Crise en Ukraine : en cas de conflit militaire "nous aurons une flambée des prix du gaz, c'est évident", analyse un spécialiste et professeur
"Si jamais nous avons un conflit militaire sur l'Ukraine, nous aurons une flambée des prix du gaz, c'est évident" a déclaré Philippe Chalmin, spécialiste des matières premières et de l'énergie.
"Les uns et les autres se tiennent par la barbichette", a indiqué ce dimanche sur franceinfo Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à l'Université Paris Dauphine, spécialiste des matières premières et de l’énergie, alors que le conflit en Ukraine menace les importations de gaz russe vers l'Union européenne. Selon lui, "les Russes pourront tenir un certain temps", tandis que "les stocks de gaz naturel que nous détenons sont historiquement bas". "En réalité, du gaz, on pourra toujours en trouver, on pourra toujours en acheter, le seul problème, c'est qu'il va falloir le payer", résume-t-il.
En quoi un conflit en Ukraine menace les importations de gaz ?
Philippe Chalmin : Grossièrement, aujourd'hui, l'Europe occidentale dépend à 40% pour ses approvisionnements de la Russie. Les autres grands fournisseurs sont la Norvège, l'Algérie, et puis des importations de gaz naturel liquéfié qui peuvent venir du Qatar, d'Australie et des Etats-Unis. A partir du moment où nous aurons un vrai conflit, où l'on dirait aux Russes "on n'achète plus votre gaz" ou que les Russes nous diraient "on ne veut plus vous vendre notre gaz", nous aurons un problème d'approvisionnement car les stocks de gaz naturel que nous détenons sont historiquement bas et donc il faudrait trouver d'autres approvisionnements, c'est une évidence.
Les Russes aussi n'ont pas vraiment intérêt à couper les vannes puisqu'ils exportent massivement du gaz ?
Oui, les uns et les autres se tiennent par la barbichette. Mais les Russes pourront tenir un certain temps : ils ont des débouchés du côté de la Chine. Dans cette partie de bras de fer, les Russes n'ont pas hésité jusqu'à présent à utiliser l'arme du gaz. Mais, en réalité, du gaz, on pourra toujours en trouver, on pourra toujours en acheter. On a des capacités aujourd'hui d'importations de gaz naturel liquéfié. Le seul problème qu'il faut rappeler, c'est qu'il va falloir le payer et que si jamais nous avons un conflit militaire sur l'Ukraine, nous aurons une flambée des prix du gaz, c'est évident.
Que ce soit en Europe ou en Asie, il faut savoir que, déjà aujourd'hui, le gaz vaut presque deux fois plus cher que le pétrole. On a eu des périodes de très fortes tensions sur le marché du gaz ces dernières semaines qui étaient directement corrélées à la parole de Vladimir Poutine. Donc du gaz, on en aura, mais il va falloir passer à la caisse et ça va être très onéreux.
"Dans le scénario catastrophique le plus total, si plus un mètre cube de gaz russe ne passe la frontière, il pourrait y avoir des situations d'approvisionnement un peu tendues."
Philippe Chalminà franceinfo
Est-ce que l'Europe va réussir à parler d'une seule voix, sachant que nous ne dépendons pas tous du gaz russe de la même manière ?
En effet, la France est beaucoup plus tranquille. Le gaz ça sert à se chauffer mais ça sert aussi à fabriquer de l'électricité. Nous, nous avons un matelas nucléaire mais l'Allemagne n'en a pas. On voit bien, actuellement, dans la gestion allemande de la crise ukrainienne, toutes les ambiguïtés. La ministre des Affaires étrangères, qui est écolo, est opposée à toute forme d'énergies fossiles, y compris le gaz. Elle est extrêmement raide face à la Russie, menaçant d'ailleurs que le gazoduc North Stream 2 n'ouvre jamais ses portes. À l'inverse, Olaf Scholz [le chancelier allemand] est quasiment silencieux dans ce dossier. C'est vrai aussi que l'Est de l'Europe, le plus proche de la Russie, est le plus dépendant.
Si les Etats-Unis s'y intéressent d'aussi près, c'est évidemment qu'ils ont des intérêts dans ce dossier ?
C'est vrai que c'est intéressant de voir l'état de subordination dans lequel se trouve l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis. Ce sont les Etats-Unis qui se préoccupent de l'alimentation en gaz de l'Europe et qui vont négocier avec le Qatar, comme si l'Europe, à la limite, n'existait pas. Il pourrait y avoir des cargaisons, des méthaniers, venant du Qatar venant d'Australie, des Etats-Unis arrivant dans les ports européens. Simplement, ça aura un prix.
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