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Accord céréalier en mer Noire : "Les marchés avaient anticipé la fin de cet accord", analyse un spécialiste des matières premières et de l’énergie

Alors que Moscou a mis fin à l'accord céréalier avec Kiev ce lundi, l'impact "risque d'être plus important sur le marché du maïs", que sur celui du blé, estime ce jeudi Philippe Chalmin, spécialiste des matières premières.
Article rédigé par franceinfo
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Des agriculteurs ukrainiens récoltant des céréales dans la région d'Odessa, dans le sud de l'Ukraine, le 23 juin 2023. (IGOR TKACHENKO / EPA)

"Les prix augmentent un peu" mais "les marchés avaient anticipé la fin" de l'accord quadripartite qui garantit depuis un an l'exportation sécurisée des céréales ukrainiennes via la mer Noire, que la Russie n'a pas voulu prolonger lundi 17 juillet, analyse Philippe Chalmin jeudi 20 juillet sur franceinfo. Ce professeur d’histoire économique à l’université Paris-Dauphine, spécialiste des matières premières et de l’énergie, affirme que le problème du maïs en Ukraine est bien plus inquiétant pour les pays occidentaux que celui du blé.

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franceinfo : Les prix augmentent déjà sur les marchés européens ?

Philippe Chalmin : Oui, un peu, mais il faut se rendre compte qu'ils avaient fortement baissé depuis un an. L'année dernière, la tonne sur le marché européen était grimpée jusqu'à 430 euros. Nous étions descendus à 220 euros ces dernières semaines. Hier, les marchés ont clôturé aux alentours de 250 euros. On reste deux fois moins qu'au pic pour deux raisons. La première, c'est que la campagne 2022-2023 a été excellente dans le reste du monde, que ce soit en Russie, en Australie, au Brésil... donc les marchés ont été plutôt bien approvisionnés. D'autre part, l'Ukraine, malgré la guerre, a quand même maintenu plus d'exportations non seulement par le corridor céréalier, mais au travers de l'Europe et au travers aussi de la petite langue de terre qui, passant sous la Moldavie, permet à l'Ukraine d'avoir un accès sur le Danube.

Le blé russe n'est pas soumis aux sanctions ?

Les produits alimentaires ne sont pas soumis aux sanctions. Par contre, les Russes se plaignent des difficultés qu'on leur met un peu, au niveau du financement de ces exportations, puisque les banques russes sont exclues du système international de paiement SWIFT. Malgré tout, il y a les banques chinoises ou indiennes qui sont moins regardantes. Et l'année dernière, là où l'Ukraine a exporté 15 à 16 millions de tonnes de blé, la Russie en a exporté 42. Pour vous donner un ordre de grandeur, les exportations mondiales de blé, c'est un peu moins de 200 millions de tonnes.

Malgré la fin de cet accord sur le blé ukrainien, le prix a augmenté sur les marchés, mais pas beaucoup. Cela veut dire que les marchés avaient anticipé la fin de cet accord ?

Les marchés l'avaient déjà anticipé et ils ont aussi quand même des disponibilités relativement importantes. Le problème ukrainien est moins celui du blé que celui du maïs. Pour vous donner un ordre de grandeur sur cette campagne 2022-2023 qui s'est terminé le 1ᵉʳ juillet, l'Ukraine a exporté un peu moins de 50 millions de tonnes de céréales. Et sur ces 50 millions de tonnes de céréales, il n'y avait que 17 millions de tonnes de blé. Le reste, c'était du maïs, de l'orge… À la limite, l'impact de la fin du corridor céréalier risque d'être plus important sur le marché du maïs. Et à ce moment-là, les acheteurs de maïs, ce ne sont plus les pays pauvres, ce sont des pays qui importent du maïs pour leur alimentation animale, comme la Chine.

>> Guerre en Ukraine : blé, maïs, métaux... Comment le conflit affecte l'approvisionnement mondial en matières premières

Ça veut dire que le prix de la viande peut augmenter en France dans les prochains mois ?

Non, n'exagérons pas quand même. Par contre, le prix de l'alimentation animale pourrait être un peu plus tendu, d'autant plus qu'il y a des tensions sur le marché du sol. Mais tout le monde s'est focalisé peut-être sous l'influence des Nations Unies qui ont hurlé à la crise alimentaire mondiale. L'Ukraine n'a pas été le facteur aggravant d'une crise alimentaire mondiale, crise alimentaire qui est beaucoup plus liée dans nombre de pays à la mal-gouvernance, aux guerres civiles et aux phénomènes climatiques comme El Niño.

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