"Bahamas Leaks", "pantouflage", immobilisme... Les casseroles qui plombent l'image de la Commission européenne
Un ancien président de la Commission qui file chez Goldman Sachs, une ancienne commissaire administratrice d’une société offshorre... Les scandales à répétition écornent l'image de la plus haute institution européenne.
Comme si le Brexit ne suffisait pas, les nuages s'amoncellent au-dessus de Bruxelles. En quelques semaines, les scandales ont éclaboussé la Commission européenne. Dernier en date, et pas des moindre, celui révélé par les "Bahamas Leaks", mercredi 21 septembre.
On apprend ainsi qu'au mépris des règles européennes, l’ancienne commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, était également administratrice d’une société offshore située au Bahamas durant son mandat. Une affaire qui renforce encore un peu plus l'image d'une Commission peu regardante sur les pratiques de ses propres membres.
"L’ère Barroso" ou le syndrome du "pantouflage"
Nelly Kroes, ex-ministre néerlandaise des Transports et docteur en économie, reconnaît qu'elle a été en infraction "avec le code de conduite des commissaires européens". La Néerlandaise a été directrice d'une société aux Bahamas pendant son mandat. Une fonction incompatible avec sa mission européenne consistant alors à surveiller le monde des affaires.
Le problème est que ce n'est pas le seul problème. "Mme Kroes symbolise l’ère Barroso, l’ère des sans-scrupules", estime Virginie Rozière, eurodéputée du Sud-Ouest interrogée par La Dépêche. Ces révélations tombent, en effet, au plus mauvais moment pour la Commission, alors qu'elle peine à éteindre l'incendie allumé par le départ son ancien président, José Manuel Barroso. Son recrutement, cet été, par la banque américaine Goldman Sachs, un établissement dont le nom reste encore largement associé aux excès de la finance, continue de faire scandale.
L'affaire Kroes met à nouveau en lumière le "pantouflage" qui touche les anciens membres de la Commission puisque l'ancienne commissaire est elle-même conseillère rémunérée de Bank of America et d'Uber. Une situation étonnante alors qu'elle s'était fait la chantre de la lutte contre les positions dominantes sur les marchés, s'opposant notamment à Microsoft ainsi qu'aux groupes énergétiques E.ON et GDF Suez, entre autres, rappellent Les Echos.
Des mécanismes de contrôle en panne
Si certains à Bruxelles regrettent la décision de José Manuel Barroso, impossible pourtant de s'y opposer. Une enquête a bien été lancée sur cette embauche, et sera pilotée par le comité éthique de la Commission, mais les avis de ce comité ne sont pas contraignants et n’ont pas valeur de décisions, rappelle Le Monde.
Certains fonctionnaires de la Commission, pourtant, ne cachent pas leur exaspération. Cet été, six d'entre eux ont lancé une pétition en ligne au lendemain de l'annonce de José Manuel Barroso de rejoindre la banque d'affaires américaine. Rencontrés par "Quotidien", l'un d'eux explique, sous couvert d'anonymat, en avoir "marre de passer (son) temps à se justifier que non, je ne suis pas aux mains des lobbies".
Les pétitionnaires souhaitent obtenir une date précise pour l’examen du cas Barroso par le comité d’éthique, ainsi qu'un compte-rendu public et mettent en doute la totale indépendance de cet organe. Un coup de gueule qui n'est pas passé inaperçu puisque près de 147 000 personnes ont déjà signé ce texte.
Un immobilisme embarrassant
Résultat : la Commission européenne paraît, sinon complice, du moins impuissante à imposer un code de conduite exigeant à ses membres. Dans l'affaire Barroso, Jean-Claude Juncker ne s'est que mollement désolidarisé de son prédécesseur, se contentant d'un : "Je ne l'aurais pas fait."
Cet immobilisme entretient l'image d'une institution à la botte des lobbies. Car les cas de "pantouflages" sont légions au sein de la commission. Citant l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), spécialiste de la dénonciation des lobbies bruxellois, Le Monde, liste ainsi 9 membres sur les 26 qui ont quitté Bruxelles après la fin de la Commission Barroso (2009-2014) pour aller travailler dans des multinationales.
Un président lui aussi éclaboussé par une affaire
Jean-Claude Juncker a signé, jeudi 22 septembre, une lettre pour demander des clarifications à Neelie Kroes. Mais ce n'est qu'après avoir reçu une réponse de l'ancienne commissaire que des actions seront, ou non, entreprises.
Un caillou supplémentaire dans la chaussure d'un président de la Commission européenne déjà affaibli par un autre scandale : celui des "Luxleaks", ces accords passés entre des multinationales et le Luxembourg pour baisser leurs impôts alors qu'il en était le Premier ministre. Depuis, il doit faire face aux accusations de conflit d'intérêts alors que des enquêtes ont été diligentées par la Commission européenne sur cette évasion fiscale.
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