Reportage Guerre en Ukraine : dans les ruines de Lyssytchansk où les habitants ne "réagissent même plus quand les obus tombent"
Après plus de trois mois de bombardements quotidiens, la ville de l'est de l'Ukraine est en grande partie détruite. franceinfo a pu pénétrer dans cette zone du Donbass pilonnée par les forces russes à la rencontre des habitants en détresse.
Lyssytchansk est un concentré de la guerre : la destruction est partout où les yeux se posent, avec des ruines, des carcasses de voitures, des impacts d’obus. Et puis, il y a le dénuement de ses habitants, terrorisés par les tirs de mortiers. Ce sont deux villes-clés, au centre de la bataille du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Depuis plusieurs semaines, les villes voisines de Severodonetsk et Lyssytchansk subissent de plein fouet la puissance de feu des russes.
Après plus de trois mois de guerre en Ukraine, aujourd'hui, les deux villes sont en grande partie détruites, des civils sont touchés régulièrement. Trois civils ont ainsi trouvé la mort, jeudi 16 juin, à Lyssytchansk, dans une frappe de missile. "Des tirs comme ça... J'ai peur de ces tirs. Je n'arrive pas à parler, je suis à bout de force, même pour marcher", confie Tamara, qui se traîne au bord de la route.
En plein soleil, dans cette rue poussiéreuse, une autre femme avance difficilement. Fatiguée, Nina a, elle, vu deux obus s'abattre dans sa cour récemment.
"Vous pouvez le voir. Il y a des explosions partout. Tous ceux qui voulaient partir sont partis, mais nous nous n’avons nulle part où aller…"
Ninaà franceinfo
Une vieille dame, toujours sur le bord de cette route, surenchérit : "Ni eau, ni gaz, ni électricité. Ici c’est débrouille-toi tout seul ! Nous ne vivons pas, nous survivons ! Excusez-moi, je dois y aller…". En partant, elle croise deux jeunes femmes, qui traversent avec des bidons en main. "Quand on va chercher de l’eau, on voit sur cette route les tirs nous passer au-dessus de la tête. On a peur, mais comment faire sans eau…", soupire Dacha, qui presse le pas, quand d’autres marchent de façon automatique, comme anesthésiés par la guerre.
"Si l’on cédait la ville, on pourrait encore sauver quelque chose ici…"
"D’où ça tire ? Sur qui on tire ? On n’essaie même plus de le savoir. Nous, nous sommes des survivants. On a déjà dépassé le stade de l’inquiétude. On ne réagit même plus quand les obus volent et tombent. On s’est habitués", lâche Boris, un jeune homme resté pour s'occuper de ses proches. Et tandis que nous progressons en voiture dans la ville défigurée, des scènes effarantes se succèdent. Comme ce vieil homme qui tire une remorque pleine de morceaux de bois : "C'est tout ce qu’il me reste. C’est mon lit cassé. Je vais le réparer".
Nous dépassons ensuite un vieil homme à vélo. Il crie : "L’Ukraine ne nous donne rien du tout !" Ici, dans ce Donbass déchiré, une partie de la population est pro-russe et parmi les habitants qui sont restés, certains comme Tatiana espèrent la défaite de l’Ukraine : "Moi, je veux que la paix s’installe. Tout le reste, je m’en fous. Ici, tout le monde connaît l’issue de la guerre. Mais pourtant les Ukrainiens s’entêtent à se battre. Si l’on cédait la ville, on pourrait encore sauver quelque chose ici…" Alors que les tirs d'artillerie se rapprochent, à la sortie de la ville, des soldats ukrainiens se reposent à l’ombre d’un arbre. Cela fait plus d’un mois qu’ils combattent ici.
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