu'à la fin de l'année entre 0,95 et 1, estime Lee Hardman, spécialiste des changes à la banque MUFG, auprès du Figaro. La crainte d'une récession en Europe va s'amplifier à l'approche de l'hiver en raison de la crise énergétique et ne semble pas près de se dissiper."

Parce que de la Fed remonte ses taux d'intérêt plus vite que la BCE

La valeur du dollar est soutenue par la politique monétaire de la banque centrale américaine, la Fed. Pour contenir l'inflation aux Etats-Unis, celle-ci remonte ses taux d'intérêt. Mais la Banque centrale européenne (BCE) ne peut pas suivre.

Les craintes de récession en Europe pourraient empêcher la BCE de relever ses taux d'intérêts de manière aussi agressive. De plus, les conséquences seraient diverses pour les Etats membres. Une hausse des taux d'intérêt fragiliserait les pays déjà en difficulté, faisant craindre une nouvelle crise des dettes souveraines.

Ce contexte place la BCE dans une situation "très difficile", constate Erik Nelson, de Wells Fargo auprès de l'AFP. Une hausse de son taux directeur lors de sa prochaine réunion du 8 septembre, attendue à un demi-point de pourcentage, "soutiendrait un peu" l'euro, "mais avec le risque d'aggraver la situation économique" de la zone. Même en osant un nouveau relèvement d'un demi-point, après une hausse similaire en juillet, la BCE ne referait pas son retard sur la Fed, que les opérateurs voient désormais remonter une troisième fois d'affilée ses taux de 0,75 point en septembre.

La différence de rythme se reflète dans les taux obligataires. L'écart entre le rendement des emprunts d'Etat américains à trois mois et ceux de l'Allemagne, pour la même échéance, était lundi au plus haut depuis près de trois ans. Outre la poursuite du resserrement, le président de la Fed, Jerome Powell, pourrait insister sur "la probabilité que l'inflation reste élevée pour un moment, (...) et que les taux demeurent hauts pour quelque temps aussi", estime Shaun Osborne de Scotiabank auprès de l'AFP. Après avoir tablé sur une possible baisse de taux de la Fed durant les premiers mois de 2023, le marché ne l'envisage plus qu'à la fin de l'année prochaine, ce qui contribue à soutenir le dollar.

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