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Brexit : à Jersey, les pêcheurs se sentent comme des "pions dans un jeu politique" avec l'enlisement des négociations sur les licences

Au moment de l'ouverture des Assises de la pêche en Bretagne, les négociations sont toujours infructueuses entre la France et le Royaume-Uni sur le nombre de licences post-Brexit. À Jersey, les pêcheurs se sentent pris en étau au milieu de discussions politiques.

Article rédigé par Richard Place
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un bateau de pêche français devant le port de Saint-Hélier au large de l'île anglo-normande de Jersey, le 6 mai 2021. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

Humeur de chien, sur le port de Saint-Hélier, la capitale de Jersey. Alors que les Assises de la pêche s'ouvrent jeudi 18 novembre en Bretagne, l'île anglo-normande est toujours au cœur des discussions entre la France et le Royaume-Uni sur le nombre de licences de pêche accordées depuis le Brexit. Pendant deux jours, des débats vont se dérouler à Roscoff et Saint-Pol-de-Léon (Finistère), alors que les échanges se poursuivent entre Paris et Londres, sans résultats. 

Si l'île est au centre des débats, c'est parce qu'elle est située à quelques kilomètres seulement des côtes normandes. Depuis plusieurs semaines, des dizaines de pêcheurs français sont privés de ces eaux poissonneuses.

La menace de couper l'électricité fait grincer

À quelques mètres d'un toutou qui grogne, son propriétaire aboie sur le pont de son bateau, en pleine réparation. "Allez-y, coupez l'électricité !", s'énerve-t-il au loin, refusant de répondre aux questions. "Mon grand-père était dans la résistance et il n'en avait pas. Ce n'est pas un problème !", lance-t-il, faisant ainsi référence à la menace française de réduire la fourniture de l'île en électricité. Ici, les habitants l'ont mal pris. 

"La pêche est utilisée comme un pion dans un jeu politique", peste Gilbert, pêcheur jersiais. Traînant une caisse en plastique remplie de crabes et de homards qu'il vient de pêcher, Gilbert admet que toute cette histoire le mine. "En tant que pêcheurs, cela nous met une énorme pression. Il y a une bataille entre le gouvernement français et celui de Jersey. Qui sait ce qui va se passer ?"

Les autorités jersiaises campent sur leurs positions

Les autorités de l’île ont accordé 116 licences de pêche définitives à des Français et 46 autres valables seulement jusqu’au 31 janvier 2022. Quand la France affirme qu’il en faut des dizaines de plus, le ministre-assistant jersiais chargé de l'Environnement, Grégory Guida, s'étrangle et assure appliquer la règle : un navire doit justifier de son ancienneté de pêche dans le secteur sur l'une des trois dernières années. Il n'y a, selon lui, rien à négocier, seules les preuves comptent. Signe de la bonne volonté de Jersey : l'île anglo-normande en a même parfois trouvé elle-même pour les pêcheurs français.

Il évoque également les demandeurs qui ne sont jamais venus pêcher ici mais qui veulent le permis pour ajouter de la valeur au navire. En cas de revente, le nouveau propriétaire bénéficie en effet de l’autorisation, ce qui fait grossir le prix de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Quant au ton employé par le gouvernement français, Grégory Guida préfère ironiser. "La France a huit frégates de premier rang. Nous avons 60 soldats et un Zodiac. Si la France veut envahir Jersey, elle est la bienvenue. Elle peut nous amener un préfet et, demain matin, on déjeune dans une nouvelle colonie", glisse-t-il à l'adresse de Paris. "Ce n’est pas vraiment le principe. Nous sommes au XXIe siècle, nous discutons entre adultes de mettre en place un contrat qui existe. Cela peut se faire avec des spécialistes, des experts et même des avocats si vous avez vraiment un problème."

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