: Vidéo "C'est comme les hameçons pour la pêche, la pointe rentre dans la peau, mais ne ressort pas" : ces barbelés agressifs qui équipent de plus en plus de frontières
Ces barbelés équipés de lames de rasoir sur lesquels se blessent les migrants avaient provoqué un tollé au début des années 2000. Aujourd'hui, le business de l'entreprise espagnole qui fabrique et vend les "concertinas" aux quatre coins de l'Europe est florissant. Visite dans cet extrait de "Complément d'enquête".
Au début des années 2000, leur installation à la frontière entre l'Espagne et le Maroc avait suscité l'indignation. Ces barbelés équipés de lames de rasoir sont appelés "concertinas" (qui signifie "accordéon"). Si les migrants tentent de les franchir, ils peuvent provoquer de graves lésions aux mains, au cou, aux jambes... En 2009, un Sénégalais resté accroché toute une nuit dans ces barbelés est mort des suites de ses blessures. Les Etats européens continuent pourtant à passer commande, et le propriétaire de l'entreprise familiale qui les fabrique peut se frotter les mains : son commerce marche très bien.
"Complément d'enquête" a cherché à rencontrer le patron de l'usine, qui s'étend sur 35 000 mètres carrés au beau milieu des champs d'agrumes et emploie 70 personnes. Les demandes d'interview ayant été refusées, les journalistes ont sollicité un rendez-vous commercial. La visite a été filmée en caméra cachée.
Best-seller : la "concertina" n°22 et sa lame de 22 millimètres
Catalogue à l'appui, le patron vante sa gamme de produits plus ou moins "agressifs" selon la demande, mettant en avant "celui-ci, [qui] est comme un harpon. C'est comme les hameçons pour la pêche : la pointe rentre dans la peau, mais ne ressort pas. Si quelqu'un s'y accroche, il faut appeler un pompier pour qu'il vienne couper un morceau du barbelé, et faire sortir la personne". L'usine propose même des barbelés colorés, à des fins de décoration...
Son best-seller : la "concertina" n°22, dotée d'une lame en acier de 22 millimètres de long, et vendue en moyenne 10 euros le mètre. Elle équipe aussi les centres pénitentiaires et les centrales nucléaires mais, précise le patron, "c'est moins intéressant que de vendre aux Etats, pour les frontières".
Qu'on les enlève ou qu'on les remette, les barbelés, ça rapporte...
Très rentable, son activité a de beaux jours devant elle : après la Hongrie, la Pologne vient de passer commande pour son mur de 186 kilomètres, à la frontière avec la Biélorussie. Montant estimé du contrat : près de 2 millions d'euros. L’un de ses anciens clients les plus intéressants, c'est l’Espagne. A Ceuta, ville frontalière du Maroc, "quand les socialistes et les communistes arrivent au pouvoir, on enlève les barbelés du mur. Et quand la droite arrive, on les remet. Je les ai enlevés et remis quatre fois ! Et à chaque fois, j'empoche 3 millions d'euros."
Extrait de "Frontières : des milliards, des ratés et des barbelés", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 12 mai 1022.
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