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Guerre en Ukraine : trois questions sur les accusations russes à propos des armes biologiques

La Russie accuse Washington et Kiev de gérer des laboratoires destinés à produire des armes biologiques en Ukraine. Les Occidentaux dénoncent une désinformation qui pourrait cacher la volonté de Moscou d'avoir recours à des armes chimiques.

Article rédigé par franceinfo
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Des pompiers ukrainiens interviennent sur un bâtiment touché par une frappe russe, le 11 mars 2022, à Novokodatsky, en Ukraine. (EYEPRESS NEWS)

La guerre de l'information continue de sévir dans le conflit ukrainien. Depuis plusieurs jours, la Russie accuse l'Ukraine et les Etats-Unis de préparer en laboratoire des armes biologiques. Une communication qui fait craindre aux Occidentaux une future utilisation par les forces russes. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir en urgence, vendredi 11 mars, à 17 heures (heure de Paris), à la demande de Moscou, à propos de la fabrication supposée d'armes biologiques en Ukraine.

1Que dit la Russie ?

L'accusation a été formulée à plusieurs reprises. Le porte-parole du ministère de la Défense russe, Igor Konachenkov, a notamment affirmé que les Etats-Unis avaient financé un programme d'armes biologiques en Ukraine. "Des documents montrent que des expériences ont été menées avec des échantillons de coronavirus de chauve-souris, assure-t-il. L'objectif de cette recherche biologique en Ukraine, ainsi que d'autres financées par le Pentagone, était de créer un mécanisme de diffusion clandestine d'agents pathogènes mortels."

Depuis, les médias russes sous influence du Kremlin reprennent ces accusations. "A Kharkiv, 20 soldats sont morts après avoir été exposés à une sorte d'arme virale", assure ainsi le tabloïd Komsomolskaïa Pravda (en russe). Ce journal évoque une quinzaine de laboratoires à travers l'Ukraine qui prépareraient des armes "pour des attaques contre la Russie".

Toutes ces accusations ont été rejetées par les Etats-Unis et l'Ukraine. "Le Kremlin répand intentionnellement des mensonges purs et simples", a réagi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price dans un communiqué. "Je suis le président d'un pays décent, d'un peuple décent. Personne ne développe une quelconque arme chimique ou de destruction massive sur mon territoire", a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Ce n'est pas la première fois que Moscou formule ce type d'accusations. En 2018, la Russie avait déjà mis en cause les Etats-Unis, en les soupçonnant de mener secrètement des expérimentations biologiques dans un laboratoire de Géorgie. Cette autre ancienne république soviétique, comme l'Ukraine, ambitionne de rejoindre l'Otan et l'Union européenne.

2Que craignent les Occidentaux ?

Pour les Occidentaux, la communication de la Russie au sujet d'armes chimiques cache quelque chose. "Ce n'est pas la première fois que la Russie invente de telles fausses accusations", a affirmé le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price. "Maintenant que la Russie a émis ses fausses accusations et que la Chine semble faire sienne cette propagande, nous devons surveiller tout possible recours par la Russie à des armes chimiques ou biologiques en Ukraine", a prévenu Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche, sur Twitter.

Lors d'une audition parlementaire, Victoria Nuland, la numéro trois de la diplomatie américaine, a estimé que "c'est une technique russe classique que d'accuser les autres de ce qu'ils envisagent de faire eux-mêmes."

Boris Johnson a également exprimé jeudi son inquiétude quant à un recours à des armes chimiques en Ukraine. "Les choses que vous entendez au sujet des armes chimiques sortent tout droit de leur stratégie", a déclaré le Premier ministre britannique sur Sky News. "Ils commencent par dire qu'il y a des armes chimiques qui ont été stockées par leurs opposants ou par les Américains. Et donc quand eux-mêmes déploient des armes chimiques, comme je crains qu'ils le fassent, ils ont une sorte de maskirovka [un terme russe qui désigne l'art de tromper l'ennemi], une fausse histoire toute prête."

3L'Ukraine détient-elle des armes chimiques ?

Il existe des laboratoires en Ukraine, mais qui n'ont pas de vocation militaire, selon les Occidentaux. "L'Ukraine dispose d'installation de recherche biologique, et nous sommes de fait à présent assez inquiets par la possibilité que les forces russes tentent d'en prendre le contrôle", a déclaré la diplomate américaine Victoria Nuland, lors de son audition. "Donc nous travaillons avec les Ukrainiens sur les manières d'éviter que ces matériaux liés à la recherche puissent tomber aux mains des forces russes si elles devaient s'en approcher."

Ces laboratoires, soutenus par l’Organisation mondiale de la santé, étudient les moyens d’atténuer les menaces de maladies dangereuses affectant à la fois les animaux et les humains, mais n'ont pas vocation à créer des armes. Dans un courrier consulté par l'agence Reuters, l’OMS conseille quand même à l’Ukraine de détruire ses agents pathogènes à haut risque hébergés dans ses laboratoires. Il s'agit d’éviter "tout déversement potentiel" qui propagerait des maladies au sein de la population en cas de bombardement.

Concernant la possible utilisation par l'armée russe d'armes chimiques ou biologiques, l'ONU reste pour l'instant prudente. Le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, a affirmé "ne pas avoir d'information (...) sur leur utilisation prochaine" en Ukraine. Mais les chancelleries européennes n'oublient pas que la Russie a déjà été accusée d'avoir utilisé de telles armes. "On l'a vu en Syrie, on l'a vu... même au Royaume-Uni", a répliqué Boris Johnson en référence à des empoisonnements sur le sol britannique. Et le Premier ministre britannique d'ajouter : "C'est un gouvernement cynique, barbare." En dépit des dénégations russes, le Royaume-Uni tient Moscou pour responsable de l'empoisonnement en 2018 à Salisbury de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal au Novitchok

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