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Reportage Ukraine : les vétérans du Donbass et les volontaires prêts à se lever "par millions' contre les Russes

Pendant que les discussions diplomatique se poursuivent, à Kiev, les Ukrainiens se préparent à une guerre que beaucoup estiment inéluctable.

Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Quatre "légionnaires" de l'organisation paramilitaire "La Légion ukrainienne". (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

A première vue, à Kiev, la vie continue : les bars font le plein, les jeunes batifolent sur la place Maïdan. Mais il suffit de tendre le micro, mardi 8 février, pour comprendre que l'inquiétude est bien là. Une crainte qui ne paralyse pas les habitants, bien au contraire qui semble les galvaniser et mobiliser la population. Jeunes, moins jeunes, toutes catégories sociales confondues, tous le répètent : nous nous battrons ! Partout dans le pays, des groupes pour la défense territoriale sont constitués avec des civils volontaires pour devenir réservistes. Si la guerre totale éclate, il faudra aller prêter main forte aux forces armées. 

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Le gouvernement ukrainien veut enrôler au moins 130 000 volontaires et ça se déroule dans les bureaux de recrutement, comme celui du centre de Kiev, où le téléphone n'arrête pas de sonner. "Toutes les trois minutes, on reçoit un appel, explique Pavlo, en charge du bureau. Parfois, on a jusqu'à 90 appels par jour !" Les profils qui se présentent sont majoritairement des étudiants, des réservistes, mais aussi "des femmes de ménage avec des enfants qui veulent s'entraîner pour pouvoir défendre leurs familles", assure-t-il. 

Le bureau de recrutement des civils volontaires pour devenir réservistes, à Kiev. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Pour encadrer ces recrutements, l'un des responsables s'appelle Shscherbina Mykhailo Yuriovytch. C'est le directeur adjoint de la sécurité municipale à Kiev, il est colonel de réserve mais surtout vétéran de la guerre dans le Donbass. Son treillis déjà sur le dos, il se dit prêt et affiche un objectif clair. "Nous allons constituer à Kiev, la plus grande brigade de défense territoriale du pays : 10 bataillons, ce qui représente 6 000 personnes. En cas de conflit, notre rôle sera de les appeler, de les équiper. Ce sont des civils qui travaillent, qui mènent une vie normale, mais en cas d'alerte ils sont convoqués. En attendant, une fois par semaine, ils s'entraînent à se servir d'une arme."

Le colonel et vétéran de guerre Shscherbina Mykhailo Yuriovytch. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Le colonel Yuriovytch tient à s'exprimer sur la présence du président français Emmanuel Macron à Moscou puis à Kiev : "Je remercie vraiment en tant qu'Ukrainien, le président Macron du soutien qu'il nous apporte dans notre lutte. Mais pour parler franchement, les visites des leaders européens ne font que retarder la crise."

"La Russie veut prendre le contrôle de l'Ukraine, et nous allons nous battre contre ça. Tant que Poutine est là, nous sommes menacés, et les visites des Européens nous donnent seulement un peu de répit, et nous laissent le temps de nous préparer."

Colonel Yuriovytch, réserviste, vétéran du Donbass

à franceinfo

Certains vont même plus loin dans leur haine envers le dirigeant russe, comme la Légion ukrainienne, une organisation aux accents paramilitaires, constituée de vétérans et de réservistes. Les membres, entre 29 et 47 ans, ne donnent pas leur véritable identité, uniquement leur nom de guerre. Certains très explicites comme "Le Sabre", d'autres plus décalés comme "Luigi et Mario". "Nous avons un voisin très insistant qui veut faire ami-ami avec nous avec un peu trop d'insistance à mon goût, ironise 'Le Sabre'. Pour éviter cette amitié qui pourrait nous décapiter, nous apprenons à arracher des têtes nous aussi."

"A mon avis aucune personne civilisée dans ce monde ne doit négocier avec Poutine, poursuit le paramilitaire. C'est comme un ours colérique qui possède l'arme nucléaire, et qui menace le monde entier. La Russie a peur que le monde civilisé tape à sa porte, qu'il entre dans son foyer, et ils ne veulent pas de ça, ils ont peur de ça."

Malgré un conflit qui s'étale depuis huit ans, "Le Sabre" est persuadé que les Ukrainiens se mobiliseront en cas de guerre : "Nous sommes des citoyens engagés, et il n'y a pas que nous ! Beaucoup de personne fatiguées de la guerre, qui sont rentrées à la maison, vont revenir si la guerre totale éclate. Les Russes n'auront pas à faire à des centaines de personnes, mais à des millions !" Avant de conclure : "Ils ont réveillé le dragon, c'est à dire le peuple ukrainien.

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