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Guerre en Ukraine : "C'est la première fois qu'un procureur près la Cour internationale se déplace sur une zone où la guerre a lieu", selon un spécialiste

"C'est tout à fait nécessaire et indispensable" d'être sur place, estime sur franceinfo Me Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit pénal international.

Article rédigé par franceinfo
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Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, visite un charnier à Bucha, dans la banlieue de Kiev, le 13 avril 2022. (FADEL SENNA / AFP)

"C'est la première fois qu'un procureur près la Cour internationale se déplace sur une zone où la guerre a lieu", a expliqué mercredi 13 avril sur franceinfo Me Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit pénal international et inscrit sur la liste des avocats près la Cour pénale internationale. Le procureur de la Cour pénale internationale, qui s'est rendu en Ukraine, estimé lors de sa visite à Boutcha que le pays était une "scène de crime".

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franceinfo : Comment est-ce que cela va se passer sur le terrain pour le procureur ?

Emmanuel Daoud : C'est la première fois qu'un procureur près la Cour internationale se déplace sur une zone où la guerre a lieu. Cela est remarquable et veut dire à quel point la Cour pénale internationale et son procureur s'engage dans la collecte des preuves des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. On va avoir des experts en balistiques, des médecins légistes, qui vont autopsier les corps des civiles de Boutcha pour savoir s'ils ont été exécutés, si ce sont des balles russes que l'on trouve dans ces corps. Ensuite, ils établiront village par village, ville par ville, la cartographie de ces exactions et de ces crimes. Une fois que cela aura été établi, les enquêteurs et le procureur tenteront de remonter la chaîne de commandement.

Est-ce important d'être sur place le plus rapidement sur place ? Les preuves vont-elles être difficiles à trouver ?

C'est tout à fait nécessaire et indispensable puisque l'on voit que du côté russe, on parle de mise en scène du côté ukrainien. Le fait qu'il puisse y avoir non seulement les enquêteurs de la CPI mais aussi une équipe de gendarmes français, qui travaillent au service de la procureure générale de l'Ukraine, montre que sur le terrain, il y a des expertises qui permettent en temps réel de rassembler ces preuves. C'est la première fois, à ma connaissance, que cela se produit. Quel sera le résultat ? Je fais le pari qu'il sera beaucoup plus rapide que dans les procédures pénales de ce type concernant d'autres théâtres de guerre ou d'autres crimes contre l'humanité.

"Je pense qu'il y aura des mandats d'arrêts qui seront délivrés contre les auteurs présumés de ces crimes de guerre dans deux-trois ans et pas dans sept ou dix ans."

Me Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris

à franceinfo

Quelle est la différence juridique entre crime de guerre et génocide dont certains responsables politiques ont parlé ?

Un crime de guerre,  c'est bombarder des maternités, des théâtres, des immeubles en sachant qu'il y a des civils et sans qu'il y ait à côté de ces immeubles des forces armées identifiées. Ce sont des crimes de guerre. Entre le crime de guerre et le génocide, il y a le crime contre l'humanité où on est sur des zones géographiques plus importantes et la volonté délibérée systématique de frapper des populations civiles. Pour un génocide, il faut que du côté russe, la démonstration soit faite que l'on a voulu éradiquer, éliminer, la nation ukrainienne. Donc, il faut une volonté, un plan concerté pour éliminer le maximum d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes. Est-ce que cette démonstration sera faite ? Je n'en sais rien. Le fait qu'il y ait des frappes sur une grande partie du territoire, qu'il y ait un plan concerté de bombardements d'endroits où il y a des populations civiles, des exécutions, nous emmène de plus en plus du crime de guerre vers le crime contre l'humanité et le génocide.

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