Pourquoi les monarchies du Golfe refusent d'accueillir des réfugiés
Alors que quatre millions de personnes ont fui la Syrie depuis 2011, les frontiÚres des riches Etats pétroliers voisins leur restent fermées. Explications.
PrĂšs de 2 millions de rĂ©fugiĂ©s syriens en Turquie, 1 115 000 au Liban, 630 000 en Jordanie, 132 000 en Egypte... Et aucun, ou presque, dans les pays du Golfe, d'aprĂšs les chiffres du Haut Commissariat aux rĂ©fugiĂ©s de l'ONU. Cette absence d'action politique suscite critiques et interrogations sur la solidaritĂ© arabe, non seulement en Occident mais dans les pays eux-mĂȘmes. Comment l'expliquer ?
Parce que rien ne les y oblige légalement
Aucun des Etats du Golfe n'est signataire des conventions internationales définissant le statut de réfugié, et notamment la Convention de 1951. Du point de vue du droit international, ils ne sont donc pas contraints d'accueillir des migrants pour leur proposer l'asile ou, a minima, les héberger dans des camps de réfugiés. Contrairement aux pays européens, qui s'organisent en conséquence.
Pour l'heure, ces pays restent silencieux sur le sujet. "Malheureusement, les riches pays du Golfe n'ont publié aucun communiqué sur la crise et encore moins proposé une stratégie pour aider les migrants, en majorité des musulmans", relevait récemment l'éditorialiste du quotidien qatari Gulf Times.
Pour les critiques des riches pétromonarchies, le contraste est d'autant plus saisissant que certains de ces Etats du Golfe financent des groupes armés engagés dans la guerre civile syrienne et portent donc une part de responsabilité dans les conséquences humanitaires du conflit. Sara Hashash, responsable des relations presse d'Amnesty International pour le Moyen-Orient, fustige ainsi le comportement "absolument scandaleux" des pays du Golfe.
Parce qu'elles fournissent déjà une aide financiÚre
Ces Etats ne sont pourtant pas restés inactifs depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011. "Les pays du Golfe ont fourni 900 millions de dollars pour aider les déplacés syriens, à travers des ONG et des donations de particuliers", selon la BBC (en anglais). "Pour des raisons logistiques, le Qatar ne peut accueillir des réfugiés en grand nombre et choisit à la place de les soutenir financiÚrement", avance Abdullah Al-Athbah, rédacteur du chef du quotidien qatari Al-Arab.
Mais cette aide est insuffisante, selon le Washington Post (en anglais), qui note que "les Etats-Unis ont levé quatre fois plus de fonds". Directeur pour la Syrie de l'ONG Oxfam, Daniel Gorevan estime lui aussi que les pays du Golfe pourraient "à l'évidence en faire bien plus" pour les réfugiés syriens. Il les invite à leur proposer des emplois, à mettre en place des mécanismes de regroupement familial et des dispositifs d'immigration légale.
Parce qu'elles craignent un bouleversement de leur démographie
ProblĂšme : ces tout petits Etats (si l'on fait exception de l'Arabie saoudite) craignent d'ĂȘtre submergĂ©s par des rĂ©fugiĂ©s alors qu'ils font dĂ©jĂ travailler des millions de migrants, notamment originaires d'Asie du Sud. Aux Emirats arabes unis et au Qatar, les travailleurs Ă©trangers sont en moyenne cinq fois plus nombreux que les ressortissants nationaux.Â
Pour Sultan Barakat, du Brookings Doha Center, un geste pourrait aider les Syriens et dĂ©samorcer les critiques : permettre l'entrĂ©e des rĂ©fugiĂ©s ayant dĂ©jĂ des membres de leur famille dans le Golfe. Des centaines de milliers de Syriens vivent en effet depuis des annĂ©es dans la rĂ©gion, attirĂ©s par les opportunitĂ©s d'emploi. L'octroi de visas reste cependant strictement contrĂŽlĂ©.Â
Parce qu'elles ont peur pour leur sécurité
La crise des rĂ©fugiĂ©s syriens intervient au moment oĂč les pays du Golfe concentrent leur attention sur le conflit au YĂ©men et sur la complexe opĂ©ration militaire qu'ils y mĂšnent contre des rebelles chiites Houthis. En outre, pour dĂ©stabiliser le prĂ©sident syrien Bachar Al-Assad, soutenu par l'Iran chiite, leur rival rĂ©gional, des pays du Golfe ont aidĂ©, avec de l'argent et des armes, des groupes rebelles sunnites engagĂ©s contre le rĂ©gime de Damas.
Dans ce contexte, des considĂ©rations sĂ©curitaires sont parfois avancĂ©es pour expliquer le refus d'accueillir des rĂ©fugiĂ©s. "Comme les pays du Golfe sont impliquĂ©s dans les affaires politiques de la Syrie, ils peuvent s'inquiĂ©ter de ce que pourraient entreprendre ceux qui viendraient chez eux", explique Sultan Barakat, du Brookings Doha Center. L'Arabie saoudite a notamment Ă©tĂ© visĂ©e depuis le dĂ©but de l'annĂ©e par des attentats du groupe Etat islamique, et veut rĂ©duire le plus possible le risque terroriste sur son territoire. Â
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